Mémoires inédits de Mademoiselle George, publiés d'après le manuscrit original. Marguerite-Joséphine Weimer

Mémoires inédits de Mademoiselle George, publiés d'après le manuscrit original - Marguerite-Joséphine Weimer


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première scène. Ma peur était légère; et pourtant, cette salle comble, le Premier Consul dans sa loge, cette bonne et ravissante Joséphine, toute la famille assistait à ce début. Le parterre, composé des gens les plus distingués et des artistes. Nous avions les amis de Mlle Raucourt, bien entendu: le fils de Mme Dugazon, Danty, le fils d'Audinot, le Directeur de l'Ambigu-Comique, tous amis dévoués; Castéja, ancien préfet; le duc de Fitz-James, le prince d'Hénin, tout cela au parterre! Quant à moi, mon frère au parterre et ma sœur à l'orchestre, essayant tous les vieux gants de ma mère pour faire le plus de bruit possible en applaudissant.

      Après ma première scène, la peur se déclara plus forte, mais l'action vint à mon secours. Mlle Vanhove jouait Iphigénie; Mlle Fleury, Eryphile; Saint-Prix38, Agamemnon; Talma, Achille. Mon cher Talma, il fut sifflé dans Achille, les partisans du beau Lafont étaient courroucés de n'avoir par leur Lafont. Comme Talma a pris sa revanche dans ce même rôle qui devint pour lui un de ses plus beaux! Cette agitation du public contre Talma vint me troubler. A chaque instant, Mlle Raucourt m'envoyait un message: «Cela va bien, tiens-toi ferme. Il y a de la cabale. N'aie pas peur; oui, n'aie pas peur, mais tremble toujours.»

      Arrivée au IVe acte, à la grande tirade:

      Vous ne démentez pas une race funeste…

      je fus interrompue plusieurs fois par de vifs applaudissements. Cela allait trop bien, sans doute. Les mécontents s'acharnèrent à moi dans les vers:

      Avant qu'un nœud fatal l'unit à votre frère

      On murmurait, la malveillance fut assez cruelle. Mlle Raucourt me criait de sa loge: «Recommence.» Je recommençai, même murmure. On en venait aux mains, on applaudissait. Le Premier Consul lui-même désavouait cette cabale en applaudissant. «Recommence.» Et, moi, je recommençai avec plus d'ardeur. Saint-Prix me disait: «C'est bien, mon enfant. Ils veulent vous intimider; ne cédez pas.» La troisième fois fut enlevée à la pointe de l'épée, et mon succès fut d'autant plus grand qu'il fut une protestation à une malveillance trop visible. On me rappelle avec rage. Mlle Raucourt ne put reparaître! On vint remercier pour elle en annonçant l'accident qui la privait de se rendre à l'honneur qu'on lui faisait. Ce fut une rude soirée pour le professeur, pour la débutante; et pour les amis, donc! Ils vinrent dans la loge tout suants, quelques habits déchirés, car on en était venu aux mains. Mon pauvre frère Charles avait les siennes tout en sang. Et le bon Kreutzer aussi était au parterre; il était abîmé, mais il était si artiste, si chaleureux! Tout le monde s'embrassait.

      –Quelle belle soirée, Raucourt!

      –Oui, oui, elle a été chaude. Cette petite diablesse n'a pas perdu la tête, et il y avait de quoi.

      Monvel me dit:

      –Bien, petite. Est-ce que vous saviez le vers:

      A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire?

      Mlle Contat n'avait pas manqué, pour sa chère Fanny, d'assister à ce début. Elle fut de suite après la représentation dans la loge de Mlle Raucourt. Elle m'embrassa à plusieurs reprises, chose peu commune chez elle; aussi, Mlle Raucourt me dit: «Tu dois être bien fière.»

      Le Premier Consul et Joséphine envoyèrent complimenter Mlle Raucourt et savoir des nouvelles de sa foulure. Toute la famille du Premier Consul en fit autant. Ah! cette soirée peut-elle jamais être oubliée? Non, jamais. Ces souvenirs-là ne s'effacent pas. Cette foule de gens du monde, des artistes qui se pressaient dans les couloirs de cette loge qui ne pouvait les contenir tous à la fois, c'était trop beau, trop imposant. Cette bonne Mme Dugazon, la Saint-Aubin, les artistes du Grand-Opéra, tous s'étaient donné rendez-vous pour soutenir l'élève de Raucourt: il y avait parmi les grands artistes d'alors tant de fraternité!

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      1

      Eugène de Mirecourt, les Contemporains. Portraits et silhouettes au dix-neuvième siècle, 3e édition. Librairie des Contemporains.—Mademoiselle George, un vol. in-32, 1870.

      2

      Galerie historique de la Comédie-Française pour servir de complément à la troupe de Talma, par E.-D. de Manne et C. Ménétrier.—Lyon, N. Scheuring, éditeur, 1876.

      3

      1er octobre 1822.

      4

      14 juin 1822.

      5

      9 novembre 1822. Mlle George joua en outre le Comte Julien, de Guiraud; Jane Shove, de Liadières (2 avril 1824).

      6

      Cléopâtre (2 juillet 1824), Jeanne d'Arc (14 mars 1825).

      7

      13 octobre 1829.

      8

      Une Fête sous Néron (29 octobre 1829).—Christine, d'A. Dumas (30 mars 1829).

      9

      La première représentation de la Maréchale d'Ancre eut lieu le 25 juin 1830. Le 21 juin, la pièce avait dû être interrompue après le second acte, par suite d'une indisposition de George. La vraie première eut lieu le 25 juin. Le drame fut froidement accueilli.

      10

      Jeanne la Folle, 28 août 1829.

      11

      Janvier 1844.

      12

      Décembre 1844.

      13

      Marie Tudor (17 août 1848), Lucrèce Borgia (7 octobre 1848), la Tour de Nesle (24 juin 1849).

      14

      Journal intime de la Comédie-Française, 1852-1871, par Georges d'Heylli.

      15

      J'ai entendu dire—mais je ne puis affirmer le fait—que, pour l'Exposition universelle de 1855, elle avait obtenu la concession des petits chalets de nécessité. Triste compensation pour une reine de beauté et de tragédie! Hélas! pauvre Clytemnestre! pauvre Marie Tudor!

      Comme il arrive souvent pour les prodigues, elle avait beaucoup d'ordre matériel, ses livres de dépenses sont admirablement tenus. Presque chaque jour, on y voit figurer dix centimes pour son tabac à priser, dont elle faisait une grande consommation, comme toutes les personnes de son temps.

      16

      Le


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<p>38</p>

Saint-Prix (Jean-Amable Foucault, dit).—Né à Paris, rue de Grenelle-Saint-Honoré, le 9 juin 1758.—Comédie bourgeoise, troupe de la Montansier, à Versailles.—Débute le 9 novembre 1782 et reçu à l'essai.—Sociétaire le 24 mars 1784.—Retraité le 1er avril 1818.—Mort le 28 octobre 1834. (Georges Monval, Liste alphabétique des sociétaires, etc.)