Le Leurre Zéro. Джек Марс
également devant une classe de poterie, une autre d’anglais langue étrangère, puis d’informatique…
La porte sur sa gauche était presque fermée, entrouverte d’à peine quelques centimètres, pas assez pour qu’elle puisse voir à l’intérieur mais, alors qu’elle passait devant, un fragment de conversation lui parvint.
« Je m’étais promise que jamais plus je ne toucherais à l’héroïne. »
Sara se figea presque littéralement sur place, son pied encore en l’air, puis essaya de jeter un œil par l’entrebâillement de la porte.
« Mais, comme vous pouvez l’imaginer, dit sombrement une jeune femme à l’intérieur, mon addiction, elle, avait d’autres plans en réserve. Et, après une très mauvaise après-midi, elle a eu raison de moi. Je connaissais un type, juste au coin de la rue, et je l’ai appelé. »
Il y avait une note sur la porte, une simple feuille de papier blanc avec quelques mots imprimés à l’encre noire, le tout maintenu par des morceaux de scotch.
« Ça n’a pris qu’une minute. » La femme baissa encore la voix, si bien que Sara n’arrivait presque plus à l’entendre. Elle poussa la porte d’à peine quelques centimètres. « J’ai laissé mon fils de deux ans tout seul dans l’appartement, mais seulement pour quelques minutes. » Dans la pièce, Sara apercevait des femmes assises en arc-de-cercle qui se faisaient face. Leurs mines étaient sombres, presque funèbres.
« Malheureusement, pendant ce laps de temps, mon ancien compagnon – le père de mon bébé – a décidé de passer nous voir à l’improviste. » La femme qui s’exprimait gardait les yeux rivés au sol. Sa peau était pâle, elle ne portait pas de maquillage et ses cheveux châtains avaient été noués hâtivement en une queue de cheval. « Je suis revenue en tenant à la main mon petit sachet pour trouver mon fils dans ses bras. Ce jour-là, je l’ai perdu… »
Un visage apparut soudainement dans l’entrebâillement de la porte, faisant sursauter Sara qui fit un bond en arrière. La femme qui lui souriait avait un air de jeune matrone, un peu comme une mère de famille de banlieue qui inviterait les amis de ses enfants à dîner et n’accepterait aucun refus.
« Bonjour », murmura-t-elle afin de ne pas interrompre la réunion qui se déroulait derrière elle. « Es-tu là pour “Des liens communs” ?
– Je, Euh… Sara s’éclaircit la gorge et secoua rapidement la tête. Non. Pas du tout. Je jetais juste un coup d’œil. Désolée.
– Pas de soucis. » La femme fit un petit pas dans le couloir et referma doucement la porte derrière elle. « Nous sommes un groupe de soutien pour des femmes ayant vécu toutes sortes de traumatismes. Dépendance à la drogue, violence conjugale, syndrome de stress post-traumatique, dépression… Nous partageons nos expériences et, à travers ce partage…
– Vous créez des liens communs, marmonna Sara. Oui, je vois. »
La femme sourit. « Exactement. » Puis elle fit quelque chose d’étrange : elle regarda Sara droit dans les yeux et fronça les sourcils sans jamais se départir de son sourire.
Cela perturba Sara. C’était comme si la femme pouvait… lire en elle.
« Es-tu sûre de ne pas vouloir entrer ? Tu peux juste venir t’asseoir et écouter. Tu n’as pas besoin de parler.
– Non. Merci. Je… ça va. » Sara fit un pas en arrière. « En fait, j’étais sur le point de partir. » Elle avait réussi à s’en sortir sans l’aide d’un centre de désintoxication ; elle n’avait certainement pas besoin d’un « groupe de soutien ».
Elle se détourna, mais la femme continua de lui parler. « Au fait, je m’appelle Maddie.
– Sara, répondit-elle par-dessus son épaule.
