Derniers essais de littérature et d'esthétique: août 1887-1890. Oscar Wilde

Derniers essais de littérature et d'esthétique: août 1887-1890 - Oscar Wilde


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      D'abord elle semble ne point le reconnaître, mais par la douceur de sa voix, par l'éloquence de son langage, il la conquiert, et elle l'embrasse, en présence de l'armée et déclare qu'il est son fils.

      L'usurpateur, terrifié de ces nouvelles et abandonné par ses soldats, se suicide.

      Alexis fait son entrée triomphale dans Moscou et il est couronné au Kremlin. Mais malgré tout, il n'est point le vrai Démétrius.

      Il a été trompé lui-même et il trompe les autres.

      M. Coleridge a tracé son rôle avec une délicate subtilité, avec une vive pénétration, et la scène, dans laquelle Démétrius découvre qu'il n'est point le fils d'Ivan et n'a aucun droit au nom qu'il réclame, est extrêmement forte et dramatique.

      Il y a un point de ressemblance entre Alexis et le véritable Démétrius; tous deux sont mis à mort, et c'est par la mort de son étrange héros que M. Coleridge termine son remarquable récit.

      En somme, M. Coleridge a écrit un roman historique réellement bon, et on peut le féliciter de son succès.

      Le style est particulièrement intéressant et les parties narratives du livre méritent un grand éloge pour leur clarté, leur dignité, leur sobriété.

      Les discours et les dialogues ne sont point traités avec le même bonheur, car ils ont une tendance maladroite à tourner en mauvais vers blancs.

      Voici par exemple un discours, imprimé par M. Coleridge comme de la prose, et dans lequel la véritable musique de la prose est sacrifiée à un faux parti-pris métrique qui est à la fois monotone et fatigant:

      But, Death, who brings us freedom from all falsehood, Who heals the heart, when the physician fails, Who comforts all whom life cannot console, Who stretches out in sleep the tired watchers; He takes the King, and proves him but a beggar! He speaks, and we, deaf to our Maker's voice, Hear and obey the call of our destroyer! Then let us murmur not at anything; For if our ills are curable, 'tis idle, and if they are past remedy, 'tis vain. The worst our strongest enemy can do Is take from us our life, and this indeed Is in the power of the weakest also.

      Mais la Mort, qui nous apporte l'affranchissement de tout mensonge qui guérit le cœur quand le médecin échoue, qui réconforte ceux que la vie ne saurait consoler, qui plonge dans le sommeil les gardiens fatigués s'empare du Roi, et prouve qu'il n'est qu'un mendiant, parle, et nous, sourds à la voix de notre créateur, nous écoutons l'appel de notre destructeur, et nous y obéissons. Ne murmurons point contre quoi que ce soit, car c'est chose superflue, si nos maux sont curables, et s'ils résistent à tout remède, c'est chose vaine. Le pis que puisse faire notre plus fort ennemi, c'est de nous ôter la vie, et vraiment c'est ce que peut faire aussi l'ennemi le plus faible.

      Ce n'est point de la bonne prose, c'est simplement du vers blanc de qualité inférieure et nous espérons que, dans son prochain roman, M. Coleridge ne nous offrira pas de la poésie de second ordre au lieu de prose harmonieuse.

      Certes, que M. Coleridge soit un jeune auteur de grand talent, et très cultivé, on ne saurait en douter, et véritablement, en dépit de l'erreur que nous avons signalée, Démétrius reste un des romans les plus attrayants, les plus agréables, qui aient paru cette saison.

      NOTES:

       Table des matières

      [1] Pall Mall Gazette, 8 août 1887.

       Table des matières

      La fiction teutonique, en général, est un peu lourde et très sentimentale, mais Son Fils, de Werner, excellemment traduit par Miss Tyrrell, est vraiment un récit hors ligne.

      On en ferait une pièce de premier ordre.

      Le vieux comte Steinrück a deux petits-fils, Raoul et Michel.

      Ce dernier est élevé comme un fils de paysan, cruellement traité d'ailleurs par son grand-père, et par le paysan aux soins duquel il a été confié, sa mère, la comtesse Steinrück, ayant épousé un aventurier qui est joueur.

      Il est le rude héros du récit, le Saint Michel de cette guerre contre le mal, qu'est la vie, tandis que Raoul, gâté par son grand-père et par sa mère, une Française, trahit son pays et ternit son nom.

      A chaque pas dans le récit, ces deux jeunes gens entrent en collision.

      C'est une guerre entre caractères, un heurt entre individualités.

      Michel est fier, austère et noble; Raoul est faible, charmant et mauvais.

      Michel a le monde contre lui et il triomphe; Raoul a le monde de son côté et il succombe.

      C'est un récit plein de mouvement et de vie, et la psychologie des personnages se manifeste par l'action, non par l'analyse, par des faits, non par la description.

      Bien qu'elle remplisse trois forts volumes, cette histoire ne nous fatigue pas.

      Elle a de la vérité, de la passion, de la force, et on ne saurait demander mieux à la fiction.

      L'intérêt du Chenapan de M. Sale Lloyd est subordonné à un de ces malentendus qui composent le fond de magasins des romanciers de second ordre.

      Le capitaine Egerton s'éprend de Miss Adela Thorndyke, un faible écho de quelqu'une des héroïnes de Miss Broughton, mais il ne veut point l'épouser parce qu'il l'a vue causer avec un jeune homme, qui habite dans le voisinage, et qui est un de ses plus anciens amis.

      Nous disons, à regret, que Miss Thorndyke reste entièrement fidèle au capitaine Egerton et va jusqu'à refuser, à cause de lui, d'épouser le recteur de la paroisse, qui est un baronnet du cru, et un lord en chair et en os.

      Il y a là du caquet de five o'clock tea à n'en plus finir et bon nombre de personnages ennuyeux.

      Il peut se faire que des romans comme le Chenapan s'écrivent avec plus de facilité qu'ils ne se lisent.

      Ce n'est point un simple chaos de conversation, mais une forte histoire de la vie réelle, et qui placera, sans aucun doute, Miss Veitch à un rang éminent parmi les romanciers modernes.

      James Hepburn est le ministre de l'Église Libre de Mossgiel et dirige une congrégation d'agréables pécheurs et de graves hypocrites.

      Deux personnes l'intéressent, Lady Ellinor Farquharson et un beau jeune vagabond nommé Robert Blackwood.

      Ce qu'il fait pour sauver Lady Ellinor de la honte et de la ruine a pour résultat qu'on l'accuse d'être son amant.

      Son intimité avec Robert Blackwood le fait soupçonner du meurtre d'une jeune fille commis dans sa maison.

      Une réunion des Anciens et des dignitaires de l'Église est convoquée pour délibérer sur la démission du ministre, et là, au grand étonnement de tous, apparaît Robert Blackwood, qui avoue le crime dont Hepburn est accusé.

      Tout le récit est d'une puissance extraordinaire, et il n'y est point fait un abus extravagant du dialecte écossais, ce qui est fort commode pour le lecteur.

      La page de titre de Tiff nous apprend que ce livre a été écrit par l'auteur de Lucie ou une


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