L’Assassin Zéro. Джек Марс
je n’ai pas d’autre choix,” murmura-t-il.
“Monsieur ?” Elle ne l’avait pas entendu.
“Entrez, Tabby.”
La porte s’ouvrit et Halpern entra, joliment vêtue d’un pantalon bleu marine et d’une blouse blanche impeccable. Elle fit deux pas rapides à l’intérieur, puis s’arrêta soudain et baissa les yeux au sol, apparemment gênée de se retrouver face au président encore au lit en pyjama de soie.
“Monsieur,” lui dit-elle, “il y a eu un… incident. Votre présence est requise en Salle de Crise.”
Rutledge fronça les sourcils. “Quel type d’incident ?”
Elle semblait hésiter à le lui dire. “Un attaque terroriste suspectée à La Havane.”
“Pour Thanksgiving ?”
“C’est arrivé la nuit dernière, mais… techniquement oui, Monsieur.”
Rutledge secoua la tête. Quelles sortes de désaxés planifiaient une attaque un jour de congé ? À moins que… “Tabby, est-ce que Cuba fête Thanksgiving ?”
“Pardon, Monsieur ?”
“Laissez tomber. J’ai le temps de boire un café ?”
Elle acquiesça. “Je vous en fait porter un immédiatement.”
“Parfait. Dites-leur que je serai là dans vingt minutes.”
Tabby tourna les talons et quitta la chambre, refermant la porte derrière elle et laissant Rutledge grommeler sous sa barbe sur l’injustice de la situation. Au bout d’un long moment, il bascula ses jambes hors du lit, posa ses pieds nus par terre, et se leva en s’étirant et en grognant, se demandant pour la dix-millième fois comment il avait bien pu atterrir à la Maison Blanche.
La raison technique à cela était toute simple. Cinq semaines plus tôt, Rutledge était le Président de la Chambre des Représentants… et sacrément bon à ce poste, en toute modestie. Au cours de sa carrière politique, il avait acquis la réputation d’être un homme qu’on ne pouvait pas acheter, qui restait fidèle à son code moral, et qui ne déviait pas de ses croyances.
C’était alors que la nouvelle était tombée concernant l’implication du Président Harris dans le plan des russes d’annexer l’Ukraine. Avec les preuves irréfutables de l’enregistrement de l’interprète, la procédure d’impeachment était allée extrêmement vite. Puis, à quelques minutes de minuit avant la destitution définitive d’Harris, le président avait fait un aveu en espérant réduire sa sentence, impliquant son propre Vice-Président. Brown s’était refermé comme une huitre, plaidant la non-contestation d’avoir eu connaissance de l’implication d’Harris avec les russes et Kozlovsky.
Tout ceci s’était produit en l’espace d’une seule journée. Avant même que Rutledge ait achevé la lecture de la transcription du témoignage du vice-président Brown, la destitution d’Harris avait été approuvée par le Sénat et le Vice-Président avait démissionné en attente du procès. Pour la première fois dans l’histoire des USA, le troisième homme de la liste, à savoir le Président de la Chambre des Représentants, prenait place dans le Bureau Ovale. Et il s’agissait du démocrate Jonathan Rutledge.
Ce n’était pas ce qu’il aurait voulu. Il aurait cru que diriger la Chambre des Représentants serait l’apogée de sa carrière, et il n’avait pas d’autres aspirations au-dessus de cela. Il aurait pu prononcer ces quatre petits mots qui auraient fait toute la différence : “Je refuse de servir.” Mais, s’il avait fait ça, il aurait laissé tomber son parti tout entier. Le président par intérim du Sénat était un républicain du Texas, aussi à droite politiquement qu’il était possible de l’être dans le système démocratique.
