L'Anneau des Dragons. Морган Райс
choisit une maison bourgeoise au hasard, avec une porte élégamment ouvragée entourée de pierres, des plantes qui poussaient au niveau des fenêtres descendaient telles des larmes en hommage aux morts de la cité. Il s'approcha de la porte et frappa du poing. Evidemment, seul le silence lui répondit.
Ravin donna un coup de botte dans la porte, brisant les verrous du premier coup qui la retenaient. Il pénétra dans un couloir où étaient accrochés des tableaux représentant les nombreux portraits de ce qu'il supposa être la longue lignée des ancêtres du propriétaire. Ravin les contemplait lorsqu'un homme s'approcha dans la pénombre, se précipita sur lui l'épée brandie. Ravin le frappa au niveau des côtes et planta son épée dans la poitrine de l'homme, qui s'écroula à terre aux pieds de Ravin.
"Vous seriez toujours de ce monde si vous étiez parti," lui dit-il.
Il traversa la maison et arriva dans une cuisine en suivant l’unique et faible lueur disponible. Il poussa la porte et trouva une femme et ce qu'il supposa ses filles blotties au fond de la cuisine, ainsi que quelques domestiques. Elles se blottirent près du feu, essayant d'utiliser une grande table en bois renversée sur le côté en guise de barricade. Des serviteurs armés de couteaux s'avancèrent, comme désireux de se battre.
Ravin leva son épée, la lame encore humide du sang de l'homme qui l'avait approché.
"Croyez-vous être vraiment en mesure de me battre ?" demanda-t-il. "Je suis Ravin, Roi des Trois Royaumes, votre souverain légitime. Agenouillez-vous, ou vous mourrez."
Il mit toute la force de son commandement dans sa voix, il vit les hommes pâlir lorsqu’ils comprirent l'importance de l’homme qui se tenait devant eux. L'un d'entre eux lâcha son couteau au sol, mais l'autre fut plus lent. Ravin perdit patience et planta son épée dans la poitrine de l’homme, ignorant les cris des femmes alentour. Ravin lui donna un coup de pied qui le fit basculer en arrière, avant de remettre la table sur ses pieds. Il prit une chaise qu’il plaça devant la table et y déposa son épée ensanglantée.
Il regarda ses hommes qui l'avaient suivi. "Je reste là. Faites votre devoir."
Ils se mirent en route, seuls deux d'entre eux restèrent pour faire office de gardes du corps. Ravin assis là, examinaient ceux présents dans la pièce. Ils étaient tous à genoux et le regardaient avec une terreur évidente.
"Qu’on m'apporte du vin. Quant aux autres, comprenez-moi bien : tout ce que vous croyez être à vous m’appartient désormais – votre argent, vos biens, vous-mêmes. Cette cité, tout ce royaume, m’appartient."
Dès que le sortilège du mage serait rompu du moins.
CHAPITRE DEUX
Le grand salon du château bourdonnait comme une ruche, les tapis carrés étaient envahis par des gens qui se pressaient d’accomplir tout et n'importe quoi, les hauts murs de pierre résonnaient de leurs conversations alors qu'ils essayaient de voir comment se rendre utiles pour la suite des évènements.
Cela rappelait en quelque sorte à Lenore l'activité débordante des semaines précédant son mariage, lorsque tout le château résonnait de festivités, mais la situation n’avait plus rien de léger ni joyeux. Certaines bannières jadis suspendues aux murs avaient été décrochées, les nobles se disputaient pour savoir s'il fallait les couper pour en faire des bandages de fortune, tandis que le trône demeurait vacant, sans aucun signe de Vars pour y prendre place, l'homme qui aurait dû s'y asseoir étant mort.
Cette pensée emplit Lenore de chagrin, mais elle devait faire semblant de garder son calme, demeurer le noyau immobile autour duquel les autres gravitaient. Ils avaient besoin de quelqu'un qui se maîtrisait, qui gardait son sang-froid, qui réfléchissait quand eux se contentaient simplement d’agir ; ils avaient besoin d'une princesse, ce qui signifiait que Lenore jouait le rôle auquel elle s'était préparée toute sa vie durant.
"Non, ne vous contentez pas de barricader la porte du grand salon donnant sur l’extérieur ; clouez-la."
