Les enfances Ogier. Adenet le Roi
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Adenet le Roi
Les enfances Ogier
Publié par Good Press, 2021
EAN 4064066327422
Table des matières
NOMS DES PERSONNES MISES EN SCÈNE OU MENTIONNÉES DANS LES ENFANCES OGIER
PRÉFACE
Le poëme que renferme ce volume n’est pas une œuvre d’un mérite assez élevé pour que l’éditeur puisse se flatter de l’espoir de lui voir éveiller, parmi les investigateurs du moyen âge littéraire, un très vif intérêt. Reproduisant, pour le fond, la première branche d’une composition livrée à la publicité depuis plus de trente ans, il ne se fait remarquer ni par l’invention des sujets qui s’y trouvent traités, ni par l’originalité des pensées ou des sentiments exprimés.
Comparées même aux deux autres productions de l’auteur qui jusqu’ici ont été mises au jour, les Enfances Ogier leur sont inférieures, soit pour l’attrait de la matière, soit pour la variété et la nouveauté des tableaux et des épisodes qu’elles présentent.
Néanmoins, ceux qui savent juger de la valeur d’une composition poétique datant du dernier tiers du XIIIe siècle, avec la mesure qu’il est équitable d’appliquer aux produits de cette époque, ne contesteront pas au remaniement entrepris par Adenésdes qualités poétiques relatives et reconnaîtront avec nous qu’il méritait d’être imprimé à des titres aussi respectables qu’une foule d’autres monuments de la littérature médiévale. Ils n’hésiteront pas à approuver la commission académique belge, chargée de publier les anciens écrivains nationaux, d’avoir fait succéder à la publication du Cléomadès celle des Enfances Ogier, pour arriver peu à peu à la collection complète des œuvres d’un poëte brabançon qui occupe une place marquée parmi les écrivains français du moyen âge.
M. Paulin Paris, dans la notice étendue qu’il a consacrée à la biographie et aux œuvres d’Adenés le Roi dans l’Histoire littéraire de France, a suffisamment mis en lumière les mérites et les faiblesses qui peuvent être attribués à ce trouvère, pour que nous ayons pu nous dispenser d’insérer dans cette préface nos impressions personnelles à ce sujet. On y trouvera de même sur notre poëme en particulier et sur ses rapports avec celui qui l’a inspiré, la Chevalerie Ogier de Danemarche par Raimbert de Paris, des renseignements et des appréciations dont notre édition permettra aux critiques de vérifier la justesse. Une lecture attentive des Enfances Ogier les engagera peut-être à mitiger le jugement quelque peu sévère qui souvent a été porté sur la valeur de cette pièce relativement à son modèle. En tout cas, l’impression leur permettra de mieux démêler ce qu’il y a d’individuel dans le remaniement entrepris par Adenés, soit au point de vue du plan général de la composition, soit en ce qui concerne l’agencement des épisodes et l’introduction de particularités étrangères à l’original.
La poésie du trouvère brabançon est d’une autre nature, a d’autres racines et d’autres visées que celle qui, à une époque beaucoup plus reculée, a fait éclore la Chevalerie Ogier: autres temps, autre goût, autre style.
Si, d’une part, nous nous sentons attirés par des allures vives et spontanées, par un récit un peu désordonné, mais rapide et mouvementé, par une expression parfois sauvage, mais toujours vigoureuse et naïve, nous voyons, chez Adenés, la narration s’aplanir dans une intention à la fois d’ordre, de clarté et d’ornementation artificielle, la langue se polir et se produire avec aisance en vers coulants et gracieux, les traits durs de l’original s’adoucir ou s’effacer sous l’empire d’une sensibilité plus délicate, d’un goût plus raffiné, d’une tendance plutôt à plaire qu’à émouvoir. La prolixité tant reprochée au protége de Gui de Dampierre est moins un défaut personnel qu’un effet de la dégénérescence générale de la poésie épique, et d’ailleurs rachetée par une versification facile et soignée et par une diction d’une pureté peu commune. «Le roi ménestrel du Brabant», dit M. Potvin, «fit comme les poëtes de l’époque: il chercha, dans les anciennes chansons de gestes, les sujets les plus célèbres, pour les présenter à la brillante noblesse de son temps, dans la langue et sous la forme qu’elle aimait, et avec l’idéal le plus avancé que pût alors rêver un poëte.» (Nos premiers siècles littéraires, 24e conférence, p.14.)
Mais, nous l’avons déjà fait entendre, nous ne comptons pas présenter ici des considérations littéraires sur l’ouvrage que la Commission nous a chargé de publier; notre ambition, comme éditeur, ne dépasse pas les limites de notre tâche et ne vise pas plus loin qu’à l’honneur de voir les soins que nous avons donnés à l’établissement d’un texte correct et fidèle, reconnus conformes aux justes exigences de la critique, notre édition des Enfances Ogier accueillie avec la même faveur que celles que nous avons faites successivement des œuvres poétiques des deux Condé, de Watriquet, de Couvin et de Froissart.
Parmi les quatre manuscrits dont nous avons eu connaissance, nous avons pris pour base de notre édition celui qui, de l’avis de tous ceux qui se sont occupés d’Adenés, est le plus recommandable et considéré comme écrit sous la surveillance même de l’auteur. C’est le no175 (belles-lettres) de la bibliothèque de l’Arsenal, le même qui a servi à notre confrère, M. Van Hasselt, pour son édition du Cléomadès. La transcription en a été confiée à M. Michel Deprez, de la Bibliothèque Nationale, qui s’est acquitté de cette tâche avec la plus louable exactitude. Les passages qui dans sa copie éveillaient quelque doute, ont été soumis à une soigneuse vérification, et nous sommes en droit de supposer notre texte minutieusement conforme avec celui de l’original. Des trois manuscrits de la Bibliothèque nationale qui nous ont été signalés comme renfermant les Enfances Ogier–mss. franc. 12467(anc. suppl. fonds du Roi, no428) XIIIe siècle,–fonds La Vallière, no2729,–no1471(anc. 75483) XIIIe siècle,– no1632(anc. 7630 5. 5.) XIVe siècle,–les deux derniers seulement nous ont paru valoir la peine d’un collationnement; les variantes, dignes d’être relevées, ont été consignées dans les notes qui terminent ce volume.
Ces notes présentent aussi, outre un certain nombre d’errata, des observations plus ou moins développées, destinées soit à faciliter l’intelligence précise du texte, soit à élucider quelques points de grammaire ou de lexicographie anciennes. Il est bon de dire qu’en les rédigeant, nous avons supposé des lecteurs tant soit peu familiers avec la langue d’oïl, ou du moins pourvus des manuels propres à les renseigner sur les termes ou les formes que nous passons sous silence. Dans ces sortes de commentaires, il est difficile d’observer la juste mesure; les uns se verront dans le cas de reprocher à l’auteur des inutilités, les autres se plaindront des lacunes. Quoi qu’il en soit, nous nous flattons que nos confrères en philologie romane rencontreront dans nos notes quelques détails de nature à captiver leur attention.
Nous avons cru rendre service aux études qui ont pour objet l’histoire légendaire, telle qu’elle se manifeste dans les chansons de gestes, en recueillant dans une table alphabétique tous les noms des personnages qui figurent dans les Enfances Ogier comme jouant des rôles principaux ou secondaires, ou qui n’y sont qu’incidemment mentionnés.
On ne contestera pas non plus l’utilité d’une courte analyse du poëme que nous plaçons à la suite de cette préface.
Bruxelles,