Ennemi, mon ami. Guéshé Rabten

Ennemi, mon ami - Guéshé Rabten


Скачать книгу
n’y a absolument rien que l’habitude nerende plus facile.Par conséquent, en s’accoutumantAux moindres maux on apprendA supporter les grands.

      15 N’a-t-on pas vu cela pour des souffrancessans gravitéTelles que des morsures de serpent, des piqûresd’insectes,La sensation de faim et de soif,Des démangeaisons et autres ?

      16 Si je m’irrite de la chaleur, du froid,Du vent et de la pluie,De la maladie, de l’emprisonnement et des coups,J’en souffrirai d’autant plus.

      17 A la vue de leur propre sang,Certains redoublent de vaillance et d’assurance.D’autres, à la vue du sang d’autrui,Défaillent et s’évanouissent.

      18 C’est selon que l’espritEst déterminé ou timoré.Ne faites donc pas cas des nuisances.Ne vous laissez pas affecter par les souffrances.

      19 Les sages ne laissent pas les souffrances qui surviennentTroubler leur esprit résolu.Ceux qui livrent bataille aux facteursperturbateurs de l’espritSubissent bien des maux à l’heure du combat.

      20 Ceux qui dédaignent toute souffranceTriomphent d’ennemis tels que la haine.Ceux-là sont des vainqueurs, des héros.Les autres ne font que tuer des cadavres.

      21 En outre, la souffrance a pour vertuDe dissiper l’arrogance par l’abattement,De faire naître la compassion pour les êtres ducycle des existences,De faire éviter les fautes et de faire aimer le bien.

      22 Alors que je ne m’irrite pasContre des sources de souffrance comme lajaunisse,Pourquoi m’irriterai-je contre les êtres ?Ils sont eux aussi poussés par des conditions.

      23 Par exemple, bien que non désirée,La maladie apparaît.De même, bien que non désirées,Les perturbations mentales surgissent immanquablement.

      24 Les gens ne se disent pas : «Je vais me mettre en colère».Et pourtant ils s’irritent.La colère ne se dit pas : «Je vais naître».Et pourtant elle se produit.

      25 Toutes les fautes, si nombreuses soient-elles,Toutes les actions négatives, si diverses soient-elles,Dans leur intégralité apparaissent par la force de conditions.Elles ne sont point autonomes.

      26 Et cette réunion de conditions,Elle non plus n’a nulle pensée d’engendrer,Pas plus que ce qu’elle produitN’a l’idée de se produire.

      27 Ce qui est affirmé sous la dénomination de«principe»Et désigné comme le «moi» (Atman)N’apparaît pas de son projet intentionnel,Disant : «Je vais apparaître».

      28 Si, n’étant pas né, il n’existe pas,Comment, dès lors, pourrait-il désirer naître ?Etant en permanence en contact avec un objet,Comment pourrait-il cesser de l’être ?

      29 Si le soi était permanent, il devrait de touteévidenceEtre inopérant comme l’espace.Et même s’il rencontrait d’autres conditions,Comment agiraient-elles sur ce qui est immuable ?

      30 Si au moment de l’action il est comme avant,Quel effet les actions auraient-elles sur lui ?Et si l’on dit : «Voici les conditions quiagissent [sur un soi permanent],De quelle manière les conditions et le soisont-ils reliés ?».

      31 Ainsi, toute chose dépend de ses causes,Elles-mêmes dépendantes et dépourvues de liberté.L’ayant compris, envers tous ces objets pareilsà des apparences,Je n’aurai pas de colère.

      32 Mais alors, dira-t-on, qu’est-ce qui élimine quoi 1 ?Contrer [la colère], ce n’est pas possible !Ce n’est pas impossible, car en dépendance duremède,Il est possible de couper le cours des souffrances 2 !

      33 Par conséquent, quand je vois un ami ou un ennemiAgir de manière incorrecte,«C’est l’œuvre de telles conditions» penserai-je.Et ce faisant, je garderai l’esprit heureux.

      34 Si les choses s’accomplissaient selon nos désirs,Puisque nul ne veut souffrir,Aucun être, quel qu’il soit,Ne devrait subir la souffrance.

      35 D’aucuns, par manque d’attention,Se blessent aux ronces ou autres;Certains, obsédés par la conquête d’une femme ou par l’appât du gain,Entre autres [tourments] se privent de nourriture.