"Mais où trouver des clous ?" demanda un noble. Lenore ne retira aucun plaisir du fait qu'il lui demande des instructions alors qu’il la percevait voilà encore un jour ou deux comme un bel objet inutile.
"Je ne sais pas. Cherchez dans les réserves du château s'il le faut," répondit Lenore. "Exécution."
L'homme s’éloigna sans poser de questions. Beaucoup de ceux présents agissaient sans remettre ses instructions en doute. Lenore soupçonnait que c’était lié au fait qu’elle soit la sœur du nouveau roi et la femme du fils du Duc Viris. A moins que les gens veuillent simplement que quelqu'un leur dise quoi faire en période de crise.
Lenore aurait tellement souhaité qu'il y ait quelqu'un qui puisse lui dire quoi faire.
Elle n'avait jamais eu aussi peur de toute sa vie. Une armée composée d’hommes semblables à ceux qui l'avaient kidnappée avait envahi la cité. Les Chevaliers d’Argent étaient partis, ainsi que la plupart des soldats. Comment pourraient-ils résister ? Et si le château tombait entre leurs mains ? Ils périraient donc tous ?
Ce n'était pas le pire que puisse imaginer Lenore, au vu des horreurs subies par certaines de ses servantes pendant l'enlèvement. Elle n'avait été impliquée que dans une seule et unique bataille terrifiante, mais que se passerait-il si toute une horde de soldats incontrôlables faisait irruption dans le château ?
Sans parler du Roi Ravin, le commanditaire de son enlèvement, le responsable de la mort de son frère et son père. Lenore avait entendu parler de sa cruauté, des histoires toutes plus écœurantes les unes que les autres. La peur s’emparait d’elle rien qu'en y pensant.
"Votre Altesse," demanda un serviteur. "Désirez-vous que l’on apporte les armes de l'armurerie ?"
Lenore réfléchit à ses troupes potentielles. Des serviteurs qui n'avaient probablement jamais tenu une épée de leur vie. Une nuée de nobles, dont beaucoup âgés, pour la plupart aussi effrayés que Lenore. Mieux valait peut-être essayer de se battre malgré tout. Une mort rapide serait la meilleure option.
"Allez chercher un maximum de gens." Elle désigna un autre serviteur. "Accompagnez-le."
"Oui, Votre Altesse."
Lenore continua d’organiser la défense du château, s’adressant tour à tour aux serviteurs et aux nobles. "Vous, prenez qui vous voulez et allez me chercher le plus d’huile possible en cuisine. Apportez-la à la maison du garde et commencez à la chauffer, afin qu’elle soit prête à être versée. Vous, fermez les portes et baissez la herse."
"Et ceux encore dans la cité ?" demanda l'homme.
Le cœur de Lenore se brisa face à sa question, et la réponse qu'elle ne voulait pas lui donner. "Ils… ils n'ont aucune chance de s’en sortir à marée haute. Si nous les voyons revenir, nous pouvons… nous lancerons des cordes."
Elle ne lui dit pas que les chances de les voir revenir étaient infimes ; elle n'y songea pas, parce qu'Erin et son étrange moine étaient toujours là, à combattre l'ennemi. Ils étaient peut-être même plus en sécurité à l’extérieur qu'au sein du château, cela signifiait qu'ils auraient une chance de se cacher et s'enfuir le moment venu. Non pas qu'Erin s'enfuirait de gaieté de cœur, mais peut-être que Odd l'y obligerait.
Lenore regarda autour d'elle, sachant qu'elle et les autres n'auraient aucune chance de s'échapper. Leur seul espoir consistait à essayer de protéger le château, mais ils étaient bien trop peu nombreux en vérité. Elle pourrait donner une lance à chaque serviteur, insister pour que chaque noble prenne place sur la muraille pour tenter de repousser la marée montante que ce ne serait toujours pas suffisant. Les tâches qu'elle leur assignait étaient davantage dues au fait qu'elle savait qu'ils devaient se sentir utiles en pareil moment, et non parce qu'elle imaginait que ce soit vraiment efficace lorsque l'armée du Roi Ravin surgirait.
Avoir quelques notions de stratégie se serait peut-être avéré plus efficace. A vrai dire, ses ordres n’étaient que les réminiscences de ses jeux avec Erin, qui insistait à jouer à défendre le château contre des ennemis