Robert Johnson Fils Du Diable. Patrizia Barrera

Robert Johnson Fils Du Diable - Patrizia Barrera


Скачать книгу
Il a parfois été jeté en prison pour quelques nuits d’ivresse et de bagarre. Au début, c’était sympa de voyager avec lui, de monter et descendre des trains, de jouer partout où on voulait. Johnson était aimé par les gens, car il savait les satisfaire de toutes les manières possibles. Mais quand il a commencé à s’amuser avec les femmes, il a changé. Il mettait sa colère sur toutes les femmes qu’il voyait, les battait à mort, puis revenait jouer avec moi.

      

      

      

       Il me disait : « Ah, frapper une femme me fait me sentir mieux. » Presque toutes les chansons qu’il écrivait parlaient de femmes. À un certain moment, la cohabitation avec lui est devenue impossible et nous nous sommes séparés. »

      

      

image 4

       Voici la pochette du disque du célèbre événement auquel Johnson ne put participer…

       Notez l’incroyable liste de noms illustres.

       En 1936, Johnson était tourmenté par le désir d’enregistrer ses chansons et d’entrer dans le marché discografique. Il se donna donc beaucoup de mal pour être reçu par HC Speir, un talent scoot blanc qui tenait un magasin de disques dans le Mississippi et qui avait déjà découvert de grands talents comme Charlie Patton, Skip James, Tommy Johnson et Son House. D’après ce que l’on dit, Speir reconnut rapidement les capacités de Johnson mais, pour une antipathie d’impact, il préféra le passer à Ernie Oertle, un autre TC qui offrit de l’emmener à S. Antonio en novembre 1936 pour faire une session d’essai.

       Ceci eut lieu dans la chambre 414 du Gunter Hotel, où Brunswick Record avait implanté un studio d’enregistrement « volant », comme cela se faisait à l’époque.

       Avec Johnson, en effet, il y avait une foule de musiciens ramassés ici et là sur le Delta, surtout des Mexicains et même le Wagon Gang Chuck, un groupe musical très populaire à cette époque dans les clubs du Delta. Ici Johnson, comme le rapporte Oertle, « a enregistré accroupi et de dos, à tel point que j’ai eu du mal à placer les microphones »

       Cependant Oertle n’était pas très étonné : il était habitué aux manies des bluesmen et à leurs rituels et il pensa que Johnson cherchait tout simplement « l’angle de charge » c’est-à-dire la meilleure manière de faire sortir le son.

       Dans cette première session ont été enregistrés, entre autres I COME ON INTO MY KITCHEN, KINDHEARTHED WOMAN, CROSSROAD BLUES et TERRAPLANE BLUES, la seule dont Johnson écouta l’enregistrement et qui devint un grand succès, en vendant pas moins de 5000 exemplaires la première semaine, un vrai record pour l’époque !

       Dans cette première expérience d’essai nous trouvons une série de chansons certainement liées au Sud rural, viscéral et impactant, considérées depuis toujours « l’expression la plus véridique du mélancolisme de Johnson ». Parmi celles-ci se distingue Kindhearted Woman pour sa complexité et pour une plus grande recherche du son ; le texte est certainement beaucoup plus articulé que les autres et ce n’est pas un hasard si pendant des années, avec Crossroads blues, elle devint presque le drapeau distinctif de l’artiste.

       Une deuxième session fut ensuite réalisée en 1937 directement à Dallas dans le Vitagraph Building situé au 508 Park Avenue, où Brunswick Record avait son Quartier général.

       En tout 29 chansons, plus quelques essais inachevés et des enregistrements rejetés, pour un total de 41 gravures. Un nombre certes très réduit de chansons, mais qui constituent un précieux patrimoine pour la musique mondiale.

       Quoi qu’il en soit, Robert Johnson eut un succès posthume. Bien qu’apprécié en tant que musicien, ses capacités d’innovation n’étaient pas très bien comprises à l’époque et ce n’est certainement pas sa mort prématurée qui le sauva d’un oubli immédiat le cachant de la critique pendant environ trente ans. En 1938, période de son plus grand succès, si vous demandiez à quelqu’un dans la rue « Qui est Robert Johnson ? », il n’aurait pas su vous répondre, mais il aurait pu vous décrire le nombre de cheveux qu’avait Son House sur la tête. Cependant son nom commença à faire son chemin parmi les experts du secteur vu que justement cette année-là le fameux John Hammond, producteur de Columbia Records, l’avait mis sous contrat pour la première édition du très célèbre « du spirituel au Swing » au Carnegie Hall de New York, en d’autres termes la consécration officielle du jeune Johnson ! À sa mort, Big Bill Broonzy le remplaça sur scène, ils observèrent deux minutes de silence et jouèrent deux de ses derniers enregistrements, dans une foule stupéfaite et en larmes.

       Si seulement il avait résisté à ne pas se faire tuer pendant deux autres mois, ce soir-là, Johnson aurait apprécié son succès mérité !

       Comment expliquer cette faible popularité parmi les gens ordinaires ?

      

       Robert Johnson n’a JAMAIS été célèbre de son vivant et sa production apparaît dérisoire par rapport à celle des autres bluesmen de l’époque. Mais il est revenu à l’honneur, et on peut dire qu’il a été redécouvert dans les années 60 avec la nouvelle génération des artistes Rock, en particulier grâce à une collection éditée par Paramount appelé KING of the Delta Blues Singer, qui s’est littéralement envolée, au point qu’elle fut réimprimée en 1969 et enfin en 1970.

       Des artistes comme Eric Clapton et les Cream contribuèrent nettement à la renaissance de son succès, en inscrivant une nouvelle version de Crossroads Blues. Sans parler des Rolling Stones qui perdirent la raison avec leur version de Love in vain et Stop Breakin Down Blues.

       Mais déjà longtemps avant, des artistes moins connus avaient essayé de sortir Johnson de sa tombe.

       En 1951, Elmore James a enregistré sa propre (et très particulière) version de I believe I dust my Broom, qui n’a pas eu le succès mérité. Par contre le célèbre Sweet Home Chicago est devenu l’étendard de nombreux bluesmen d’exception, repris tout d’abord par Muddy Waters, qui, à son tour, influencera les Beatles.

       En fait, Johnson incarnait une réalité très actuelle pour le début des années 60 en Amérique : l’image d’un anti-Héros damné, maudit et obsédé par le démon qui chante le Blues en le brisant de l’intérieur. Ceci se mariait parfaitement avec la nature révolutionnaire de la nouvelle génération américaine. Dans ses chansons il « crie » littéralement la douleur existentielle d’une société qui ne trouve plus ses propres points de repère et qui, avec l’angoisse spasmodique, se lance vers un avenir sombre et pleine d’inconnu.

       Les productions de Johnson concernent en effet surtout les femmes, l’alcool et la violence, exactement comme dans la plus pure tradition du blues. Pourtant, dans ses textes, on perçoit son fort dégoût pour ce qu’il raconte et dont il n’est nullement fière. Son rythme obsessionnel de boogie nouveau-né, sa voix stridule et nasale, les pauses entre les mots, l’utilisation des micro-tonalités et les textes articulés dans lesquels ressort sa dévastation morale, son sentiment de « bâtard sans patrie » poursuivi par les « démons du remord » eut un grand impact sur les musiciens de l’Âge, souffrant


Скачать книгу