Politik – Kirche – politische Kirche (1919–2019). Группа авторов

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que d’autres sensibilités, d’orientations opposées, affleurent parallèlement, le désir par exemple de s’abstenir de tout postulat métaphysique touchant une cause première – agnosticisme ou athéisme –, ou d’en rester au principe du sans pourquoi, à la manière d’Angelus Silesius, « Die Ros’ ist ohn’ Warum, sie blühet weil sie blühet11 ». Qu’on s’en réfère à une version agnosticiste, exemplariste ou aphairétiste d’économie théologique, la pensée grecque a d’emblée ouvert la voie à une théologie minimale moins contraignante, théologie du μηδὲν ἄγαν, du « rien de trop », entre renonciation métaphysique et asservissement ou emprise dogmatiques.

      Conclusion

      L’époque des grands récits salvateurs d’héritage monothéiste et d’esprit, on l’a vu, plutôt exclusiviste1, sans être révolue, apparaît aujourd’hui plus problématique et en tout cas moins dominante ; cette époque, il faut le dire, ne laisse pas forcément sa place au seul désert métaphysique, mais peut aussi ouvrir la voie à une sagesse spéculative plus souple, ouverte et diversifiée, un Hinterwelt disons plus sobre, au sein duquel la question des fins dernières trouve encore et toujours, au moins négativement ou minimalement, un rôle concret.

      Une forme obscure de savoir, aux sources inassignables, bref une sorte de connaissance négative, peut également s’imposer et peser dans la balance sans qu’une superstructure narrative définie vienne la lester ou la valider par ailleurs. Je voudrais apporter un exemple de cela, sous la forme d’un énoncé d’Aristote qui déclarait :

      Car il existe, ce dont tous les hommes ont comme une sorte de divination, une justice et une injustice commune par nature, même pour ceux qui entre eux n’ont aucune communauté ni aucun contrat ; c’est évidemment, par exemple, ce dont parle l’Antigone de Sophocle [455], quand elle affirme qu’il était juste d’enfreindre la défense et d’ensevelir Polynice ; car cela était un droit naturel2.

      Et Aristote de citer alors Sophocle écrivant : « Pas quelque chose d’aujourd’hui ni d’hier, mais cela qui vit éternel, et dont personne ne sait d’où il a pris naissance3 ». On comprend alors qu’il n’est pas nécessaire de savoir d’où vient exactement telle ou telle prescription, de quelle doctrine, de quel mythe ou de quelle divination, pour être à même d’en ressentir le poids et la force persuasive. Par quel moyen cet Hinterwelt éthique s’est-il imposé à nous importe peu, dès lors que son commandement nous semble ne pas devoir être répudié.

      Si on a pu faire récemment l’éloge de « l’art de n’être pas tellement gouverné » (Foucault), comme à une sorte de réquisit, on pourrait aussi faire l’apologie de « l’art de n’être pas tellement avisé sur la nature intrinsèque de l’arrière-monde », tout en demeurant assuré de certaines aspirations auxquelles il est susceptible de faire droit4. En ce sens, renouer avec l’approche polysémique des Grecs ou quelque chose d’apparenté me paraît constituer une bonne piste.

      Considéré globalement, il me semble en tout cas que le trait dominant des approches théologiques grecques est la voie ascendante de type ouvert, zététique et spéculatif, voire mystique, et non la voie descendante, de type fermé, dogmatique, exclusiviste, autoritaire ou prescriptif. C’est cette ligne de partage qu’il me paraît vital de maintenir, si quelque chose comme un arrière-monde de valeurs morales cardinales doit subsister et continuer, comme je le crois, d’être défendu5.

