Le Manoir De Mondello. Salvatore Savasta
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Le Manoir
de Mondello
Inspiré
d’une histoire vraie
Traduit par Pascale Leblon
Copyright © 2020 Salvatore Savasta
[email protected] Page Facebook de l’auteur : https://www.facebook.com/iosonogayalmenocosicredo
Illustration de couverture © Daniela Barisone : https://ko-fi.com/queenseptienna Crédit Photo : https://unsplash.com
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Ceci est une œuvre inspirée d’une histoire vraie. Les noms et les personnages sont le fruit de l’imagination de l’auteur, mais les évènements se sont réellement produits, bien que romancés et mêlés à la fantaisie de l’auteur. Toute ressemblance avec des personnes réelles, vivantes ou mortes, des entreprises commerciales, des évènements ou localités est purement fortuite.
À ce que je suis.
À ce que je ne serai jamais.
À ce que j’aurais voulu être.
À ce que j’aurais pu être.
À ce que je serai.
À moi et à tous ceux qui,
comme moi,
sont libres d’être eux-mêmes.
Pablo Neruda, “Sonnet XVII”
Je ne t'aime pas comme si tu étais rose de sel, de topaze,
Ou la flèche d'œillets qui propagent le feu,
Je t'aime comme l'on aime certaines choses obscures
Secrètement : entre l'ombre et l'âme.
Je t'aime comme une plante qui ne fleurit pas et qui porte
En soi, cachée, la lumière de ses fleurs
Et grâce à ton amour, dans mon corps vit obscur
L'arôme et concentré venu de la terre.
Je t'aime sans savoir comment, ni quand, ni où
Je t'aime d'un amour discret et sans orgueil :
Je t'aime ainsi car je ne sais pas comment aimer autrement
Si ce n'est cette façon dans laquelle je ne suis ni tu es
Si proches, que ta main sur ma poitrine est mienne
Si proches que lorsque tes yeux se ferment à mes rêves.
Chapitre I
ne m’appelle pas "fils"
sauf si tu es sur le point de me coucher sur ton testament.
Cit. Al Mcguire
Lorsque je sortis de l’ascenseur, je me dirigeai vers la dame assise derrière un bureau : sur le mur, un panneau indiquait : “Casati, Gattai et Pavesi, Docteurs en Droit”.
Je me présentai et la secrétaire m’invita en souriant à m’installer. Je pris place sur un divan en cuir et regardai autour de moi. Je me trouvais dans un environnement agréable : les portes en verre fumé, le carrelage caché sous de précieux tapis et les murs constellés de tableaux représentant Palerme au XIXème siècle me firent comprendre que je me trouvais dans un cabinet d’avocats reconnu et à la riche clientèle.
Ce serait pour moi une journée douce et amère à la fois : douce parce que je reverrais bientôt Angelo Pavesi après plus d’un an, et amère car l’occasion était triste. La lecture du testament de mon grand-père. Tous les avoirs des Biondi auraient un nouveau propriétaire.
Je m’efforçai de penser à quelque chose de joyeux car, bien que je sache depuis longtemps que ce jour arriverait tôt ou tard, mon grand-père me manquait vraiment. Il avait été un père. Ma famille ne comptait que moi, mon frère Alex, mon grand-père Giovanni dont j’avais hérité le prénom, un grand-oncle et une grand-tante. Mon grand-père, avec ses frère et sœur, était revenu d’Amérique après s’y être rendu en quête de fortune. C’était un émigré qui, après avoir trouvé sa marmite d’or au pied de l’arc-en-ciel, avait choisi de rentrer dans sa patrie une fois devenu père.
Je pensai donc à ma vie, à mon mariage brisé à vingt-cinq ans et à combien j’avais changé depuis. Aujourd’hui, trentenaire, je me sentais sûr de moi et relativement heureux de ce que j’étais et avais. Deux semaines plus tôt, j’avais rencontré une femme qui me plaisait beaucoup : elle m’avait été présentée lors d’une fête sur le bord de mer de Capaci. Federica, une personne charmante, intelligente et sympathique. Une écrivaine qui habitait Capaci depuis moins de deux mois. Après quelques rendez-vous, j’avais compris que j’avais rencontré une vraie femme, la tête bien pleine au-dessus de son décolleté, avec laquelle pouvoir concevoir une relation durable et solide. Au-delà de cela, je venais d’être promu agent en chef dans le fast food où je travaillais. Je repensai ainsi à la façon tendre et compatissante avec laquelle on me regardait le premier jour de travail : encore un diplômé qui finit par travailler dans un fast food. Je savais aujourd’hui avoir fait le bon choix. Bien entendu, mes amis du lycée qui étaient devenus médecins, avocats, enseignants et architectes avaient haussé les sourcils de surprise quand j’avais parlé de mon nouvel emploi et de combien il m’enthousiasmait. Mais j’avais mis un moment avant de comprendre qu’ils n’étaient pas de vrais amis. Ils ne pouvaient pas l’être s’ils me jugeaient uniquement sur mon statut social.
Depuis quelque temps, j’avais également compris combien il était important de suivre mon instinct, sans me préoccuper de ce que pensaient les gens. Ce matin-là aussi, j’avais suivi mon instinct en me rendant au cabinet d’avocats. Mon grand-père n’était pas très riche et il avait eu de gros problèmes financiers les dernières années, mais il avait toujours possédé une imagination fantasque et je pensais que son testament serait pour le moins intéressant.
Une porte du bureau de Casati, Gattai et Pavesi s’ouvrit et une charmante jeune femme, sortie de la pièce dont la porte affichait le nom d’Angelo Pavesi, vint vers moi.
« L’avocat a dû s’absenter un moment, monsieur Biondi. Mais vous pouvez patienter dans son bureau, si vous le souhaitez. Vous attendez d’autres personnes, n’est-ce pas ?»
— Je pense que oui » répondis-je, certain que mon frère avait été appelé, peut-être avec nos grand-oncle et grand-tante.
Un instant plus tard, je me retrouvai seul dans le bureau d’Angelo. C’était une pièce accueillante, avec des tapis orientaux, des tableaux de maîtres et de précieux meubles anciens. Je ne m’attendais pas à une telle décoration de la part d’Angelo, pas de celui que j’avais connu au lycée du moins.
Je me souvenais de lui comme d’un garçon plein de vie et d’énergie à l’horrible accent de Catane, sa ville natale. Il était du genre à aimer rester dehors et à pratiquer tous les types de sport possibles. L’hiver, il allait skier sur l’Etna, y retournait l’été pour escalader le volcan et durant les demi-saisons, il se “contentait” de longues promenades dans les bois qui entourent l’arrière-pays sicilien. Je me rappelais très bien son esprit rebelle et idéaliste, toujours prêt à défendre les droits des plus faibles. Et il me semblait le voir faire partie de ce genre de corporation et de classe sociale qu’il refusait et combattait. Il paraissait aujourd’hui lutter pour des causes beaucoup plus proches de l’argent que de ses chers idéaux, auxquels il s’agrippait avec