Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 3 - (C suite). Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc

Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 3 - (C suite) - Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc


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ne-Emmanuel Viollet-le-Duc

      Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 3 - (C suite)

      C

      (Suite)

       CHARNIER, s. m. Signifie proprement un vaisseau où l'on conserve des viandes salées. On donna aussi ce nom aux cimetières, aux enclos réservés à la sépulture. On désignait encore, à la fin du siècle dernier, le cimetière des Innocents à Paris sous le nom de Charnier des Innocents (voy. CIMETIÈRE).

       CHARPENTE, s. f. On entend par ce mot toute, combinaison et assemblage de bois de gros échantillon destinés à la construction des bâtiments publics ou privés.

      L'art du charpentier dut être un des premiers parmi ceux que les hommes appliquèrent à leurs besoins. Abattre des arbres, les ébrancher, et les réunir à leur sommet en forme de cône, en remplissant les interstices laissés entre les troncs par du menu bois, des feuilles et de la boue, voilà certainement l'habitation primitive de l'homme, celle que l'on trouve encore chez les peuples sauvages. Dans l'antiquité grecque, les charpentes étaient (autant qu'on peut en juger par le peu d'édifices qui nous restent) d'une grande simplicité. Cependant les Grecs connaissaient déjà l'assemblage de charpenterie que nous désignons sous le nom de ferme.

      Les Romains devaient être fort habiles dans l'art de la charpenterie, car les voûtes sphériques ou d'arêtes qu'ils élevèrent en si grand nombre exigent, pour être construites, des combinaisons de charpente fort compliquées et difficiles à assembler. Dans leurs établissements militaires, ils employaient le bois à profusion; il suffit, pour s'en convaincre, de regarder les bas-reliefs de la colonne Trajane à Rome. Les contrées de l'Europe où ils portèrent la guerre étaient d'ailleurs presque entièrement couvertes de forêts, qu'ils défrichèrent en grand nombre, autant pour faire pénétrer leurs armées à travers ces pays demi-sauvages que pour leurs besoins. Déjà, sous l'empire romain, l'Italie ne pouvait plus fournir de bois en assez grande quantité pour les besoins du peuple-roi, et les forêts des Gaules, pendant plusieurs siècles, servirent d'approvisionnements à la marine et aux immenses établissements des Romains. La facilité avec laquelle on se procurait alors cette matière première explique comment on pouvait achever très-rapidement certains travaux gigantesques, tels que des ponts, des chaussées, des barrages, des digues, des campements militaires d'une grande importance, des enceintes de circonvallation et de contrevallation, des édifices publics et des villes tout entières.

      Naturellement, sous le règne des rois mérovingiens, parmi les traditions des constructions romaines, la charpenterie fut une de celles qui se conservèrent le mieux; le sol n'était pas épuisé, les forêts couvraient encore une grande partie des Gaules, et le bois était une des matières que l'on employait de préférence dans les constructions publiques ou privées, à cause de son abondance.

      Grégoire de Tours cite un grand nombre d'églises, de villæ, de ponts, de maisons et de palais où le bois joue un grand rôle; à défaut de ce texte, les incendies fréquents qui détruisirent non-seulement un édifice, mais des villes entières, pendant les périodes mérovingienne et carlovingienne, indiquent assez que la charpenterie était fort pratiquée jusqu'au XIe siècle. Cet art devait même être, relativement à la maçonnerie, arrivé alors à une grande perfection. Malheureusement, les exemples de charpente d'une époque reculée nous font défaut, et nous ne croyons pas qu'il en existe qui soient antérieurs au XIIe siècle. Force nous est donc de prendre l'art de la charpenterie à ce moment. Mais avant de donner des exemples, il est nécessaire de tracer sommairement la marche qu'a suivie cet art, d'indiquer les causes qui ont influé sur son développement.

