Le crime de Lord Arthur Savile. Wilde Oscar

Le crime de Lord Arthur Savile - Wilde Oscar


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ici il n'y a pas du tout d'insanité, lady Clem. Je vous assure que c'est un remède radical. Il faut me promettre d'en essayer.

      Et lord Arthur tira de sa poche la petite bonbonnière et la tendit à lady Clementina.

      – Mais cette bonbonnière est délicieuse, Arthur. C'est un vrai cadeau. Voilà qui est vraiment gentil de votre part… Et voici le remède merveilleux… Cela a tout l'air d'un bonbon. Je vais le prendre immédiatement.

      – Dieu du ciel, lady Clem! se récria lord Arthur s'emparant de sa main, il ne faut rien faire de semblable. C'est de la médecine homéopathique. Si vous la prenez sans avoir mal à l'estomac, cela ne vous fera aucun bien. Attendez d'avoir une crise et alors ayez-y recours. Vous serez surprise du résultat.

      – J'aurais aimé de prendre cela tout de suite, dit lady Clementina en regardant à la lumière la petite capsule transparente avec sa bulle flottante d'aconitine liquide. Je suis sûre que c'est délicieux. Je vous l'avoue, tout en détestant les docteurs, j'adore les médecines. Cependant, je la garderai jusqu'à ma prochaine crise.

      – Et quand surviendra cette crise? demanda lord Arthur avec empressement, sera-ce bientôt?

      – Pas avant une semaine, j'espère. J'ai passé hier une fort mauvaise journée, mais on ne sait jamais.

      – Vous êtes sûre alors d'avoir une crise avant la fin du mois, lady Clem?

      – Je le crains. Mais comme vous me montrez de la sympathie aujourd'hui, Arthur! Vraiment l'influence de Sybil sur vous vous fait beaucoup de bien. Et maintenant il faut vous sauver. Je dîne avec des gens ternes, des gens qui n'ont pas des conversations folichonnes et je sens que si je ne fais pas une sieste tout à l'heure, je ne serais jamais capable de me tenir éveillée pendant le dîner. Adieu, Arthur. Dites à Sybil mon affection et grand merci à vous pour votre remède américain.

      – Vous n'oublierez pas de le prendre, lady Clem, n'est-ce pas? dit lord Arthur en se dressant de sa chaise.

      – Bien sûr, je n'oublierai pas, petit nigaud. Je trouve que c'est fort gentil à vous de songer à moi. Je vous écrirai et je vous dirai s'il me faut d'autres globules.

      Lord Arthur quitta la maison de Lady Clementina, plein d'entrain, et avec un sentiment de grand réconfort.

      Le soir, il eut un entretien avec Sybil Merton. Il lui dit qu'il se trouvait soudainement dans une position horriblement difficile où ni l'honneur ni le devoir ne lui permettaient de reculer. Il lui dit qu'il fallait reculer le mariage, car jusqu'à ce qu'il fût sorti de ses embarras, il n'avait pas sa liberté.

      Il la supplia d'avoir confiance en lui et de ne pas douter de l'avenir. Tout irait bien, mais la patience était nécessaire.

      La scène avait lieu dans la serre de la maison de M. Merton à Park Lane où lord Arthur avait dîné comme d'habitude.

      Sybil n'avait jamais paru plus heureuse, et, un moment, lord Arthur avait été tenté de se conduire comme un lâche, d'écrire à lady Clémentina au sujet du globule et de laisser le mariage s'accomplir, comme s'il n'y avait pas dans le monde un M. Podgers.

      Cependant, son bon naturel s'affirma bien vite, et, même quand Sybil se renversa en pleurant dans ses bras, il ne faiblit pas.

      La beauté, qui faisait vibrer ses nerfs, avait aussi touché sa conscience. Il sentit que faire naufrager une si belle vie pour quelques mois de plaisir serait vraiment une vilaine chose.

      Il demeura avec Sybil jusque vers minuit, la réconfortant et en étant à son tour réconforté et, le lendemain de bonne heure, il partit pour Venise après avoir écrit à M. Merton une lettre virile et ferme au sujet de l'ajournement nécessaire du mariage.

IV

      A Venise, il rencontra son frère lord Surbiton qui venait d'arriver de Corfou dans son yacht.

      Les deux jeunes gens passèrent ensemble une charmante quinzaine.

      Le matin, ils erraient sur le Lido, ou glissaient ça et là par les canaux verts dans leur longue gondole noire. L'après-midi, ils recevaient d'habitude des visites sur le yacht et, le soir, ils dînaient chez Florian et fumaient d'innombrables cigarettes sur la Piazza.

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      Quartier avoisinant au nord Kensington Park, habité par les femmes entretenues par l'aristocratie de Londres (Note du traducteur.)

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