LUPIN - Les aventures du gentleman-cambrioleur. Морис Леблан

LUPIN - Les aventures du gentleman-cambrioleur - Морис Леблан


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vous indiquerai ultérieurement.

      « En cas de refus, j’ai pris mes dispositions pour que le résultat soit identique. Mais, outre les ennuis très graves que vous causerait une telle obstination, vous auriez à subir une retenue de vingt-cinq mille francs pour frais supplémentaires.

      « Veuillez agréer, Monsieur, l’expression de mes sentiments les plus respectueux.

      « Arsène Lupin. »

      Exaspéré, M. Gerbois commit la faute énorme de montrer cette lettre et d’en laisser prendre copie. Son indignation le poussait à toutes les sottises.

      – Rien il n’aura rien ! s’écria-t-il devant l’assemblée des reporters. Partager ce qui m’appartient ? Jamais. Qu’il déchire son billet, s’il le veut !

      – Cependant cinq cent mille francs valent mieux que rien.

      – Il ne s’agit pas de cela, mais de mon droit, et ce droit je l’établirai devant les tribunaux.

      – Attaquer Arsène Lupin ? Ce serait drôle.

      – Non, mais le Crédit Foncier. Il doit me délivrer le million.

      – Contre le dépôt du billet, ou du moins contre la preuve que vous l’avez acheté.

      – La preuve existe, puisque Arsène Lupin avoue qu’il a volé le secrétaire.

      – La parole d’Arsène Lupin suffira-t-elle aux tribunaux ?

      – N’importe, je poursuis.

      La galerie trépignait. Des paris furent engagés, les uns tenant que Lupin réduirait M. Gerbois, les autres qu’il en serait pour ses menaces. Et l’on éprouvait une sorte d’appréhension, tellement les forces étaient inégales entre les deux adversaires, l’un si rude dans son assaut, l’autre effaré comme une bête qu’on traque.

      Le vendredi, on s’arracha l’Écho de France, et on scruta fiévreusement la cinquième page à l’endroit des petites annonces. Pas une ligne n’était adressée à M. Ars. Lup. Aux injonctions d’Arsène Lupin, M. Gerbois répondait par le silence. C’était la déclaration de guerre.

      Le soir, on apprenait par les journaux l’enlèvement de Mlle Gerbois.

      Ce qui nous réjouit dans ce qu’on pourrait appeler les spectacles d’Arsène Lupin, c’est le rôle éminemment comique de la police. Tout se passe en dehors d’elle. Il parle, lui, il écrit, prévient, commande, menace, exécute, comme s’il n’existait ni chef de la Sûreté, ni agents, ni commissaires, personne enfin qui pût l’entraver dans ses desseins. Tout cela est considéré comme nul et non avenu. L’obstacle ne compte pas.

      Et pourtant elle se démène, la police ! Dès qu’il s’agit d’Arsène Lupin, du haut en bas de l’échelle, tout le monde prend feu, bouillonne, écume de rage. C’est l’ennemi, et l’ennemi qui vous nargue, vous provoque, vous méprise, ou, qui pis est, vous ignore.

      Et que faire contre un pareil ennemi ? À dix heures moins vingt, selon le témoignage de la bonne, Suzanne partait de chez elle. À dix heures cinq minutes, en sortant du lycée, son père ne l’apercevait pas sur le trottoir où elle avait coutume de l’attendre. Donc tout s’était passé au cours de la petite promenade de vingt minutes qui avait conduit Suzanne de chez elle jusqu’au lycée, ou du moins jusqu’aux abords du lycée.

      Deux voisins affirmèrent l’avoir croisée à trois cents pas de la maison. Une dame avait vu marcher le long de l’avenue une jeune fille dont le signalement correspondait au sien. Et après ? Après on ne savait pas.

