Un Trône pour des Sœurs . Морган Райс
connaissait.
Kate entendait le son que produisait sa sœur, qui se battait en appelant à l'aide. Instinctivement, elle plongea dans une pièce, saisit un tisonnier dans l'âtre et poursuivit sa route. Elle ne savait pas ce qu'elle ferait avec cet objet.
Elle arriva brusquement dans la cour et se sentit désespérée quand elle vit sa sœur plaquée au sol par deux garçons pendant qu'un autre maniait maladroitement sa robe.
Kate comprit exactement ce qu'il fallait qu'elle fasse.
Une rage primale l'envahit, une rage qu'elle n'aurait pas pu contrôler même si elle l'avait voulu, et elle se rua en avant en rugissant et en abattant le tisonnier sur la tête du premier garçon. Il se retourna au moment où Kate frappait et, par conséquent, le tisonnier ne le frappa pas aussi nettement que Kate l'aurait voulu mais il suffit quand même à l'envoyer à terre, où il tomba en touchant l'endroit où elle avait frappé.
Elle se déchaîna sur un autre, l'atteignit au genou là où il se tenait et le fit tomber. Elle frappa le troisième au ventre jusqu'à ce qu'il tombe.
Elle continua à les frapper, refusant de leur laisser le temps de se remettre. Elle avait participé à des quantités de bagarres pendant toutes les années qu'elle avait passées à l'orphelinat et elle savait qu'elle ne pouvait se reposer ni sur sa taille ni sur sa force. La furie était la seule chose qu'elle avait pour survivre et, heureusement, Kate n'en manquait pas.
Elle frappa sans arrêt jusqu'à ce que les garçons battent en retraite. Même s'ils étaient peut-être sur le point de rejoindre l'armée, les Frères Masqués qui sévissaient de leur côté ne leur apprenaient pas à se battre. Cela les aurait rendus trop difficiles à contrôler. Kate frappa un des garçons au visage puis virevolta pour en frapper un autre au coude et entendit le craquement du fer qui heurtait de l'os.
“Debout”, dit-elle à sa sœur en tendant la main. “Debout !”
Sophia se leva, hébétée, et prit la main à Kate comme si, pour une fois, c'était elle la sœur cadette.
Kate partit en courant et sa sœur courut avec elle. Sophia sembla reprendre conscience alors qu'elles couraient. Alors qu'elles filaient dans les couloirs de l'orphelinat, une partie de leur vieille certitude sembla revenir.
Derrière elles, Kate entendit des cris poussés par des garçons, des sœurs ou les deux. Elle n'en avait que faire. Elle savait qu'elles ne pouvaient que sortir.
“On ne revient pas”, dit Sophia. “Il faut qu'on quitte l'orphelinat.”
Kate hocha la tête. Pour ce qu'elles venaient de faire, la punition ne se limiterait pas à une simple correction. Cependant, à ce moment-là, Kate se souvint.
“Dans ce cas, on part”, répondit Kate en courant, “mais d'abord, il faut juste que —”
“Non”, dit Sophia. “On n'a pas le temps. Laisse tout. Il faut qu'on parte.”
Kate secoua la tête. Il y avait des choses qu'elle ne pouvait pas abandonner.
Donc, au lieu de fuir, elle fonça vers son dortoir en tenant le bras à Sophia pour qu'elle la suive.
Le dortoir était un endroit lugubre avec des lits qui n'étaient guère mieux que des planches en bois qui dépassaient du mur comme des étagères. Kate n'était pas bête au point de mettre ses objets importants dans la petite commode qui se trouvait au pied de son lit, où n'importe qui aurait pu les voler. En fait, elle se dirigea vers une fente entre deux lattes du plancher et tira sur une des lattes avec ses doigts jusqu'à ce qu'elle se soulève.
“Kate”, haleta Sophia, reprenant son souffle, “on n'a pas le temps.”
Kate secoua la tête.
“Je ne l'abandonnerai pas.”