      Tant que des forêts immenses et qui paraissaient inépuisables fournirent des bois de grande dimension et d'un gros équarrissage, on s'appliqua à donner de la solidité aux charpentes, en employant plutôt des gros bois qu'en cherchant des combinaisons en rapport avec les qualités particulières à cette matière. Nous avons encore sous les yeux la preuve de ce fait. En Angleterre, par exemple les charpentes anglo-normandes, qui datent des XIIIe et XIVe siècles, sont, comparativement à nos charpentes de la même époque, qui subsistent dans l'Ouest, en Bourgogne, en Champagne et dans l'Ile de France, beaucoup plus fortes comme équarrissage de bois, et leur solidité provient en grande partie de l'énorme dimension de ces bois. En France, dès le XIIIe siècle, l'art de la charpenterie s'applique à rechercher des combinaisons qui suppléent au faible équarrissage des bois employés. Déjà les forêts, éclaircies sur le continent, ne fournissaient plus de ces arbres deux fois séculaires en assez grande quantité pour que les constructeurs ne fussent pas obligés de remplacer le volume des bois par un judicieux emploi de leurs qualités. Il fallait encore allégir les charpentes au fur et à mesure que les constructions de maçonnerie, en s'éloignant des traditions romaines, devenaient elles-mêmes plus légères.

      Les Grecs et les Romains n'adoptèrent, pour couvrir leurs édifices, que des combles peu inclinés; cette forme exigeait l'emploi de bois d'un fort équarrissage pour résister à la charge des tuiles. Dans l'architecture romane, nous voyons longtemps, même dans le Nord, les combles conserver une assez faible inclinaison, et ce n'est guère que vers le milieu du XIIe siècle qu'ils prennent des pentes plus rapides. Ces modifications apportées dans la forme des couvertures contribuèrent encore à faire abandonner les gros bois pour la charpente des combles. Il faut dire aussi que les essences de bois employées par les charpentiers septentrionaux dans les édifices n'étaient pas les mêmes que celles généralement mises en oeuvre par les Grecs et même les Romains. Ceux-ci semblaient préférer les essences résineuses, le sapin, le mélèze et le cèdre, lorsqu'ils avaient à couvrir un monument; ces bois exigeaient des équarrissages plus forts que le chêne, préféré aux bois blancs pendant le moyen âge, dans le nord et l'ouest de la France.

      Les Normands, peuple de marins, semblent être les premiers, dans ces contrées, qui aient fait faire un pas considérable à l'art de la charpenterie. Il est certain que, dès le XIe siècle, ils construisirent de vastes édifices entièrement couverts par de grandes charpentes apparentes; l'Angleterre conserve encore bon nombre de ces charpentes, qui, bien qu'élevées pendant les XIIIe et XIVe siècles, sont combinées d'après des données complètement originales, et paraissent être le résultat de traditions plus anciennes. Ce qui caractérise la charpente anglo-normande, c'est son analogie avec les moyens d'assemblage employés de tous temps dans la charpenterie navale; mais nous aurons l'occasion de revenir sur cette partie de notre sujet.

      Les nefs des églises de l'abbaye aux Hommes et de la Trinité de Caen étaient évidemment, dans l'origine, couvertes par des charpentes apparentes, et déjà les pentes de ces charpentes devaient être passablement inclinées. Dans le centre de la France et dans l'est, les traditions de la charpenterie antique se conservèrent assez exactement jusqu'à la fin du XIIe siècle. Or, pour ce qui est des charpentes de combles, dont nous nous occuperons d'abord, le système emprunté aux anciens est fort simple. Il consiste en une suite de fermes portant des pannes sur lesquelles reposent les chevrons. La ferme primitive est souvent dépourvue de poinçons; elle se compose (1) d'un entrait AB, de deux arbalétriers AC, BC, et d'un entrait retroussé DE, destiné à empêcher les arbalétriers de fléchir et de se courber sous la charge de la couverture. Si ces fermes ont une portée plus grande, on y ajoute un poinçon CF, venant recevoir les extrémités des deux arbalétriers, s'assemblant en F à tenon et mortaise, et arrêtant ainsi la déformation de la ferme. Si l'on craint la flexion de l'entrait AB (2), par suite de sa longueur, le poinçon vient s'assembler en F, le suspend, et l'entrait retroussé DE s'assemble en GH dans ce poinçon. Les pannes I reposaient sur les arbalétriers, retenues par des chantignolles K, et les chevrons LM s'accrochaient sur leur face externe. Mais si le comble n'a pas une forte inclinaison et si l'on veut que la rencontre des arbalétriers avec l'entrait ne porte pas à faux, ce système exige des murs d'une grande épaisseur. En effet (fig. 2): supposons que l'intervalle à couvrir NO soit de sept mètres soixante centimètres, les arbalétriers ayant 0,20 c. d'équarrissage, les pannes autant, et les chevrons 0,12 c., on voit que l'épaisseur des murs doit être de 1,10 c., ce qui est considérable eu égard au peu de largeur du vaisseau.

      Aussi,


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