Titus Andronicus. Уильям Шекспир
Titus Andronicus
NOTICE
On dit qu'à la première représentation des Euménides, tragédie d'Eschyle, la terreur qu'inspira le spectacle causa des fausses couches à plusieurs femmes; je ne sais quel effet eût produit sur un auditoire grec la tragédie de Titus Andronicus; mais, à la seule lecture, on serait tenté de la croire composée pour un peuple de cannibales, ou pour être représentée au milieu des saturnales d'une révolution. Cependant la tradition nous apprend que cette pièce, aujourd'hui repoussée de la scène, a excité à plusieurs reprises les applaudissements du parterre anglais. On ajoute même qu'en 1686, Ravenscroft la remit au théâtre avec des changements; mais qu'au lieu d'en diminuer l'horreur, il saisit toutes les occasions de l'augmenter: quand, par exemple, Tamora massacre son enfant, le More dit: «Elle m'a surpassé dans l'art d'assassiner; elle a tué son propre enfant, donnez-le-moi… que je le dévore.»
Titus Andronicus, tel que nous l'imprimons aujourd'hui, n'a déjà que trop de traits de cette force, et plusieurs fois, nous l'avouerons, un frémissement involontaire nous en a fait interrompre la révision.
Hâtons-nous de dire que presque tous les commentateurs ont mis en doute que cette pièce fût de Shakspeare, et quelques-uns en ont donné des raisons assez concluantes. Le style a une tout autre couleur que celle de ses autres tragédies; il y a dans les vers une prétention à l'élégance, des abréviations vulgaires, et un vice de construction grammaticale, qui ne ressemblent en rien à la manière de Shakspeare. Qu'on lise, dit Malone, quelques lignes d'Appius et Virginia, de Tancrède et Sigismonde, de la bataille d'Alcazar, de Jéronimo, de Sélim, de Locrine, etc., et en général de toutes les pièces mises sur la scène avant Shakspeare, on reconnaîtra que Titus Andronicus porte le même cachet.
Ceux qui admettent Titus Andronicus au nombre des véritables ouvrages de Shakspeare sont obligés de considérer celui-ci comme la première production de sa jeunesse; mais Titus Andronicus n'est point un coup d'essai; on y reconnaît une habitude, un système calculé de composition. Cependant le troisième acte entièrement tragique, le caractère original, quoique toujours horrible, d'Aaron le More, quelques pensées, quelques descriptions, semblent appartenir à l'auteur du Roi Lear.
La fable qui fait le fond de Titus Andronicus est tout entière de l'invention du poëte ou de quelqu'un de ces compilateurs du treizième siècle, qui confondaient les lieux, les noms et les époques dans leurs prétendues nouvelles historiques.
On trouve aussi dans le recueil de Percy 1, une ballade que quelques-uns ont cru plus ancienne que la pièce, ce qui n'est pas facile à décider: nous la plaçons en note.
TRAGÉDIE
SATURNINUS, fils du dernier empereur de Rome, et ensuite proclamé lui-même empereur.
BASSIANUS, frère de Saturninus, amoureux de Lavinia.
TITUS ANDRONICUS, noble romain, général dans la guerre contre les
Goths.
MARCUS ANDRONICUS, tribun du peuple, et frère de Titus.
MARTIUS,
QUINTUS,
LUCIUS, fils de Titus Andronicus.
MUTIUS,
LE JEUNE LUCIUS, enfant de
Lucius.
PUBLIUS, fils de Marcus le tribun.
ÉMILIUS, noble romain.
ALARBUS,
CHIRON, fils de Tamora.
DÉMÉTRIUS,
AARON, More, amant de Tamora.
UN CAPITAINE du camp de Titus.
TROUPE DE GOTHS et DE ROMAINS.
UN PAYSAN.
TAMORA, reine des Goths.
LAVINIA, fille de Titus Andronicus.
UNE NOURRICE, avec un enfant more.
Parents de Titus, sénateurs, juges, officiers, soldats, etc.
ACTE PREMIER
SCÈNE I
SATURNINUS. – Nobles patriciens, protecteurs de mes droits, défendez par les armes la justice de ma cause; et vous, mes concitoyens, mes fidèles partisans, soutenez par l'épée mes droits héréditaires. Je suis le fils aîné du dernier empereur qui ait porté le diadème impérial de Rome: faites donc revivre en moi la dignité de mon père, et ne souffrez pas l'injure qu'on veut faire à mon âge.
BASSIANUS. – Romains, mes amis, qui suivez mes pas et favorisez mes droits, si jamais Bassianus, le fils de César, fut agréable aux yeux de Rome impériale, gardez donc ce passage au Capitole, et ne souffrez pas que le déshonneur approche du trône impérial, consacré à la vertu, à la justice, à la continence et à la grandeur d'âme: mais que le mérite brille dans une élection libre; et ensuite, Romains, combattez pour maintenir la liberté de votre choix.
MARCUS. – Princes, dont l'ambition secondée par des factions et par vos amis lutte pour le commandement et l'empire, sachez que le peuple romain, que nous sommes chargés de représenter, a, d'une commune voix, dans l'élection à l'empire romain, choisi Andronicus, surnommé le Pieux, en considération des grands et nombreux services qu'il a rendus à Rome. La ville ne renferme point aujourd'hui dans son enceinte un homme d'un plus noble caractère, un plus brave guerrier. Le sénat l'a rappelé dans cette ville, à la fin des longues et sanglantes guerres qu'il a soutenues contre les barbares Goths. Ce général, la terreur de nos ennemis, secondé de ses fils, a enfin enchaîné cette nation robuste et nourrie dans les armes. Dix années se sont écoulées depuis le jour qu'il se chargea des intérêts de Rome, et qu'il châtie par ses armes l'orgueil de nos ennemis: cinq fois il est revenu sanglant dans Rome, rapportant du champ de bataille ses vaillants fils dans un cercueil. – Et aujourd'hui enfin, l'illustre Titus Andronicus rentre dans Rome chargé des dépouilles de la gloire, et ennobli par de nouveaux exploits. Pour l'honneur du nom de celui que vous désirez voir dignement remplacé, au nom des droits sacrés du Capitole que vous prétendez adorer, et de ceux du sénat que vous prétendez respecter, nous vous conjurons de vous retirer et de désarmer vos forces; congédiez vos partisans, et faites valoir vos prétentions en paix et avec modestie, comme il convient à des candidats.
SATURNINUS. – Combien l'éloquence du tribun réussit à calmer mes pensées!
BASSIANUS. – Marcus Andronicus, je mets ma confiance dans ta droiture et ton intégrité; et j'ai tant de respect et d'affection pour toi et les tiens, pour ton noble frère Titus, pour ses fils et pour celle devant qui toutes mes pensées se prosternent, l'aimable Lavinia, le riche ornement de Rome, que je veux à l'instant congédier mes amis, et remettre ma cause à ma destinée et à la faveur du peuple, afin qu'elle soit pesée dans la balance.
SATURNINUS, aux siens. – Amis, qui vous êtes montrés si zélés pour mes droits, je vous rends grâces, et vous licencie tous. J'abandonne à l'affection et à la faveur de ma patrie, moi-même, ma personne et ma cause. Rome, sois juste et favorable envers moi, comme je suis confiant et généreux envers toi. – Ouvrez les portes et laissez-moi entrer.
BASSIANUS. – Et moi aussi, tribuns, son pauvre compétiteur.
SCÈNE II
LE CAPITAINE. – Romains, faites place: le digne Andronicus, le patron
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