Une Concession d’Armes . Морган Райс
flous dans sa mémoire.
Illepra secoua la tête.
– Ce n’est pas ainsi qu’il faut penser. Tu es une rêveuse. Trop naïve. Tu ne peux pas tous les sauver. Nous ne sommes pas responsables de cette guerre. Nous nous contentons de passer après.
Elles poursuivirent leur chemin en silence, toujours un peu plus loin vers l’est, à travers les champs de cadavres. Selese se réjouissait, au moins, de la présence de Illepra. Elles se tenaient compagnie dans cette heure difficile et partageaient leurs connaissances et leurs remèdes. Le nombre de plantes que Illepra utilisait stupéfiait Selese. Illepra, quant à elle, s’intéressait beaucoup aux baumes que Selese avait découvert dans son petit village. Elles se complétaient bien.
Tout en marchant, ses yeux passant d’un corps à l’autre, Selese pensait à Reece. Malgré tout ce qui arrivait, elle ne pouvait le chasser de son esprit. Elle avait voyagé jusqu’à Silesia pour le retrouver, mais la vie les avait séparés à nouveau. Et, bien sûr, cette guerre stupide n’avait de cesse de les éloigner l’un de l’autre. Allait-il bien ? Où se trouvait-il exactement ? Chaque fois qu’elle voyait un corps, son regard se portait immédiatement vers son visage. Elle priait avec un mélange d’espoir et d’horreur pour que ce ne soit pas lui. Son estomac se nouait. Quand elle retournait le cadavre et apercevait des traits inconnus, elle poussait un soupir de soulagement.
Peut-être que ce serait le prochain… Cette peur de le voir blessé ou bien mort ne quittait jamais Selese. Si sa peur se confirmait, aurait-elle la force de continuer ?
Toutefois, elle était bien décidée à le retrouver, mort ou vif. Elle avait voyagé jusque là et ne ferait pas demi-tour avant de savoir.
– Je n’ai vu aucun signe de Godfrey, dit Illepra en envoyant un coup de pied dans un caillou.
Illepra parlait de Godfrey parfois, depuis qu’elles étaient parties. Il était évident qu’elle était amoureuse.
– Moi non plus, dit Selese.
Entre les deux femmes, amoureuses chacune d’un frère MacGil, Reece et Godfrey, cette conversation ne s’épuisait jamais. Pour dire la vérité, Selese ne voyait pas très bien ce que Illepra trouvait à Godfrey. Il avait surtout l’air d’un poivrot, d’un homme irresponsable qu’il ne fallait pas prendre au sérieux. Il était drôle et plutôt astucieux, mais ce n’était pas le genre d’homme que Selese recherchait. Selese voulait un mari sincère, honnête et intense. Elle voulait un homme qui serait un symbole de chevalerie et d’honneur. Reece était cet homme-là.
– Je ne saurais dire s’il pourrait survivre à ça, dit Illepra tristement.
– Tu l’aimes, n’est-ce pas ? demanda Selese.
Illepra rougit et détourna le regard.
– Je n’ai rien dit de tel, se défendit-elle. Je m’inquiète, voilà tout. C’est un ami.
Selese sourit.
– Vraiment ? C’est pour cela que tu ne peux pas t’empêcher de parler de lui ?
– Je ne parle que de lui ? demanda Illepra, surprise. Je ne m’en rends pas compte.
– Oui, que de lui.
Illepra haussa les épaules et se tut.
– Je suppose que je me suis attachée à lui, d’une manière ou d’une autre. Il me rend folle parfois. Je suis toujours obligée d’aller le chercher dans les tavernes. Il me promet chaque fois qu’il n’y retournera pas, mais il y retourne. C’est exaspérant. J’aimerais lui montrer de quel bois je me chauffe…
– C’est pour cela que tu veux tellement le retrouver ? demanda Selese. Pour lui montrer de quel bois tu te chauffes ?