Sophia savait forcément ce qu'elle était venue chercher, le seul souvenir qu'elle avait de cette nuit, de leur vie d'avant.
Finalement, le doigt de Kate s'accrocha à du métal et elle souleva le médaillon pour qu'il brille dans la pénombre.
Durant son enfance, elle avait été sûre que c'était vraiment de l'or, une fortune qui n'attendait que d'être dépensée. Quand elle avait grandi, elle avait fini par comprendre que c'était un alliage plus commun mais, de toute façon, à cette époque-là, il avait fini par être plus précieux que l'or pour elle. La miniature qui se trouvait à l'intérieur et qui montrait une femme qui souriait pendant qu'un homme lui posait la main sur l'épaule était ce qu'elle avait de plus proche d'un souvenir de ses parents.
En général, Kate ne portait pas le médaillon de peur qu'un des autres enfants ou les bonnes sœurs ne le lui prennent. Elle le glissa à l'intérieur de sa robe.
“Partons”, dit-elle.
Elles coururent vers la porte de l'orphelinat, qui était censée toujours être ouverte parce que l'Ordre de la Déesse Masquée avait trouvé porte close quand il avait exploré le monde et avait condamné ses habitants pour cela. Kate et Sophia coururent dans les méandres des couloirs, sortirent dans le vestibule et regardèrent autour d'elles pour vérifier si quelqu'un les poursuivait.
Kate les entendait mais, à ce moment-là, il n'y avait que la sœur qui se tenait toujours à côté de la porte, une grosse femme qui s'interposa pour bloquer le passage aux deux filles quand elles arrivèrent. Kate rougit, se souvenant immédiatement de toutes les années de correction qu'elle avait subies aux mains de cette sœur.
“Vous voilà”, dit-elle d'un ton sévère. “Vous avez beaucoup désobéi, vous deux, et —”
Kate n'attendit pas; avec le tisonnier, elle frappa si fort la sœur au ventre qu'elle se plia en deux. A ce moment-là, elle aurait voulu avoir une des épées élégantes que portaient les courtiers, ou peut-être une hache. En fait, elle dut se contenter d'étourdir la femme assez longtemps pour qu'elle et Sophia puissent passer.
Cependant, quand Kate traversa les portes, elle s'arrêta.
“Kate !” hurla Sophia d'une voix pleine de panique. “On y va ! Qu'est-ce que tu fais ?!”
Cependant, Kate ne pouvait pas contrôler cette envie, alors même qu'elle entendait les cris des poursuivants et qu'elle savait qu'elles risquaient toutes les deux leur liberté.
Elle avança de deux pas, leva haut le tisonnier et frappa la bonne sœur au dos plusieurs fois.
La bonne sœur grogna et cria à chaque coup et chacun de ses cris fut un délice pour Kate.
“Kate !” supplia Sophia, au bord des larmes.
Kate regarda longtemps, trop longtemps la bonne sœur parce qu'elle avait besoin de graver cette image de vengeance, de justice, dans son esprit. Elle savait que cette image la soutiendrait quelles que soient les corrections qu'elle recevrait par la suite.
Puis elle se retourna et quitta brusquement la Maison des Oubliés avec sa sœur comme deux fugitives quittant un navire qui coule. La puanteur, le bruit et l'agitation de la ville agressèrent Kate mais, cette fois-ci, elle ne ralentit pas.
Tenant la main de sa sœur, elle courut.
Et courut.
Et courut.
Et, malgré leur situation, elle inspira profondément et fit un grand sourire.
Pour aussi peu de temps que ce soit, elles étaient libres.
CHAPITRE DEUX
Sophia n'avait jamais eu aussi peur mais, en même temps, elle ne s'était jamais sentie aussi vivante ou aussi libre. Alors qu'elle courait dans la ville avec sa sœur, elle entendit Kate pousser un cri d'excitation qui la mit à l'aise et la terrifia en même temps. Ce cri rendait les choses trop réelles. Leur vie ne serait plus jamais la même.
“Silence”, insista Sophia. “Tu vas nous faire repérer.”