Ce que disait la flamme. Hector Bernier

Ce que disait la flamme - Hector Bernier


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erre sur le clavier d'un piano que touche une âme. Quelques pépiements s'égrènent, là-haut dans un érable; c'est un oiseau du pays qui fait un beau songe…

      Jean n'est pas amolli par le charme trouble de la nature. Il est la proie d'une émotion plus énergique: une fièvre d'agir le parcourt, l'électrise. Il veut donner plein essor à l'élan qui lui est venu des sources les plus pures de lui-même, il veut être profondément canadien-français, il veut qu'être tel soit, une des préoccupations chères de l'existence. Puisqu'il n'est pas de ceux qui peuvent, tirer l'épée dans une croisade, au moins vaincra-t-il sa propre nonchalance et, selon la promesse que Paul Garneau et lui échangèrent, opposera-t-il sans emphase, mais sans défaillance ou mièvrerie, la foi en sa race au dénigrement de ceux qui la ravalent ou l'abandonnent aux vents de la haine. Cette décision se fortifie rapidement, à mesure que l'objet s'en concrétise, descend des sphères de l'exaltation psychique au vallon du praticable……

      Lire les journaux, les revues dont les pages déblayent les questions du jour pour creuser l'avenir, être présent aux conférences où le passé ressuscite en un cortège de gloire dirigé par l'espérance, dépouiller les mots solennels, traditions, institutions, souvenirs, de ce qui les rend banals et lointains par un examen vrai de ce qu'ils sont, de ce qu'ils doivent apporter à la vie de dignité morale et d'idéal, aider aux oeuvres de bienfaisance et de relèvement, insinuer habilement aux amis le souci qu'éveillent en soi les destinées nationales, épurer son langage de ce qui en assombrit la clarté, ne voilà-t-il pas autant de projets réalisables sans que le rôle du professionnel en devienne moins effectif ou brillant? Les travaux du laboratoire empêcheront-ils Jean d'aimer sa race? Des savants meurent en héros: pourquoi la science refoulerait-elle cette vague de patriotisme en lui-même?

      Le retour de cette ambition-là, éclose en l'imagination du jeune homme quelques heures plus tôt, le replace devant son père, au milieu de la famille. Il se pose de nouveau l'interrogation gênante: l'industriel voudra-t-il ce qui, logiquement, lui paraîtra une bizarrerie, une oisiveté insolite? Yvonne confirmera-t-elle ce rêve en disant que c'est chic et gentil? Elle est reine au foyer paternel; son veto serait formidable. C'est d'elle qu'il faudra s'emparer tout d'abord. Chère petite Yvonne, elle est généreuse, elle ne lui sera pas hostile, pour le seul motif qu'il s'est déclaré l'adversaire de… Lucien Desloges surgit dans sa mémoire comme un tout autre personnage, transformé par une sourde élaboration de l'intelligence, un personnage de contraste, édifié d'un seul bloc sous la poussée des circonstances, inévitable, saisissant. Il apparaît comme le type en chair et en os de l'inutile à sa race, du semeur d'égoïsme et d'indifférences. Comme s'il regardait cet homme jusqu'au tréfonds de l'âme, Jean a la vision lucide de ce qu'il pense, de ce qu'il dirait… C'est irréparable comme la mort! Lucien Desloges est rigidement insensible à ce qui n'est pas une volupté de son moi, gourmand et boursouflé d'orgueil. Le patriotisme est, pour lui, la monomanie de quelques naïfs, déshérités de l'élégance, encroûtés d'idéal vieux jeu. Asservie à lui seul, comme l'exigent tyranniquement les vaniteux, sa femme sera une parure, un diamant précieux qu'on exhibe pour éblouir. Elle se confinera donc à ceci, la plus grave tâche d'Yvonne épouse, à briller dans la traînée lumineuse d'un fat… Quelle déchéance pour la soeur en laquelle Jean avait vu fleurir tant d'exquise sensibilité, se lever tant d'impulsions vers les hauteurs morales, frémir tant de saine exubérance! Comme elle pourrait, se reprenant, se mêlant à la vie mondaine de façon à ne pas eu être le jouet, mais à la dominer en elle-même, guider un mari jusqu'aux sommets de la noblesse! La race canadienne-française n'aura jamais trop de femmes dont éclatent la fierté de caractère et la haute intelligence. De telles femmes sont nécessaires au rayonnement d'une race: Yvonne a reçu les dons qui, développés et mûris, la feraient très riche de la meilleure influence. Il ne se peut que la flamme n'en puisse être rallumée. Avec adresse, avec bonté, mêlant aux conseils le plus tendre de son coeur, Jean éloignera cet amour. Yvonne est déjà moins aveugle, plus accessible: un doute a vu le jour en sa conscience. Elle voudra la pleine lumière: Jean se croit plus de courage pour la lui répandre. Il faut que Lucien Desloges, héros d'argile, s'écroule. Voici la demeure de Gaspard Fontaine enveloppée de silence. Après un long regard évocateur sur les Plaines d'Abraham, pendant lequel sa résolution acquiert plus de vigueur, Jean se dirige vers l'escalier aux rampes gracieuses. La lassitude commence à pénétrer ses membres. Sans doute, il est là, dans le salon d'où s'échappe une résonance de voix masculine, celui dont il veut faire pâlir l'auréole… ………………………………………….

      Est-il étonnant que, depuis l'invitation d'Yvonne à les rejoindre, elle et son ami, Jean ait laissé quelques minutes fuir avant de céder? Saura-t-il voiler son antagonisme? Il a peur que, de son enthousiasme tendu comme un arc, une parole acerbe ne parte comme une flèche et ne blesse. Certaine virulence ne sied guère à un homme bien élevé: pour s'attaquer donc au snobisme narquois de Lucien, Jean n'aura jamais assez la domination de lui-même, n'aura jamais trop à sa discrétion la lutte. L'emballement serait également funeste; la sincérité d'une noble ardeur n'en diminue pas la naïveté risible en l'esprit de ceux qui la dédaignent. Lancé dans un combat d'escarmouches, pourra-t-il n'en pas franchir les bornes? Eh quoi! il n'est pas incapable de sang-froid! ne se flatte-t-il pas d'une volonté assouplie? Ne pas se soumettre à l'appel d'Yvonne, c'est aigrir la jeune fille, émousser les arguments contre son amour, et d'ailleurs, c'est reculer devant l'adversaire. Décidément, la rencontre aura lieu…

      —On se fait attendre! dit Yvonne, légèrement agacée, nerveuse, lorsque son frère entre au salon. Le désespoir nous gagnait, Lucien et moi…

      —Pour si peu! répond Jean, très calme.

      —Comment es-tu, Jean? s'écrie Lucien.

      —Plutôt bien… Et toi?

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