Absolution Providentielle. Pamela Fagan Hutchins
projetant son ombre vers l’avant, du moins c’est ce que mes yeux me disaient. Ça ressemblait au palais des glaces d’une fête foraine de bas étage.
- Parlez-moi donc de l’affaire, Mlle Connell, commença Walker en nous tendant les bouteilles avant de s’asseoir derrière son bureau.
Je n’avais travaillé en étroite collaboration qu’avec un seul autre détective auparavant : Nick. Quel contraste entre Walker et lui. Le ventre de Walker lui donnait l’air d’être enceint de cinq mois sous son t-shirt publicitaire Cruzan Rum. De la sueur perlait sur son front. La pièce empestait la malpropreté. Si j’avais eu un mouchoir sur moi, j’aurais pu y enfouir mon nez, après avoir nettoyé ma bouteille d’eau avec. Je posai la bouteille sur le sol à côté de moi.
- Mes parents ont passé une semaine à St Marcos l’année dernière. Ils sont venus ici pour leur quarantième anniversaire de mariage. Ils passaient un bon moment, et ils m’appelaient chaque jour. Un sentiment de culpabilité me traversa à l’idée de l’irritation que j’avais ressentie en voyant quotidiennement leur numéro sur mon téléphone. Des gens que j’aimais interrompant une vie que je n’aimais pas, et ils m’irritaient.
- Ils ont participé à toutes les activités habituelles pour touristes. Ils ont pris un catamaran pour aller sur l’un des atolls. Ils ont fait de la randonnée dans la forêt tropicale. Ils sont allés sur une plage isolée pour faire de la plongée. C’est comme s’ils avaient retrouvé leur jeunesse. Ils m’ont même appelé un jour pour me dire qu’ils étaient tombés sur deux personnes faisant l’amour sur la plage, littéralement. Ma mère gloussait comme une adolescente en me racontant l’histoire, un grand homme blond aux cheveux touffus et une petite femme noire, m’a-t-elle dit. Mais elle s’amusait bien. Elle a tout aimé de ce voyage.
Va droit au but, Katie. C’est drôle comme je pouvais être éloquente sur les problèmes des autres, mais si maladroite sur les miens. Je terminais le reste de mon histoire sans m’étaler sur des détails non pertinents.
Les yeux de Walker scrutaient mon visage pendant que je parlais. Une fois terminé, il resta silencieux, tapotant lentement son stylo contre ses lèvres.
- M. Walker ? Avez-vous des questions ? Demandais-je.
- Oh. Désolé. Vous me rappelez quelqu’un que j’ai connu, répondit-il. Son commentaire rampa sur ma peau comme un scorpion.
- Oui, juste quelques questions pour m’aider à démarrer. Avant la mort de vos parents, où sont-ils allés dîner ?
Je me souvenais de ça. Ils avaient adoré le restaurant et y sont retournés pour leur dernier dîner.
- Chez Fortuna’s. Vous connaissez ?
- Oui, c’est un endroit très populaire.
Mes yeux s’arrêtèrent sur le certificat encadré des dix ans de service de la police de New York, cloué sur le mur au-dessus de son épaule gauche. À côté, la photo de pêche obligatoire quand on vit sur une île : Walker, un homme noir de la même taille et un homme blond encore plus grand, debout sur le pont arrière d’un bateau nommé Big Kahuna, tous les trois soutenant un énorme marlin.
Ava pris la parole pour la première fois depuis que nous avions échangé nos salutations au début de l’entretien.
- Baptiste’s Bluff pas exactement sur le chemin du restaurant à l’hôtel.
Walker l’ignora et s’adressa à moi.
- A votre connaissance, sont-ils allés ailleurs cette nuit-là ?
- Pas que je sache.
- Le casino ? Une promenade au clair de lune sur la plage, peut-être ?
