Canaille, Prisonnière, Princesse . Морган Райс

Canaille, Prisonnière, Princesse  - Морган Райс


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comme du bois flottant. Ils s'éloignèrent à la hâte mais Thanos était trop préoccupé par sa douleur pour les regarder partir.

      A ce moment-là, il n'avait aucun moyen de mesurer l'écoulement du temps. Il entendait encore la bataille qui se déroulait au loin, avec ses cris de violence et de colère, ses cris de ralliement et ses cors de signalisation. Cela dit, une bataille pouvait durer des minutes comme des heures. Elle pouvait se terminer dès le premier élan ou se poursuivre jusqu'à ce que les deux camps ne puissent plus que s'éloigner l'un de l'autre en trébuchant. Thanos n'avait aucun moyen de savoir dans quel cas de figure il se trouvait.

      Finalement, un groupe d'hommes approcha. Ceux-là ressemblaient bien à des soldats : ils avaient cette rudesse que seuls ont les hommes qui se sont déjà battus pour sauver leur vie. Il était facile de voir lequel d'entre eux était le chef. Le grand homme aux cheveux foncés qui se tenait à l'avant ne portait pas l'armure savamment décorée qu'un général de l'Empire aurait porté, mais, à mesure qu'approchait le groupe, on voyait que tout le monde le regardait en attendant ses ordres.

      Le nouveau venu avait probablement la trentaine et une barbe courte aussi foncée que le reste de ses cheveux. Bien que mince, il dégageait quand même une impression de force. Il portait une courte dague à chaque hanche et Thanos devina que ce n'était pas seulement pour impressionner ses soldats, à en juger d'après l'automatisme avec lequel ses mains se rapprochaient des pommeaux. Il sembla à Thanos qu'il explorait en silence tous les recoins de la plage, cherchait les endroits susceptibles d'abriter une embuscade, toujours avec une longueur d'avance. Il croisa le regard avec Thanos et le sourire qui s'ensuivit sembla étrangement ironique, comme si son auteur avait vu une chose qui avait échappé à tous les autres occupants du même monde.

      “Alors, c'est ça que vous m'avez demandé de venir voir, vous deux ?” dit-il quand les deux hommes qui avaient trouvé Thanos s'avancèrent. “Un soldat de l'Empire qui meurt dans une armure trop brillante pour lui faire du bien ?”

      “C'est quand même un noble”, dit l'homme plus âgé. “Ça se voit à son armure.”

      “Et il s'est fait poignarder dans le dos”, signala le plus jeune homme. “Par ses propres hommes, semblerait-il.”

      “Alors, il n'est même pas assez bon pour la racaille qui essaie de nous prendre notre île ?” dit le chef.

      Thanos regarda l'homme se rapprocher, s'agenouiller à côté de lui. Peut-être avait-il l'intention d'achever ce que le Typhon avait commencé. Aucun soldat de Haylon ne pouvait aimer les hommes de son camp.

      “Qu'as-tu fait pour que ton propre camp essaie de te tuer ?” demanda le nouveau venu assez bas pour que seul Thanos puisse l'entendre.

      Thanos réussit à trouver la force de secouer la tête. “Je ne sais pas.” Il avait la voix cassée et écorchée. En plus de sa blessure, ça faisait longtemps qu'il gisait sur le sable. “Mais je ne voulais rien de tout ça. Je ne voulais pas me battre ici.”

      Ses paroles lui valurent un autre de ces étranges sourires qui donnaient l'impression à Thanos que cet homme riait d'un monde qui n'avait rien de risible.

      “Et pourtant, tu es là”, dit le nouveau venu. “Tu ne voulais pas prendre part à une invasion mais tu es sur nos plages au lieu d'être en sécurité chez toi. Tu ne voulais pas nous infliger de violence mais l'armée de l'Empire brûle des maisons en ce moment. Sais-tu ce qui se passe en haut de cette plage ?”

      Thanos secoua la tête. Rien que ce geste lui faisait mal.

      “Nous perdons”, poursuivit l'homme. “Oh, nous nous battons durement mais ça n'a aucune importance quand on a si peu de chances de réussir. La bataille fait encore rage mais c'est seulement parce qu'une moitié de mon camp est trop entêtée pour accepter la vérité. Nous n'avons pas le temps de nous laisser distraire comme ça.”

