La confession d'un abbé. Louis Ulbach

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       Louis Ulbach

      La confession d'un abbé

      Publié par Good Press, 2020

       [email protected]

      EAN 4064066086688

       I

       II

       III

       MA CONFESSION

       V

       VI

       VII

       VIII

       IX

       X

       XI

       XII

       XIII

       XIV

       XVI

       XVII

       XIX

       XX

       XXI

       XXII

       XXIII

       XXIV

       ÉPILOGUE

       XXVI

       XXVII

      PROLOGUE

      I

       Table des matières

      M. le garde des sceaux donnait son premier dîner, un dîner d'installation.

      Il était nommé depuis huit jours; il ne pouvait pas savoir pour combien de jours; aussi, en homme prudent, rompu aux habitudes officielles, ayant été déjà cinq fois appelé au ministère et cinq fois obligé d'en sortir, s'était-il hâté de lancer ses invitations.

      Il savait que le premier fonctionnaire à faire fonctionner, dans une administration où l'inamovibilité est un principe, c'est celui qui est plus inamovible que tous les juges du monde, le cuisinier.

      Les autres grands fonctionnaires, convoqués pour rendre hommage à celui-là, s'étaient promis d'être exacts.

      M. le ministre était vieux. Son estomac, resté puritain et n'ayant jamais varié dans les hasards d'une vie politique qui comptait cinquante ans d'opposition, entrecoupés de ministères, sous trois régimes différents, restait fidèle à l'habitude de six heures.

      La seule concession que le progrès eût arrachée à cet estomac farouche, depuis la République, c'était d'ajouter une demi-heure de répit à l'heure sacramentelle. Mais, jamais, chez M. le garde des sceaux, on ne prolongeait l'opportunisme jusqu'à sept heures. Le président de la Chambre des députés, les jours de dîner à la place Vendôme qui pouvaient coïncider avec des jours de grande discussion parlementaire, s'arrangeait toujours pour que les ministres fussent libres vers six heures, et, la plupart du temps, faisait remettre la suite de la discussion au lendemain.

      On comprend donc qu'avec un chef hiérarchique si ponctuel, le sous-secrétaire d'État au ministère de la justice, M. Barbier, eût pris la précaution d'être en cravate blanche et en habit noir, dès cinq heures, et achevât, dans cette toilette qui est la livrée égalitaire des hommes du monde et de leurs maîtres d'hôtel, la lecture des dossiers ou l'expédition des quelques affaires que M. le ministre lui avait laissé à terminer.

      Il était plus de six heures, près de six heures un quart.

      M. Barbier qui avait pris, par superstition, pour aimanter son ambition, la place de son ministre, devant le beau bureau, incrusté de bois variés, qui a appartenu, dit-on, à Louis XVI, dans le grand cabinet du rez-de-chaussée, mit en équilibre les paperasses représentant les sollicitations des magistrats, les rapports des procureurs généraux, les suppliques des condamnés, poussa un soupir pour refouler la nuée confuse de toutes ces exhalaisons de consciences échauffées par le désir d'avancement ou de libération, recula son fauteuil, se frotta les mains, comme si elles avaient pris de la poussière en feuilletant ces confidences, se leva, se regarda dans la glace, rectifia le nœud de sa cravate, et se dit:

      —Je crois qu'il est temps de monter!

      M. le sous-secrétaire d'État était jeune, presque nouveau venu à Paris, où son département l'avait envoyé comme député depuis moins d'un an, et l'idée de monter était, à propos de toutes choses, son idée fixe.

      Il sortit, en chantonnant, du cabinet solennel, traversa le grand salon d'attente où les portraits en pied de quelques chanceliers célèbres intimident les solliciteurs naïfs, et entra sans précaution dans le grand vestibule fermé où se tiennent les huissiers, ne prévoyant pas qu'il dût, à cette heure-là, se heurter à des quémandeurs d'audience.

      Mais, précisément, l'huissier en chef, celui qui n'était pas obligé d'aller servir à table, et qui, par formalisme, restait seul, le dernier, à son poste, attendant le départ du sous-secrétaire d'État, paraissait en train d'éconduire, difficilement un vieillard, fort convenablement vêtu, qui n'avait pas de lettre d'audience et qui voulait, disait-il, parler à M. le ministre, ou à son secrétaire.

      M. Barbier, avec la pétulance et l'imprudence d'un néophyte, peut-être avec la tentation orgueilleuse de jeter en passant un rayon de sa jeune gloire sur cet importun, s'arrêta, se raidit et, d'un ton haut, qu'il avait rapporté d'un parquet de province:

      —Qu'est-ce? demanda-t-il.

      L'huissier, soulagé de ce renfort, ou bien dépité de l'intervention de M. Barbier, quand il avait répété lui même à satiété qu'il n'y avait personne au cabinet de M. le garde des sceaux, ou bien encore, enchanté comme un vieil employé, de


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