Les aventures complètes d'Arsène Lupin. Морис Леблан

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de votre perquisition.

      M. Weber haussa de nouveau les épaules, et sans relever l’impertinence :

      – J’ai des choses plus urgentes…

      – Monsieur le sous-chef de la Sûreté, il n’y a rien de plus urgent. Si vous tardez, tous mes plans sont à l’eau. Le vieux Steinweg ne parlera jamais.

      – Pourquoi ?

      – Parce qu’il sera mort de faim si d’ici un jour, deux jours au plus, vous ne lui apportez pas de quoi manger.

      – 3 –

      – Très grave… Très grave… murmura M. Formerie après une minute de réflexion. Malheureusement…

      Il sourit.

      – Malheureusement, votre révélation est entachée d’un gros défaut.

      – Ah ! Lequel ?

      – C’est que tout cela, monsieur Lupin, n’est qu’une vaste fumisterie… Que voulezvous ? Je commence à connaître vos trucs, et plus ils me paraissent obscurs, plus je me méfie.

      « Idiot », grommela Lupin.

      M. Formerie se leva.

      – Voilà qui est fait. Comme vous voyez, ce n’était qu’un interrogatoire de pure forme, la mise en présence des deux duellistes. Maintenant que les épées sont engagées, il ne nous manque plus que le témoin obligatoire de ces passes d’armes, votre avocat.

      – Bah ! Est-ce indispensable ?

      – Indispensable.

      – Faire travailler un des maîtres du barreau en vue de débats aussi… problématiques ?

      – Il le faut.

      – En ce cas, je choisis Me Quimbel.

      – Le bâtonnier. À la bonne heure, vous serez bien défendu.

      Cette première séance était terminée. En descendant l’escalier de la Souricière, entre les deux Doudeville, le détenu articula, par petites phrases impératives :

      – Qu’on surveille la maison de Geneviève… quatre hommes à demeure… Mme Kesselbach aussi… elles sont menacées. On va perquisitionner villa Dupont… soyez-y. Si l’on découvre Steinweg, arrangez-vous pour qu’il se taise… un peu de poudre, au besoin.

      – Quand serez-vous libre, patron ?

      – Rien à faire pour l’instant… D’ailleurs, ça ne presse pas… Je me repose.

      En bas, il rejoignit les gardes municipaux qui entouraient la voiture.

      – À la maison, mes enfants, s’exclamat-il, et rondement. J’ai rendez-vous avec moi à deux heures précises.

      Le trajet s’effectua sans incident.

      Rentré dans sa cellule, Lupin écrivit une longue lettre d’instructions détaillées aux frères Doudeville et deux autres lettres.

      L’une était pour Geneviève :

      « Geneviève, vous savez qui je suis maintenant, et vous comprendrez pourquoi je vous ai caché le nom de celui qui, par deux fois, vous emporta toute petite, dans ses bras.

      « Geneviève, j’étais l’ami de votre mère, ami lointain dont elle ignorait la double existence, mais sur qui elle croyait pouvoir compter. Et c’est pourquoi, avant de mourir, elle m’écrivait quelques mots et me suppliait de veiller sur vous.

      « Si indigne que je sois de votre estime, Geneviève, je resterai fidèle à ce vœu. Ne me chassez pas tout à fait de votre cœur.

      « ARSÈNE LUPIN. »

      L’autre lettre était adressée à Dolorès Kesselbach.

      « Son intérêt seul avait conduit près de Mme Kesselbach le prince Sernine. Mais un immense besoin de se dévouer à elle l’y avait retenu.

      « Aujourd’hui que le prince Sernine n’est plus qu’Arsène Lupin, il demande à Mme Kesselbach de ne pas lui ôter le droit de la protéger, de loin, et comme on protège quelqu’un que l’on ne reverra plus. »

      Il y avait des enveloppes sur la table. Il en prit une, puis deux, mais comme il prenait la troisième, il aperçut une feuille de papier blanc dont la présence l’étonna, et sur laquelle étaient collés des mots, visiblement découpés dans un journal. Il déchiffra :

      « La lutte avec Altenheim ne t’a pas réussi. Renonce à t’occuper de l’affaire, et je ne m’opposerai pas à ton évasion. Signé : L. M. »

      Une fois de plus, Lupin eut ce sentiment de répulsion et de terreur que lui inspirait cet être innommable et fabuleux – la sensation de dégoût que l’on éprouve à toucher une bête venimeuse, un reptile.

      – Encore lui, dit-il, et jusqu’ici !

      C’était cela également qui l’effarait, la vision subite qu’il avait, par instants, de cette puissance ennemie, une puissance aussi grande que la sienne, et qui disposait de moyens formidables dont lui-même ne se rendait pas compte.

      Tout de suite il soupçonna son gardien. Mais comment avait-on pu corrompre cet homme au visage dur, à l’expression sévère ?

      – Eh bien ! Tant mieux, après tout ! s’écria-t-il. Je n’ai jamais eu affaire qu’à des mazettes… Pour me combattre moi-même, j’avais dû me bombarder chef de la Sûreté… Cette fois je suis servi !… Voilà un homme qui me met dans sa poche… en jonglant, pourrait-on dire… Si j’arrive, du fond de ma prison, à éviter ses coups et à le démolir, à voir le vieux Steinweg et à lui arracher sa confession, à mettre debout l’affaire Kesselbach, et à la réaliser intégralement, à défendre Mme Kesselbach et à conquérir le bonheur et la fortune pour Geneviève… Eh bien vrai, c’est que Lupin… sera toujours Lupin… et, pour cela, commençons par dormir…

      Il s’étendit sur son lit, en murmurant :

      – Steinweg, patiente pour mourir jusqu’à demain soir, et je te jure…

      Il dormit toute la fin du jour, et toute la nuit et toute la matinée. Vers onze heures, on vint lui annoncer que Me Quimbel l’attendait au parloir des avocats, à quoi il répondit :

      – Allez dire à Me Quimbel que s’il a besoin de renseignements sur mes faits et gestes, il n’a qu’à consulter les journaux depuis dix ans. Mon passé appartient à l’histoire.

      À midi, même cérémonial et mêmes précautions que la veille pour le conduire au Palais de Justice. Il revit l’aîné des Doudeville avec lequel il échangea quelques mots et auquel il remit les trois lettres qu’il avait préparées, et il fut introduit chez M. Formerie.

      Me Quimbel était là, porteur d’une serviette bourrée de documents.

      Lupin s’excusa aussitôt.

      – Tous mes regrets, mon cher maître, de n’avoir pu vous recevoir, et tous mes regrets aussi pour la peine que vous voulez bien prendre, peine inutile, puisque…

      – Oui, oui, nous savons, interrompit M. Formerie, que vous serez en voyage. C’est convenu. Mais d’ici là, faisons notre besogne. Arsène Lupin, malgré toutes nos recherches, nous n’avons aucune donnée précise sur votre nom véritable.

      – Comme c’est bizarre ! Moi non plus.

      – Nous ne pourrions même pas affirmer que vous êtes le même Arsène Lupin qui fut détenu à la Santé en 19… et qui s’évada une première fois.

      – Une « première fois » est un mot très juste.

      – Il arrive en effet, continua M. Formerie, que la fiche Arsène


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