      Thanos regarda le nouveau venu tirer une de ses épées. Elle avait l'air cruellement aiguisée. Si aiguisée qu'il ne la sentirait probablement même pas lui plonger dans le cœur. Cependant, au lieu de le tuer avec elle, l'autre homme s'en servit pour faire un geste.

      “Toi et toi”, dit-il aux hommes, “emmenez notre nouvel ami. Peut-être a-t-il un peu de valeur pour nos ennemis.” Il sourit. “Et s'il n'en a pas, je le tuerai moi-même.”

      La dernière chose que ressentit Thanos, ce fut plusieurs mains fortes qui l'agrippaient sous les bras et le soulevaient violemment pour l'emporter, après quoi il replongea finalement dans les ténèbres.

      CHAPITRE TROIS

      Alors que Berin progressait sur la route de Delos, il avait le mal du pays. La seule chose qui le faisait avancer, c'était de penser à sa famille, à Ceres. Les journées de marche l'avaient éreinté, la route sous ses pieds était pleine d'ornières et de cailloux mais l'idée de retrouver sa fille suffisait à le convaincre qu'il devait poursuivre son chemin. Ses os ne rajeunissaient pas et il sentait déjà que son genou souffrait du voyage, douleur qui s'ajoutait à celles qui venaient d'une vie passée à marteler et à chauffer le métal.

      Cela dit, ça valait vraiment la peine de rentrer à la maison, de voir sa famille. Pendant tout le temps qu'il avait passé au loin, c'était tout ce qu'il avait voulu. Il pouvait se l'imaginer, maintenant. Marita serait en train de faire la cuisine à l'arrière de son humble demeure en bois et l'odeur s'échapperait par la porte de devant. Sartes serait en train de jouer quelque part derrière, Nasos serait probablement en train de le regarder même si son fils aîné prétendrait qu'il n'en était rien.

      Et puis il y aurait Ceres. Il aimait tous ses enfants mais, avec Ceres, il avait toujours eu plus d'affinités. C'était elle qui l'avait aidé à la forge, elle qui lui ressemblait le plus et qui semblait le plus susceptible de lui succéder. Le devoir avait exigé qu'il quitte Marita et les garçons et cela avait été dur et nécessaire pour subvenir aux besoins de sa famille. En partant, quand il avait laissé Ceres, il avait eu l'impression de laisser une partie de lui-même.

      Maintenant, il était temps de retrouver cette partie.

      Berin aurait voulu apporter de meilleures nouvelles. Marchant le long de la piste en gravier qui menait chez lui, il fronçait les sourcils. Ce n'était pas encore l'hiver mais il viendrait bien assez vite. Il avait eu pour projet de partir chercher du travail. Les seigneurs avaient toujours besoin de forgerons car il leur fallait des armes pour leurs gardes, leurs guerres, leurs Tueries. Pourtant, il s'était avéré qu'ils n'avaient pas besoin de lui. Ils avaient leurs propres hommes, plus jeunes, plus forts. Même le roi qui avait semblé désirer son travail avait finalement voulu Berin comme il avait été dix ans auparavant.

      Même si l'idée lui faisait de la peine, il savait quand même qu'il aurait dû deviner qu'ils n'auraient que faire d'un homme dont la barbe était plus grise que noire.

      Ça lui aurait fait encore plus de peine si ça n'avait pas signifié qu'il pouvait rentrer chez lui. La maison était la chose qui comptait le plus pour Berin, même si ce n'était guère mieux qu'un carré de murs en bois grossièrement sciés surmonté d'un toit de gazon. La maison, c'était être attendu et il lui suffisait de penser à ceux qui l'attendaient pour marcher plus vite.

      Cependant, quand il passa de l'autre côté d'une colline et revit sa maison, Berin sut que quelque chose n'allait pas. Le découragement l'envahit. Berin savait à quoi ressemblait sa maison. Malgré toute la désolation des terres environnantes, la maison était un endroit qui débordait de vie. Il y avait toujours du bruit chez lui, que ce soit un bruit de joie ou de disputes. De plus, en cette période de l'année, il y avait toujours au moins quelques cultures qui poussaient dans le lopin de terre des alentours, des légumes et des petits buissons de baies, des plantes résistantes qui produisaient toujours au moins un peu de nourriture pour eux.

      Ce n'était pas ce qu'il voyait devant lui.

      Berin se mit à courir aussi vite qu'il le pouvait après une si longue marche. Il était rongé par l'idée que quelque chose allait mal, avait l'impression


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