Et donc, le Président de la Chambre des Représentants Rutledge était devenu le Président des États-Unis Rutledge. Sa prochaine mission serait de nommer un vice-président et que le Congrès vote son approbation. Mais cela faisait quatre semaines que son investiture avait eu lieu et il ne l’avait pas encore fait, malgré la pression et les critiques qui augmentaient. C’était une décision très délicate à prendre… Et après ce qu’avaient fait les deux dernières administrations, il n’y avait pas foule au portillon pour postuler à ce job. Il avait quelqu’un en tête, la pétillante sénatrice de Californie Joanna Barkley, mais le temps qu’il avait passé aux commandes était déjà tellement tumultueux qu’il lui semblait que la controverse et la critique l’attendaient à chaque coin de mur.
Parfois, ça suffisait à lui donner envie d’abandonner. Et il savait très bien qu’il le pourrait. Rutledge pouvait nommer Barkley comme Vice-Présidente, obtenir le vote d’approbation du Congrès, puis démissionner, faisant de Barkley la première femme Présidente des États-Unis. Il pourrait le justifier par le flot d’événements qui avait entouré son arrivée au pouvoir. Et il serait félicité, du moins l’imaginait-il, pour avoir mis une femme à la Maison Blanche.
C’était tentant, surtout quand on se réveillait en apprenant la nouvelle d’une attaque terroriste le matin de Thanksgiving.
Rutledge boutonna sa chemise et noua sa cravate bleue, mais décida de faire l’impasse sur la veste et releva plutôt ses manches. Un assistant débarqua avec un chariot à roulettes sur lequel se trouvait du café, du lait, du sucre, ainsi qu’un assortiment de pâtisseries. Mais il se versa simplement un mug de café noir qu’il emporta avec lui, escorté par deux agents stoïques des Services Secrets, alors qu’il se dirigeait vers la Salle de Crise.
C’était encore une chose à laquelle il devait s’habituer : être accompagné en permanence, être toujours surveillé, et ne jamais vraiment être seul.
Les deux agents en costumes sombres descendirent les marches à sa suite et l’escortèrent le long d’un couloir où trois autres agents des Services Secrets étaient postés, chacun hochant la tête à son tour en murmurant “Monsieur le Président.” Ils s’arrêtèrent devant une double porte en chêne, l’un des agents prenant position en joignant ses mains devant lui, tandis que l’autre ouvrait la porte pour Rutledge, lui donnant accès à la Salle de Conférence John F. Kennedy, un centre de commandement et de renseignement de mille-cinq-cents mètres carrés au sous-sol de l’aile gauche de la Maison Blanche, plus généralement connue sous le nom de Salle de Crise.
Les quatre personnes déjà présentes se levèrent pendant qu’il faisait le tour de la table pour prendre place au bout. À sa gauche, se trouvait Tabby Halpern et, à côté d’elle, le Secrétaire de la Défense Colin Kressley. Le Secrétaire d’État et le Directeur du Renseignement National étaient notablement absents, ayant été envoyés à Genève pour parler aux Nations Unies de la guerre commerciale en cours avec la Chine et de comment elle pourrait impacter les importations européennes. À leur place, était venu le Directeur de la CIA Edward Shaw, un homme à l’air sévère que Rutledge n’avait jamais vraiment vu sourire. Et à côté de lui se trouvait une femme blonde, pas loin de la quarantaine, à l’allure professionnelle et absolument sublime. En croisant ses yeux gris, un éclair de reconnaissance le traversa. Rutledge l’avait déjà rencontrée, lors de son investiture peut-être, mais il ne se souvenait pas son nom.
Comment ils s’étaient tous rassemblés si vite, impeccablement habillés et paraissant tellement alertes, le déconcertaient. L’œil vif et le poil brillant, comme disait sa mère. Rutledge se sentit soudain complètement débraillé avec ses manches retroussées et sa cravate mal serrée.
“Veuillez prendre place,” dit Rutledge en s’asseyant lui-même dans un fauteuil en cuir noir. “Nous devons donner à cette affaire l’attention qu’elle mérite, mais il y a des endroits où nous préférerions tous être aujourd’hui. Alors, allons droit au but.”
Tabby fit un signe de tête à l’attention de Shaw, qui croisa ses mains sur la table. “Monsieur le Président,” commença le directeur de la CIA, “à une heure la nuit dernière, un incident s‘est produit à La Havane, à Cuba, très précisément en bordure nord du port,