Absolution Providentielle. Pamela Fagan Hutchins
n’était pas insalubre selon les normes de Dennis la Menace, mais, d’après mon frère, c’était troublant. Mon pyjama était mon uniforme de travail de la veille, et les vêtements des jours précédents gisaient en tas à côté du canapé - canapé sur lequel la frange du coussin me narguait avec ses nœuds. La télévision diffusait « Runaway » de Bon Jovi sur une station de musique rock des années 80 de Direct TV. Un Bloody Mary presque vide me narguait depuis la table basse, où il trônait à côté de mon ordinateur portable Vaio rouge, d’une bouteille d’Excedrin et de mon iPhone.
Je m’assis d’une manière aussi digne que possible et je lissai mes vêtements.
- Pourquoi n’ai-je pas entendu l’alarme quand tu es entré ? Lui demandais-je.
Collin avait un jeu de clés de mon appartement, mais mon alarme aurait dû sonner à l’ouverture de la porte.
Sans ménagement, Collin répondit :
- Je suppose que tu étais trop bourrée pour te rappeler de l’activer. Ou peut-être que tu as eu un visiteur qui s’est esquivé au milieu de la nuit ?
Il cherchait un deuxième verre, mais j’avais bu en solitaire. Collin commença à organiser mon désordre.
- Collin, je vais faire ça, lui dis-je.
- Non. Va te rafraîchir, dit-il. Je t’invite au petit déjeuner. C’est un ordre.
Je le regardais tristement. Il portait son habituel jean 501 avec un t-shirt Hooters, et il son attitude criait « Je n’ai pas de problèmes ». Je ne voulais pas aller prendre le petit déjeuner avec lui. Je voulais me mettre en boule. Je voulais dormir et être seule. Je voulais rester là, sans bouger, comme si je n’existais pas.
Il me regarda, immobile sur le canapé, et quelque chose le poussa à poser la poubelle et à revenir vers moi. Prenant ma main, il me força à me lever. Il serra mon corps raide dans une étreinte d’ours, me berçant doucement pendant une bonne minute. Oh oh. Au début, j’essayai de me retenir, mais ensuite je m’écroulai et me mis à sangloter sur sa large épaule. Les sanglots se transformèrent en reniflements, puis en hoquets, puis en soupirs. Il fit basculer ma tête en arrière de son gros pouce sous mon menton et me regarda dans les yeux pour m’évaluer.
- Va prendre une douche chaude. On va aller manger dans un endroit décontracté, mais je pars, avec toi, dans la voiture dans vingt minutes. Il toucha l’os de mon menton avec les articulations de son poing fermé.
- Allez, allez. Tu sais que je vais te trainer s’il le faut. Ne m’oblige pas à le faire.
D’une légère poussée, il m’envoya dans le couloir vers ma salle de bain, puis je l’entendis reprendre le nettoyage. Des larmes coulaient sur mon nez et mes joues. Bon sang, j’allais devoir boire des litres d’eau au petit-déjeuner, parce qu’au rythme où je pleurais et avec la quantité de vodka que j’avais consommée la veille, j’étais au bord d’un gros mal de tête pour cause de déshydratation.
Quarante-cinq minutes plus tard, nous prenions place dans le IHOP de Mockingbird Lane. C’était l’un des endroits préférés de notre enfance, mais aujourd’hui, je remarquai que le décor était beaucoup moins orange criard qu’avant, et j’en étais un peu déçue. Collin me surpris en demandant une table pour trois, mais je n’avais pas assez d’énergie pour le questionner. Je compris lorsque je vis la chevelure d’Emily à l’entrée du restaurant. Elle s’avança vers nous dans un pantalon bleu marine plissé et une chemise jaune soyeuse serrée par une ceinture en cuir assortie à ses escarpins marron.
- Salut, Katie. Elle m’observa un moment, puis détourna les yeux.
Je levai une main molle pour la saluer. Super. Une autre personne à me voir dans cet état. J’avais évité de croiser mon image dans le miroir avant de quitter l’appartement, mais le bref coup d’œil que j’avais eu m’avait suffi. Une queue de cheval humide. Un vieux survêtement et un t-shirt. Les yeux bouffis et le teint pâle. Beurk.