      36 Il en est aussi qui se pendent,Ou se jettent dans un précipice,Ou avalent du poison ou encore,Absorbent quelque nourriture malsaine.

      37 Dominés par leurs perturbations mentales,Ils se nuisent par des actes négatifs. Pourtantsi chers à eux-mêmes,Ils se tuent. Alors, comment pourraient-ilss’abstenirDe porter atteinte au corps d’autrui ?

      38 Même si je ne développe aucune compassionenvers ces êtres qui,Sous l’influence de perturbations mentales,Portent atteinte à leur vie,Qu’au moins je ne me mette pas en colère !

      39 Si nuire aux autres est la nature des êtres puérils,Il serait tout aussi impropre de s’irriter contre euxQue de reprocher au feu de brûler.

      40 Et si ce défaut est passagerCar les êtres sont bons de nature,Il serait aussi absurde de me fâcher contre euxQue de reprocher à l’espace de laisser monterla fumée.

      41 Ce qui me frappe réellement, c’est le bâton.Si l’on doit s’irriter contre celui qui le manie,Parce qu’il est lui-même un instrument manipulé par la haine,C’est contre la haine qu’on ferait mieux de s’emporter.

      42 Dans le passé, j’ai infligé aux êtresDe semblables souffrances.Il est juste qu’aujourd’hui me revienneLe mal que j’ai fait aux autres.

      43 Son arme et mon corpsSont tous deux les causes de ma souffrance.Quand de lui vient l’arme et de moi ce corps,Contre qui faut-il se mettre en colère ?

      44 Si je m’accroche avec un attachement aveugleA cet abcès douloureux qui a forme humaine,Qui ne supporte pas le contact,Contre qui me mettrai-je en colère quand il est blessé ?

      45 Les êtres puérils ne désirent pas la souffrance.Mais puisqu’ils sont avides de ses causes,C’est leur faute si le mal les frappe.Pourquoi donc en faire aux autres le reproche ?

      46 Si, tout comme les gardiens des enfersEt la forêt aux feuilles tranchantes,Ceci est produit par mes propres actions,Contre qui dois-je me mettre en colère ?

      47 C’est poussés par mes propres actionsQu’apparaissent ceux qui me nuisent.Et si à cause de cela ils vont dans les enfers,N’est-ce pas moi qui les ai détruits ?

      48 Grâce à eux, en m’exerçant à la patience,Je purifie beaucoup d’actions négatives;Mais eux, à cause de moi,Devront souffrir longuement dans les enfers.

      49 Ainsi, je leur fais du tortAlors qu’eux me sont bénéfiques.Pourquoi cette incohérence,O toi mon esprit inique qui te mets en colère ?

      50 Si je possède cette qualité de l’esprit [qu’est la patience],Je n’irai pas dans les enfers.Mais si je peux ainsi me protéger,Qu’adviendra-t-il des autres ?

      51 Néanmoins, ce n’est pas en rendant le mal pour le malQue je pourrai les protéger.Ma propre conduite aussi se dégraderaitEt mes efforts seraient ruinés.

      52 Puisque l’esprit est immatériel,Personne ne peut le détruire d’aucune manière.Mais parce qu’il est fortement attaché au corpsLes souffrances physiques l’atteignent.

      53 Puisque ni le mépris, ni les paroles grossières ou blessantesNe peuvent porter préjudice à mon corps,Alors pourquoi, toi mon esprit,Es-tu si violemment en colère ?

      54 «C’est que les autres ne m’aimeront pas !».Mais cela, ni dans cette vie, ni dans les suivantes,Ne me dévorera pas.Alors, pourquoi donc le redouter ?

      55 «C’est que cela m’empêche de m’enrichir !».Pourtant, même si je ne le veux pas,Tout ce que j’ai gagné, je l’abandonnerai là,Tandis que mes méfaits seront solidement maintenus.

      56 Mieux vaut la mort aujourd’hui qu’une longue vieEntretenue par des moyens d’existence malhonnêtes.Même si les êtres comme moi vivent longtemps,Ils connaîtront inévitablement les souffrances de la mort.

      57 Pour celui qui s’éveille de l’expérienceVécue en rêve de cent ans de bonheur,Comme pour cet autre qui s’éveilleDe


Скачать книгу