      Bibliographie

      Sources anciennes

      Angelus Silesius (1986 [1657]) : Cherubinischer Wandersmann. In Louise Gnädinger (hrsg.), Johannes Angelus Silesius, Cherubinischer Wandersmann oder Geistreiche Sinn und Schlussreime, [1657] 1986. Zürich : Manesse Verlag

      Aristote (1960 – 1987) : Aristotelis Opera, ed. I. Bekker, rev. O. Gigon, 5 vol. Berlin : De Gruyter

      Épicure (1973²) : Epicuro. Opere, a cura di G. Arrighetti. Torino : Einaudi

      Hermann Diels & Walter Kranz (1967 – 1969 [1931]) : Die Fragmente der Vorsokratiker, griechisch und deutsch, 3 vol. Dublin/Zürich : Weidmann

      Lucien de Samosate (1934) : Zeus tragédien. In Lucien de Samosate, Œuvres complètes, traduction nouvelle avec notices et notes par Émile Chambry, t. II, 1934. Paris : Garnier

      Platon (1900 – 1907) : Platonis Opera, ed. John Burnet, 5 vol. Oxford : Oxford University Press

      Plotin (1964 – 1983) : Plotini Opera, editio minor, ed. P. Henry & H.-R. Schwyzer, 3 vol. Oxford : Oxford University Press

      Études

      Assmann Jan (2017) : Le Prix du monothéisme [Die Mosaische Unterscheidung oder der Preis der Monotheismus, 2003]. Paris : Aubier

      Beatrice Pier Franco (1990) : « L’intolerantia dei cristiani nei confronti dei pagani : un problema storiografico ». In : Beatrice P.F., L’intolleranzia dei cristiani nei confronti dei pagani. Bologne : Edizioni Dehoniane

      Beierwaltes Werner (1991) : Selbsterkenntnis und Erfahrung der Einheit. Plotins Enneade V 3, Text, Übersetzung, Interpretation, Erläuterungen. Frankfurt/M. : V. Klostermann

      Bettini Maurizio (2016) : Éloge du polythéisme. Ce que peuvent nous apprendre les religions antiques [Elogio del politeismo. Quello che possiamo imparare dalle religioni antiche, 2014]. Paris : Les Belles Lettres

      Bonnechere Pierre & Pirenne-Delforge Vinciane (2019) : « Réflexions sur la religion grecque antique : comment appréhender le polythéisme ? ». In : Collette-Ducic B., Gavray M.-A. & Narbonne J.-M. (éd.), L’Esprit critique dans l’Antiquité. Critique et licence dans la Grèce antique, t. I. Paris : Les Belles Lettres

      Burkert Walter (2011) : La religion grecque à l’époque archaïque et classique [Griechische Religion der archaischen und klassischen Epoche, 1977], traduction et mise à jour bibliographique par Pierre Bonnechere. Paris : Picard

      Goulet-Cazé Marie-Odile (1993) : « Les premiers cyniques et la religion ». In : Goulet-Cazé M.-O. & Goulet R. (éd.), Le Cynisme ancien et ses prolongements. Paris : Presses Universitaires de France

      Halfwassen Jens (2008) : « Der Gott des Xenophanes : Überlegung über Ursprung uns Struktur eines philosophischen Monotheismus ». Archiv für Religionsgeschichte 10, 275–294

      Ismard Paulin (2013) : L’Événement Socrate. Paris : Flammarion

      Kerferd George Br. (1999 [1981]) : Le mouvement sophistique. Paris : Vrin

      Kirk Geoffrey Stephen, Raven John Earle & Schofield Malcolm (1983) : The Presocratic Philosophers. A Critical History with a selection of Texts. Cambridge : Cambridge University Press

      Meier Christian (2011) : A Culture of Freedom. Ancient Greece and the Origins of Europe. Oxford : Oxford University Press

      Morlet Sébastien (2014) : Christianisme et philosophie. Les premières confrontations (ler VIe s.). Paris : Librairie Générale Française, Le Livre de Poche

      Narbonne Jean-Marc (2016) : Antiquité critique et modernité. Paris : Les Belles Lettres

      Ober Josiah (2017) : L’Énigme grecque. Histoire d’un miracle économique (VIe-IIIe s. avant J.-C.) [The Rise and Fall of Classical Greece, 2015]. Paris : La Découverte

      Popper Karl Raimund (1979) : La société ouverte et ses ennemis [The Open Society and its enemies, 1945], t. I. Paris : Le Seuil

      Popper Karl Raimund (2011) : À la recherche d’un monde meilleur [Auf der Suche nach einer bessern Welt, 1984]. Paris : Les Belles Lettres

      Sedley


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