– J’ai été ravie de te rencontrer. À très bientôt, Sara. »
Non, je ne pense pas. Sara pressa le pas le long du couloir. Soudain, le froid de février du Maryland lui sembla beaucoup plus accueillant.
CHAPITRE SIX
Maya regardait fixement le téléphone qui reposait au creux de sa main. L’historique des appels était affiché à l’écran, le numéro était juste là. Il lui suffirait de cliquer dessus.
Peut-être demain.
Elle était assise les jambes en tailleur sur son lit deux places, dans le coin de la chambre, à un mètre environ de celui de Sara, dans la chambre qu’elles partageaient. L’espace était parfois un peu exigu, mais ce n’était rien en comparaison des baraquements auxquels elle s’était habituée à West Point. Quant à Sara, elle avait eu quatre colocataires lorsqu’elle vivait à Jacksonville, donc, cet arrangement leur allait très bien à toutes les deux. Elles avaient refusé plus d’une fois la proposition de leur père d’occuper la plus grande des deux chambres de l’appartement.
Maya jeta le téléphone sur le couvre-lit, à côté d’un exemplaire à peine lu d’Ulysse (un « triomphe du masochisme », comme l’appelait son père) et d’une barre protéinée à moitié entamée. Elle voulait passer cet appel et elle le ferait, mais pas aujourd’hui.
Le numéro, si elle arrivait à trouver le courage de l’appeler, la mettrait en relation avec le bureau du doyen de West Point, le brigadier-général Joanne Hunt. Le bureau du doyen Hunt avait essayé de joindre Maya pas moins de quatre fois au cours des deux dernières semaines, sans toutefois laisser de messages ni aucune information sur la raison de ses appels.
Ce n’était pas nécessaire ; elle savait de quoi il s’agissait. Victime d’une traumatisante agression par trois garçons dans le vestiaire des filles, Maya en avait brutalisé deux et presque tué le troisième. À la suite de cela, le doyen Hunt lui avait gracieusement proposé de rentrer chez elle jusqu’à la fin du semestre et de ne revenir qu’en janvier après les vacances d’hiver.
Cependant, Maya n’y était pas retournée et il était à présent trop tard pour le faire. Elle avait manqué beaucoup de cours et ainsi prolongé inutilement sa formation d’au moins six mois, un sacré coup dur pour son objectif de devenir le plus jeune agent de l’histoire de la CIA.
Elle avait seulement besoin d’un peu de temps. C’est ce qu’elle avait dit à son père et sa sœur. Un peu plus de temps en leur compagnie et pour elle-même. Ensuite, elle y retournerait. Mais elle savait pertinemment que chaque jour qui s’écoulait sans qu’elle passe cet appel et promette de revenir au semestre suivant était un jour de plus durant lequel elle envisageait de ne jamais y retourner.
La porte d’entrée de l’appartement s’ouvrit et Maya se figea pendant un bref moment, une réaction naturelle considérant le nombre de fois où quelqu’un avait pénétré dans leur appartement par effraction avec l’intention de tuer ou kidnapper sa famille, mais elle s’était habituée à reconnaître les pas de son père et son soupir agacé lorsque la porte dilatée par le froid coinçait légèrement. Elle laissa échapper un soupir de soulagement.
« Chérie, je suis rentré ! dit-il d’une voix forte.
– Et qui est “chérie” ? lui répondit Maya avec un sourire.
– Quiconque répond à “chérie”, je suppose.
– Il n’y a que moi ici. »
Il apparut dans l’encadrement de la porte, un sourire malicieux aux lèvres. « Dans ce cas, bonsoir, chérie. Où est ta sœur ?
– À son cours d’art au centre social.
– Oui, c’est vrai. J’avais oublié qu’elle faisait ça, mais je suis content qu’elle y soit. Est-ce qu’elle a besoin qu’on aille la chercher ?
– Elle est à vélo.
Son père cligna