Война и мир. Лев Толстой

Война и мир - Лев Толстой


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которого мы все знали под именем просто Пьера, сделался графом Безухим и владельцем одного из лучших состояний России, – я забавляюсь наблюдениями над переменой тона маменек, у которых есть дочери-невесты, и самих барышень в отношении к этому господину, который (в скобках будь сказано) всегда казался мне очень ничтожным. Так как уже два года все забавляются тем, чтобы приискивать мне женихов, которых я большею частью не знаю, то брачная хроника Москвы делает меня графинею Безуховой. Но вы понимаете, что я нисколько этого не желаю. Кстати о браках. Знаете ли вы, что недавно всеобщая тетушка Анна Михайловна доверила мне, под величайшим секретом, замысел устроить ваше супружество. Это ни более ни менее как сын князя Василия, Анатоль, которого хотят пристроить, женив его на богатой и знатной девице, и на вас пал выбор родителей. Я не знаю, как вы посмотрите на это дело, но я сочла своим долгом предуведомить вас. Он, говорят, очень хорош и большой повеса. Вот всё, что я могла узнать о нем.

      Но будет болтать. Кончаю мой второй листок, а маменька прислала за мной, чтобы ехать обедать к Апраксиным.

      Прочитайте мистическую книгу, которую я вам посылаю; она имеет у нас огромный успех. Хотя в ней есть вещи, которые трудно понять слабому уму человеческому, но это превосходная книга; чтение ее успокоивает и возвышает душу. Прощайте. Мое почтение вашему батюшке и мои приветствия m-lle Бурьен. Обнимаю вас от всего сердца.

      Жюли

      PS. Известите меня о вашем брате и о его прелестной жене.»]

      Княжна подумала, задумчиво улыбаясь (при чем лицо ее, освещенное ее лучистыми глазами, совершенно преобразилось), и, вдруг поднявшись, тяжело ступая, перешла к столу. Она достала бумагу, и рука ее быстро начала ходить по ней. Так писала она в ответ:

      «Chere et excellente ami. Votre lettre du 13 m'a cause une grande joie. Vous m'aimez donc toujours, ma poetique Julie.

      L'absence, dont vous dites tant de mal, n'a donc pas eu son influenсе habituelle sur vous. Vous vous plaignez de l'absence – que devrai-je dire moi, si j'osais me plaindre, privee de tous ceux qui me sont chers? Ah l si nous n'avions pas la religion pour nous consoler, la vie serait bien triste. Pourquoi me supposez-vous un regard severe, quand vous me parlez de votre affection pour le jeune homme? Sous ce rapport je ne suis rigide que pour moi. Je comprends ces sentiments chez les autres et si je ne puis approuver ne les ayant jamais ressentis, je ne les condamiene pas. Me parait seulement que l'amour chretien, l'amour du prochain, l'amour pour ses ennemis est plus meritoire, plus doux et plus beau, que ne le sont les sentiments que peuvent inspire les beaux yeux d'un jeune homme a une jeune fille poetique et aimante comme vous.

      «La nouvelle de la mort du comte Безухой nous est parvenue avant votre lettre, et mon pere en a ete tres affecte. Il dit que c'etait avant-derienier representant du grand siecle, et qu'a present c'est son tour; mais qu'il fera son possible pour que son tour vienne le plus tard possible. Que Dieu nous garde de ce terrible malheur! Je ne puis partager votre opinion sur Pierre que j'ai connu enfant. Il me paraissait toujours avoir un coeur excellent, et c'est la qualite que j'estime le plus dans les gens. Quant a son heritage et au role qu'y a joue le prince Basile, c'est bien triste pour tous les deux. Ah! chere amie, la parole de notre divin Sauveur qu'il est plus aise a un hameau de passer par le trou d'une aiguille, qu'il ne l'est a un riche d'entrer dans le royaume de Dieu, cette parole est terriblement vraie; je plains le prince Basile et je regrette encore davantage Pierre. Si jeune et accable de cette richesse, que de tentations n'aura-t-il pas a subir! Si on me demandait ce que je desirerais le plus au monde, ce serait d'etre plus pauvre que le plus pauvre des mendiants. Mille graces, chere amie, pour l'ouvrage que vous m'envoyez, et qui fait si grande fureur chez vous. Cependant, puisque vous me dites qu'au milieu de plusurs bonnes choses il y en a d'autres que la faible conception humaine ne peut atteindre, il me parait assez inutile de s'occuper d'une lecture inintelligible, qui par la meme ne pourrait etre d'aucun fruit. Je n'ai jamais pu comprendre la passion qu'ont certaines personnes de s'embrouiller l'entendement, en s'attachant a des livres mystiques, qui n'elevent que des doutes dans leurs esprits, exaltant leur imagination et leur donnent un caractere d'exageration tout-a-fait contraire a la simplicite chretnne. Lisons les Apotres et l'Evangile. Ne cherchons pas a penetrer ce que ceux-la renferment de mysterux, car, comment oserions-nous, miserables pecheurs que nous sommes, pretendre a nous initier dans les secrets terribles et sacres de la Providence, tant que nous portons cette depouille charienelle, qui eleve entre nous et l'Eterienel un voile impenetrable? Borienons-nous donc a etudr les principes sublimes que notre divin Sauveur nous a laisse pour notre conduite ici-bas; cherchons a nous y conformer et a les suivre, persuadons-nous que moins nous donnons d'essor a notre faible esprit humain et plus il est agreable a Dieu, Qui rejette toute science ne venant pas de Lui;que moins nous cherchons a approfondir ce qu'il Lui a plu de derober a notre connaissance,et plutot II nous en accordera la decouverte par Son divin esprit.

      «Mon pere ne m'a pas parle du pretendant, mais il m'a dit seulement qu'il a recu une lettre et attendait une visite du prince Basile. Pour ce qui est du projet de Marieiage qui me regarde, je vous dirai, chere et excellente amie, que le Marieiage, selon moi,est une institution divine a laquelle il faut se conformer. Quelque penible


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