Une Concession d’Armes . Морган Райс
qui avait été assez puissante pour capturer Thor. Sans Argon, ils ne pourraient en venir à bout.
– Oui, répondit-elle. Il le faut.
Gwen se prépara à poursuivre son chemin mais, cette fois, Steffen se précipita pour lui bloquer le passage.
– Madame, laissez-moi passer le premier, dit-il. Nous ne savons pas ce qui nous attend sur cette passerelle.
Quoique touchée par sa proposition, Gwendolyn le repoussa doucement.
– Non, dit-elle. Je dois le faire.
Elle n’attendit pas un instant de plus et s’engagea d’un pas volontaire sur le pont fait de cordages.
Elle fut surprise par la sensation de froid sous ses doigts, comme si la glace cherchait à la transpercer de part en part. Elle prit une profonde inspiration, incertaine de survivre à la tentative.
Une autre bourrasque agita la passerelle et l’obligea à agripper plus fermement les cordes glacées. Elle lutta pour garder l’équilibre et ses semelles patinèrent sur les planches verglacées. Le pont s’inclina brusquement vers la gauche et, l’espace d’un instant, elle crut tomber, avant que le vent ne renverse à nouveau la passerelle dans l’autre direction.
Gwen s’agenouilla à nouveau. Elle avait à peine parcouru trois mètres et son cœur battait déjà à tout rompre dans sa poitrine. Ses doigts étaient si engourdis qu’elle ne les sentait plus.
Elle ferma les yeux et prit une grande inspiration, en pensant à Thor. Elle imagina son visage dans sa tête, jusqu’au dernier détail. Elle pensa à son amour pour lui, à sa détermination. Elle le sauverait. Quoi qu’il en coûte.
Quoi qu’il en coûte.
Gwendolyn ouvrit les yeux et se força à avancer, un pas après l’autre, les doigts refermés sur la rambarde, bien décidée à ne plus s’arrêter. Le vent et la neige pouvaient bien la renverser et l’emporter dans les ténèbres du Canyon. Cela n’importait plus. Il ne s’agissait pas d’elle, il s’agissait de l’amour de sa vie. Pour lui, elle aurait fait n’importe quoi.
Gwendolyn sentit le pont branler derrière elle. En jetant un coup d’œil par-dessus son épaule, elle vit Steffen, Aberthol, Alistair s’engager derrière elle. Krohn se faufila entre leurs jambes jusqu’à se retrouver à ses côtés.
– Je ne sais pas si j’y arriverai, prévint Aberthol d’une voix tendue en faisant quelques pas tremblants.
Il s’arrêta, ses doigts maigres et faibles refermés sur la rambarde. Un vieillard incapable de suivre ses compagnons…
– Vous pouvez le faire, dit Alistair en drapant un bras autour de sa taille. Je suis là, ne vous inquiétez pas.
La druidesse se mit à marcher à ses côtés, pour l’aider, comme le groupe poursuivait son chemin, de plus en plus loin, un pas après l’autre.
La force de Alistair devant l’adversité, son calme et sa témérité stupéfiaient Gwen. Elle dégageait également un pouvoir que Gwendolyn ne comprenait pas. Sans pouvoir l’expliquer Gwen ne pouvait s’empêcher de l’aimer. Les deux jeunes femmes se connaissaient à peine et, pourtant, elles étaient déjà aussi proches que des sœurs. La présence de la druidesse réconfortait Gwen, tout comme celle de Steffen.
Il y eut soudain une accalmie et le groupe en profita pour avancer. Bientôt, ils se retrouvèrent au milieu de la passerelle. Ils marchaient de plus en plus vite. Gwen commençait à s’habituer aux planches glissantes. Le bout du Canyon apparaissait au loin, à moins de cinquante mètre et le cœur de Gwendolyn se mit à battre plus vite. Peut-être qu’ils y arriveraient, finalement…
Une nouvelle bourrasque souffla alors, plus violente encore que les précédentes, si violente que Gwen fut obligée de s’agenouiller et d’agripper les cordes à deux mains. Elle se cramponna avec la force du désespoir, comme le pont se balançait d’un côté puis de l’autre. Elle sentit la planche sous ses pieds céder et poussa un cri quand sa jambe traversa la passerelle et se coinça jusqu’à la cuisse. Elle lutta pour se dégager, mais sans y parvenir.
