L’utopie Pragmatique. Domenico Villano
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Domenico Villano
L'Utopie pragmatique
à la découverte des Ãcovillages et des Communautés intentionnelles
Traduit de l'italien par Murielle Pahaut
Préface
Par Maria Rosaria Mariniello
Elle est à lâhorizon [â¦] Je mâapproche de deux pas, elle sâéloigne de deux pas. Jâavance de dix pas et lâhorizon sâenfuit dix pas plus loin.
Jâaurai beau avancer, jamais je ne lâatteindrai.
à quoi sert lâutopie ? Elle sert à cela : à cheminer.
Eduardo Galeano, Paroles vagabondes. Fenêtre sur lâutopie.
Câest avec émotion que je rédige, pour la toute première fois, la présentation dâun travail écrit par quelquâun dâautre; consciente de la lourde responsabilité qui mâincombe, car les premiers mots doivent accrocher le lecteur et donner lâenvie de se plonger dans la lecture ou, au contraire, de la poursuivre à son rythme.
Cette tâche mâa été confiée par le jeune auteur lui-même, pour les raisons que je vais maintenant tenter dâexpliquer en termes concis, car les mots ont parfois tendance à lasser, même sâils sont nécessaires pour raconter.
Je suis la présidente de lâAssociation CortoCircuito Flegreo, fondée en avril 2011 par 27 membres fondateurs, consommateurs, agriculteurs et artisans, qui partagent tous le même désir de réaliser un rêve, mais différent entre ville et campagne, entre nature et culture, entre agriculture et terre, et ce, de manière structurée, au-delà de la pratique qui existe déjà depuis quelque temps et qui sâest développée de manière informelle.
La définition de cette expérience sâapparente à celle dâune communauté, bien quâelle soit en perpétuelle évolution, vu la présence irrégulière de certains membres et la segmentation de la contiguïté territoriale, entravant lâéchange continuel. Cependant, lâAssociation CortoCircuito Flegreo a été fondée avec lâintention de créer un projet issu de principes communs et partagés, lesquels doivent être nécessairement élaborés au cours de lâapprofondissement des relations, quâelles soient humaines, économiques, culturelles ou solidaires, et qui ne sont jamais considérées comme acquises une fois pour toutes par lâacte fondateur de lâassociation, appelé statut.
De nombreux projets, parmi tous ceux développés ces dernières années, nous ont encouragés à modifier nos modes de vie, en adoptant, ce quâon appelle pour simplifier, les «bonnes pratiques». Ils nous ont ainsi permis de créer de petites économies solidaires, avec le producteur et avec la Terre, et ce, notamment, en apprenant dâun grain de blé quâil doit pousser sur un sol qui nâa pas encore été exploité ou encore de la macération dâune petite ortie chétive quâelle peut contribuer à la croissance dâune salade, lorsquâelle est pulvérisée sur la plante. En outre, nous avons mis sur pied un système de certification de producteurs et de produits, défini comme une société en participation, car elle vit à travers la rencontre et la connaissance du cycle de production et la vie concrète de celui qui produit, et nous permet également de repousser toujours plus loin la logique du label de qualité payant, qui décide, par délégation, si ce quâon produit et ce dont on se nourrit est sain.
Ce parcours a toujours été fertile et exaltant, débordant dâidées et enrichissant humainement, suscitant sans cesse le sentiment que cela valait vraiment la peine dâêtre vécu. Notamment, il nous a fait comprendre les changements avec humilité et nous a enseigné que les dynamiques, générées non seulement de lâextérieur, mais aussi en nous-mêmes, appelées communément «crises», devaient être affrontées chaque jour pour éviter les chutes désastreuses.
Bref, un véritable marché clandestin qui renferme, selon le principe des poupées russes, tant dâautres choses : les circuits dâapprovisionnement courts, le préfinancement à la source, le soutien aux activités sociales, les approfondissements et la formation de nouveaux systèmes agro-écologiques, et ce, afin de prendre soin de la Terre et dâen tirer une alimentation non intensive. Ainsi donc, fouler la Terre dâun pas plus léger pour éviter de lui infliger dâautres blessures.
Jâai connu Domenico Villano, il y a un peu plus dâun an.
Il était venu au Lac dâAverno lors dâune de nos réunions bimensuelles, durant lesquelles producteurs et consommateurs sâéchangent des expériences, des produits, des idées, des projets et consolident leurs liens dâamitié.
Il nous proposa de visiter le «jardin tropical» de Licola, lâendroit où son grand-père cultive avec amour ses kiwis et ses avocats, pour partager avec nous ses connaissances et les fruits de sa terre. Tout comme sa famille, Domenico aide son grand-père à entretenir ce lieu dâune manière, je dirais, presque magique. Nous avons tout de suite été charmés par lâharmonie de ce jardin, par lâentrelacement des différentes plantes, se soutenant les unes les autres, et dont les branches sâaffaissaient sous le poids de grands avocats luisants et la quantité de petits kiwis velus. Nous sommes entrés dans une dimension tropicale, créée en plein cÅur de la région phlégréenne, grâce à la passion obstinée dâun grand père, attisée par lâenthousiasme de son petit-fils !
Au cours de nos rencontres successives, Domenico fut toujours très loquace. Le sourire aux lèvres, il me raconta son expérience de jeune étudiant, futur diplômé en sociologie de lâenvironnement et du développement territorial. Il me parla dâun mémoire au titre fascinant «LâUtopia come pratica. Le comunità intenzionali e lâetica di Foucault» [LâUtopie pragmatique. Les communautés intentionnelles et lâéthique chez Foucault] et de certaines expériences communautaires, italiennes ou non. Il était allé vivre dans ces communautés pour recueillir les aspects quotidiens et les dynamiques conceptuelles, afin de capturer les forces qui en sous-tendent lâossature et dâinteragir avec le travail, les personnes et les espaces. Je ne pus que mâintéresser à ce travail, que je suivais à distance, lorsquâil allait de-ci et de-là pour étoffer son expérience, couchée ensuite sur le papier, page après page. Il y a quelques mois, il eut la grande satisfaction dâobtenir son diplôme et envoya son travail de fin dâétude à certains de ses contacts, susceptibles dâêtre intéressés. Je fus parmi ceux-ci. Jâai donc lu son travail, fraîchement achevé, authentique, traitant tant des questions théoriques que des observations faites sur le terrain, selon les règles de lâart de la sociologie.
En évoquant avec lui tous les efforts entrepris pour réaliser cet ouvrage, jâai perçu une pointe de déception, liée à lâabsence dâopportunités de publication. Son sourire est alors devenu un peu triste, presquâéteint.
Pourquoi ne pas réaliser son rêve grâce à un soutien à partir de la base ? Pourquoi ne pas lancer cette idée parmi nos membres ? Cela me paraissait cohérent avec nos principes et nos pratiques de durabilité et de résilience.
Jâai donc partagé cette idée avec le groupe territorial de CortoCircuito Flegreo et lâinitiative fut lancée.
Cela a marché! Désormais, le travail de Domenico est devenu un petit ouvrage inestimable.
Bonne lecture !
Prologue
Procolo nâétait pas un homme primitif, ni un aborigène australien, ni même quelquâun qui venait dâune terre lointaine. Sur la ligne 1 du métro de Naples, en direction de la Station Centrale, tous les visages lui étaient familiers. Pas vraiment tous, en réalité. Il avait remarqué des étrangers à la peau noire, dâautres aux yeux en amande,