      On perquisitionna de tous côtés, on interrogea les employés des gares et de l’octroi. Ils n’avaient rien remarqué ce jour-là qui pût se rapporter à l’enlèvement d’une jeune fille. Cependant, à Ville-d’Avray, un épicier déclara qu’il avait fourni de l’huile à une automobile fermée qui arrivait de Paris. Sur le siège se tenait un mécanicien, à l’intérieur une dame blonde – excessivement blonde, précisa le témoin. Une heure plus tard l’automobile revenait de Versailles. Un embarras de voiture l’obligea de ralentir, ce qui permit à l’épicier de constater, à côté de la dame blonde déjà entrevue, la présence d’une autre dame, entourée, celle-ci, de châles et de voiles. Nul doute que ce ne fût Suzanne Gerbois.

      Mais alors il fallait supposer que l’enlèvement avait eu lieu en plein jour, sur une route très fréquentée, au centre même de la ville !

      Comment ? À quel endroit ? Pas un cri ne fut entendu, pas un mouvement suspect ne fut observé.

      L’épicier donna le signalement de l’automobile, une limousine 24 chevaux de la maison Peugeon, à carrosserie bleu foncé. À tout hasard, on s’informa auprès de la directrice du Grand-Garage, Mme Bob-Walthour, qui s’est fait une spécialité d’enlèvements par automobile. Le vendredi matin, en effet, elle avait loué pour la journée une limousine Peugeon à une dame blonde qu’elle n’avait du reste point revue.

      – Mais le mécanicien ?

      – C’était un nommé Ernest, engagé la veille sur la foi d’excellents certificats.

      – Il est ici ?

      – Non, il a ramené la voiture, et il n’est pas revenu.

      – Ne pouvons-nous retrouver sa trace ?

      – Certes, auprès des personnes dont il s’est recommandé. Voici leurs noms.

      On se rendit chez ces personnes. Aucune d’elles ne connaissait le nommé Ernest.

      Ainsi donc, quelque piste que l’on suivît pour sortir des ténèbres, on aboutissait à d’autres ténèbres, à d’autres énigmes.

      M. Gerbois n’était pas de force à soutenir une bataille qui commençait pour lui de façon si désastreuse. Inconsolable depuis la disparition de sa fille, bourrelé de remords, il capitula.

      Une petite annonce parue à l’Écho de France, et que tout le monde commenta, affirma sa soumission pure et simple, sans arrière-pensée.

      C’était la victoire, la guerre terminée en quatre fois vingt-quatre heures.

      Deux jours après, M. Gerbois traversait la cour du Crédit Foncier. Introduit auprès du gouverneur, il tendit le numéro 514 – série 23. Le gouverneur sursauta.

      – Ah ! vous l’avez ? Il vous a été rendu ?

      – Il a été égaré, le voici, répondit M. Gerbois.

      – Cependant vous prétendiez… il a été question…

      – Tout cela n’est que racontars et mensonges.

      – Mais il nous faudrait tout de même quelque document à l’appui.

      – La lettre du commandant suffit-elle ?

      – Certes.

      – La voici.

      – Parfait. Veuillez laisser ces pièces en dépôt. Il nous est donné quinze jours pour vérification. Je vous préviendrai dès que vous pourrez vous présenter à notre caisse. D’ici là, Monsieur, je crois que vous avez tout intérêt à ne rien dire et à terminer cette affaire dans le silence le plus absolu.

      – C’est mon intention.

      M. Gerbois ne parla point, le gouverneur non plus. Mais il est des secrets qui se dévoilent sans qu’aucune indiscrétion soit commise, et l’on apprit soudain qu’Arsène Lupin avait eu l’audace de renvoyer à M. Gerbois le numéro 514 – série 23 ! La nouvelle fut accueillie avec une admiration stupéfaite. Décidément c’était un beau joueur que celui qui jetait sur la table un atout de cette importance, le précieux billet ! Certes, il ne s’en était dessaisi qu’à bon escient et pour une carte qui rétablissait l’équilibre. Mais si la jeune fille s’échappait ? Si l’on réussissait à reprendre l’otage qu’il détenait ?


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