Nous examinions nos menus en silence jusqu’à ce que la serveuse d’âge moyen, qui aurait vraiment dû porter un uniforme d’une taille plus large, vienne prendre notre commande. Les muscles de mon estomac se contractèrent en la regardant s’éloigner. Je pensais l’arrêter pour ajouter un jus d’orange dont je ne voulais pas à ma commande, mais je ne le fis pas. Il ne servait à rien de retarder l’inévitable. Collin nous avait réunis pour une raison, et quelque chose de désagréable allait se passer.
- Emily et moi avons discuté, et elle m’a dit ce qui se passait avec toi, commença Collin.
J’espérais qu’Emily en avait omis une partie, mais je ne pouvais pas lui reprocher de se soucier de moi. Ou de céder à Collin. C’était un flic, dans la belle tradition filiale, et il aimait à dire qu’il n’avait jamais rencontré un témoin qu’il ne pouvait pas faire flancher.
Collin continua.
- Nous sommes inquiets pour toi. Tu es dans un sale état. Tu te fais du mal.
Il lança un regard à Emily pour avoir son support et elle fixa la table en formica blanc. Tel que je connaissais Collin, il l’avait entraînée dans cette petite intervention, et tel que je connaissais Em, elle avait résisté. Emily était sûre d’elle, mais faire chavirer le bateau n’était pas son style.
Je n’avais pas la force de me battre avec Collin sur ce point, et je n’étais pas vraiment en désaccord avec lui. J’étais une épave en ce moment, c’est sûr. Il m’avait surprise à l’un de ces rares moments où la femme à la grande gueule n’était pas là pour défendre la petite fille fragile au fond de moi. Elle était probablement encore vautrée sur mon canapé à soigner sa gueule de bois.
- Tu as raison, ai-je avoué.
Les mots avaient un goût de poussière sur ma langue sèche.
- J’ai besoin de me ressaisir.
- Je pense que tu devrais suivre une cure de désintoxication. Les mots de Collin me semblaient acides, mais comment des mots comme « va en détox » pourraient sonner agréables et enjoués.
C’est donc ce qu’avait ressenti Amy Winehouse. Et elle était morte maintenant. Il fallait que j’y réfléchisse. Sauf que je n’étais pas Amy Winehouse.
- J’ai été dans le creux de la vague, oui, et j’ai bu un peu trop, mais seulement depuis quelques semaines. Je ne pense pas que ça justifie une cure de désintoxication.
L’idée de parler de mes problèmes avec tous ces alcooliques me rendait claustrophobe. Le système des Alcooliques Anonymes peut fonctionner pour certains, mais les activités de groupe en chantant et en se serrant les mains, c’est pas mon genre. De plus, je n’étais pas alcoolique.
- Ces trois dernières semaines ont été particulièrement mauvaises, mais tu es sur cette pente depuis bien plus longtemps que cela, déclara Collin. Comme du genre un an. Est-ce que tu peux réduire ou arrêter ? Je parie que tu as déjà essayé, n’est-ce pas ?
J’évitais son regard.
- Et je parie que ça n’a pas marché.
J’avais presque répondu « Non, connard, je n’ai pas essayé ». Presque. Au lieu de cela, je répondis :
- Je n’ai pas essayé. Je sais que je peux, quand je serais prête.
Mon omelette au fromage était arrivée, mais je n’avais pas faim. Aucun d’entre nous ne touchait à sa nourriture.
- J’admets que j’aurais du mal à m’arrêter ici à Dallas si j’essayais. Lorsque j’essaierai. Mais je sais que si je pouvais sortir de cet environnement pendant quelques semaines, je pourrai maîtriser la situation. Je suis prête à commencer par ça. La désintoxication n’est pas pour moi. Peut-être qu’un jour, si vous me ramassez dans le caniveau... mais pas maintenant.
- Très bien. Je te donne une chance, sœurette, alors saisis-la.