Du coin de l’œil, elle vit Aberthol perdre l’équilibre, lâcher Alistair et glisser vers le précipice. Alistair réagit très vite et le rattrapa d’une main, juste avant qu’il ne dégringole.
Penchée vers le vide, elle se cramponna pour remonter le vieillard à sa hauteur et Gwen pria pour que les cordes tiennent bon. Elle se sentit si impuissante, la jambe bloquée entre les planches. Son cœur tambourina dans sa poitrine et elle s’agita de plus belle pour se dégager.
Le pont se balança à nouveau violemment. Alistair et Aberthol se balancèrent avec lui.
– Lâchez-moi ! hurla le vieillard. Sauvez votre vie !
Sa canne lui échappe et tourna sur elle-même avant de disparaître dans les ténèbres du Canyon. Il ne lui restait plus que le bâton accroché à son sac.
– Tout ira bien, dit Alistair calmement.
Gwen fut surprise de la voir si posée, si confiante.
– Regardez-moi dans les yeux, ordonna-t-elle fermement.
– Comment ? hurla Aberthol par-dessus le sifflement du vent.
– Regardez-moi dans les yeux, commanda la druidesse d’une voix plus forte.
Il y avait quelque chose dans sa voix. Le ton de ceux qui commandent aux hommes. Aberthol leva les yeux. Leurs regards se trouvèrent et Gwendolyn vit une étrange clarté émaner des yeux de Alistair, puis briller dans ceux de Aberthol. La lueur enveloppa le vieillard. Alistair le tira alors sans efforts et Aberthol reprit pied sur la passerelle.
Le vieil érudit resta un instant stupéfait, pantelant, son regard émerveillé levé sur Alistair. Quand une autre bourrasque souffla, il s’agrippa à la rambarde de toutes ses forces.
– Madame ! hurla Steffen.
Il s’agenouilla près de Gwen et l’attrapa par les épaules pour la dégager.
Au moment où elle retirait enfin sa jambe du trou qui la retenait prisonnière, elle glissa soudain entre les mains glacées de Steffen et retomba brusquement. L’impact fut si brutal qu’une autre planche céda sous son poids et elle poussa un hurlement, aspirée par le vide.
Avec l’énergie du désespoir, elle agrippa les cordes d’une main et le poignet de Steffen de l’autre. Suspendue au-dessus du gouffre, elle eut l’impression qu’on cherchait à l’écarteler. Steffen menaça de glisser à son tour, les jambes emmêlées, penché vers le précipice dans l’espoir d’empêcher Gwen de tomber. Les cordes usées étaient maintenant la seule chose qui les retenait de mourir.
Un grognement retentit. Krohn bondit et planta ses crocs dans le manteau de fourrure de Gwen pour la hisser, en gémissant.
Lentement, Gwen se sentit remonter, centimètre par centimètre. Bientôt, elle put s’accrocher aux planches et se traîna sur le pont. Elle resta un instant allongée sur le ventre, pantelante. Krohn lui lécha le visage, encore et encore. Elle ressentit une profonde gratitude envers lui et Steffen, maintenant étendu à côté d’elle. Elle avait de la chance d’être en vie et d’avoir échappé à une mort terrible.
Ce fut alors qu’elle entendit un claquement et toute la passerelle trembla. Son sang se glaça dans ses veines. Elle jeta un coup d’œil par-dessus son épaule : une des cordes qui retenait le pont était en train de céder.
La passerelle branla. Gwen vit avec horreur qu’une autre corde se délitait. Le pont ne tenait plus qu’à un fil.
Tous poussèrent un hurlement quand il se décrocha et les précipita vers la paroi du Canyon.
Gwen leva les yeux. Un mur de pierre arrivait sur eux à toute allure. Dans quelques instants, il les heurterait de plein fouet et ce serait la mort. Les survivants feraient une chute mortelle dans le ravin.
– Rocher, laisse-nous passer ! JE TE L’ORDONNE !