- Je suis désolée, je ne sais pas. J’ai le rapport d’accident de la police, cependant. Et ils ont dit que le médecin légiste pourrait également avoir un rapport. Je lui tendis le dossier de police, il le saisit, l’ouvrit et le posa devant lui.
- Okay, je vais demander ça au médecin légiste.
- Aussi... J’hésitais, regardais Ava, puis continuais.
- L’officier qui a enquêté sur leur mort est décédé peu de temps après eux. Vous pouvez voir sur le rapport qu’il a été signé par un autre officier que celui qui a enquêté. Je ne sais pas si ça veut dire quelque chose, mais...
Walker me coupa la parole.
- Je vais voir ça. D’accord.
Il jeta un coup d’œil au dossier ouvert et au rapport de police sur son bureau.
- Je pense que j’ai tout ce dont j’ai besoin de votre part. Il y a un acompte de cinq cents dollars, pour commencer.
Il fallait que je fasse quelque chose, mais est-ce que je faisais assez confiance à cet homme pour lui faire un chèque et le laisser s’occuper de l’enquête pour moi ? Dépenser l’argent de l’assurance dont je n’avais pas besoin me ferait-il me sentir moins coupable ? Je voulais appeler Nick et lui demander conseil. Je voulais sortir d’ici à toute allure. Je voulais un punch au rhum. Je voulais que maman et papa reviennent. J’avalai difficilement ma salive et sortis mon chéquier.
Pendant que je remplissais le chèque, il continua.
- J’ai pas mal de boulot en ce moment. Je sais que je ne pourrai pas commencer avant plusieurs semaines. Ce n’est pas une urgence, après tout, puisque vos parents sont déjà morts.
Une autre vague de chair de poule. Il avait raison, cependant. Grossier, mais exact. Je posais le chèque sur le bureau avec ma carte de visite par-dessus et le poussais vers lui du bout des doigts. Il laissa une traînée propre dans la poussière de son bureau.
- Eh bien, merci, Mlle Connell. Je vous contacterai, dit-il en saisissant le chèque avant que j’aie le temps de retirer mes doigts.
Alors qu’Ava et moi nous nous levâmes pour partir, il nous arrêta.
- Oh, une dernière chose. C’est mieux pour moi si je contacte directement les témoins potentiels. Cela interfère avec mon enquête quand mon client essaie de le faire lui-même. Donc, si vous le voulez bien, laissez-moi faire mon boulot, et profitez du reste de votre séjour sur notre belle île.
- Très bien, dis-je.
Et nous nous élançâmes vers la sortie, aussi vite que la politesse nous le permettait.
Chapitre 10
Taino, St Marcos, USVI
Le 18 mars 2012
Ava et moi marchions silencieusement sur le trottoir, comme un vieux couple marié plutôt que comme deux femmes qui s’étaient rencontrées quinze heures auparavant. Je marchais toujours devant elle, mais plus lentement. Physiquement, cependant, pas mentalement.
Lorsque nous arrivâmes à la voiture, Ava posa ses paumes à plat sur le toit.
- Dis-moi que tu as faim et que tu es prête pour un cocktail. Elle leva son avant-bras devant son visage comme pour consulter une montre imaginaire.
- Ouaip, c’est vraiment l’heure de l’appel de l’estomac.
- Je dois voir Baptiste’s Bluff, lui dis-je. J’ai juste besoin de voir l’endroit. Je ne pense pas que je puisse laisser ça à Walker et continuer à vivre sans me rendre compte par moi-même.
Ava pris une pose dramatique, les bras en l’air, les doigts pointant vers le ciel, et roula les épaules avec une emphase dramatique.
- Bien sûr, tu dois te rendre compte. Elle abandonna sa pose théâtrale et se pencha vers moi.
- Et je vais t’y conduire, mais tu auras un sandwich au poisson volant dans une main et une bière dans l’autre quand on y arrivera. Elle pointa vers une rue sur notre gauche.
- Tu conduis, et c’est