Ce fut au tour de Illepra de sourire.
– Peut-être pas, dit-elle. Peut-être que je veux aussi le prendre dans mes bras.
Elles contournèrent une colline et tombèrent sur un soldat silésien, allongé au pied d’un arbre, la jambe brisée. Selese évalua ses blessures de loin, de son œil expert. Non loin, deux chevaux étaient attachés.
Elles se précipitèrent pour le rejoindre.
Comme Selese nettoyait ses plaies, une entaille profonde barrant sa cuisse, elle ne put s’empêcher de lui poser la question qu’elle posait à tous les soldats :
– Avez-vous vu la famille royale ? Avez-vous vu Reece ?
Tous les autres avaient détourné le regard en secouant la tête. Selese était habituée à la déception et n’attendait plus de réponse positive.
À sa grande surprise, le soldat hocha la tête.
– Je ne l’ai pas suivi au combat, mais je l’ai vu, oui, madame.
Selese écarquilla les yeux d’excitation et d’espoir.
– Il va bien ? Il est blessé ? Savez-vous où il se trouve ? demanda-elle en agrippant le poignet de son interlocuteur, le cœur battant.
Il hocha la tête.
– Oui. Il a été chargé d’une mission spéciale. Récupérer l’Épée.
– Quelle Épée ?
– Mais l’Épée de Destinée, bien sûr.
Elle le dévisagea avec émerveillement. L’Épée de Destinée. L’épée légendaire.
– Où ? demanda-t-elle d’une voix désespérée. Où est-il ?
– Il est parti vers la Passerelle Orientale.
La Passerelle Orientale, pensa Selese. Loin, si loin. Elle ne pourrait jamais y aller à pied. Pas à ce rythme. Si Reece était parti là-bas, il était sûrement en danger. Il avait besoin d’elle.
Quand elle eut terminé de panser les blessures du soldat, elle balaya les environs du regard et remarqua les deux chevaux attachés. L’homme avait une jambe cassée et ne pourrait plus monter. Il n’en avait pas besoin. De plus, si personne ne s’occupait d’eux, ils allaient mourir.
L’homme surprit son regard.
– Prenez-les, madame, offrit-il. Je n’en aurai plus besoin.
– Mais ils sont à vous, dit-elle.
– Je ne peux plus monter à cheval. Pas comme ça. Autant qu’ils servent à quelqu’un. Prenez-les, retrouvez Reece. C’est un long voyage et vous ne pouvez pas y aller à pied. Vous m’avez bien aidé. Je ne vais pas mourir ici. J’ai de la nourriture et de l’eau pour trois jours. Des hommes viendront. Les patrouilles traversent cette région tout le temps. Prenez-les et partez.
Selese lui serra la main, submergée par la gratitude. Elle se tourna vers Illepra, déterminée.
– Je dois trouver Reece. Je suis désolée. Il y a deux chevaux. Tu peux prendre l’autre et aller où tu veux. Je dois traverser l’Anneau jusqu’à la Passerelle Orientale. Je suis navrée, mais je dois te quitter.
Selese monta sur son cheval. À sa grande surprise, Illepra la suivit et mit à son tour le pied à l’étrier. Elle tira alors son glaive et trancha la corde qui retenait les chevaux.
Elle se tourna vers Selese en souriant.
– Tu pensais vraiment qu’après tout ce que nous avons traversé, je te laisserais y aller toute seule ? demanda-t-elle.
Selese sourit.
– Non, je suppose, répondit-elle.
Les deux femmes éperonnèrent leurs montures et partirent au grand galop sur la route, vers l’est où Selese espérait trouver Reece.
CHAPITRE NEUF
Gwendolyn se blottit dans son manteau, en baissant le menton pour se protéger du vent et de la neige, alors qu’elle parcourait une plaine d’une blancheur immaculée, flanquée de Alistair, Steffen, Aberthol et Krohn.