Charles Perrault. Riquet à la Houppe. Книга для чтения на французском языке. Светлана Владимировна Клесова
madame, qui vous afflige, je puis aisément mettre fin à votre douleur. – Et comment ferez-vous ? dit la princesse. – J’ai le pouvoir, madame, dit Riquet à la Houppe, de donner de l’esprit autant qu’on en saurait avoir, à la personne que je dois aimer le plus ; et comme vous êtes, madame, cette personne, il ne tiendra qu’à vous que vous ayez autant d’esprit qu’on peut en avoir, pourvu que vous vouliez bien m’épouser. »
4. Lisez le passage suivant et faites le devoir ! Donnez le titre à ce fragment !
La princesse demeura tout interdite, et ne répondit rien. « Je vois, reprit Riquet à la Houppe, que cette proposition vous fait de la peine, et je ne m’étonne pas, mais je vous donne un an tout entier pour vous y résoudre. » La princesse avait si peu d’esprit, et en même temps si grande envie d’en avoir, qu’elle s’imagina que la fin de cette année ne viendrait jamais ; de sorte qu’elle accepta la proposition qui lui était faite. Elle n’eut pas plutôt promis à Riquet à la Houppe qu’elle l’épouserait dans un an à pareil jour, qu’elle se sentit tout autre qu’elle n’était auparavant : elle se trouva une facilité incroyable à dire tout ce qui lui plaisait, et à le dire d’une manière fine, aisée et naturelle. Elle commença, dès ce moment, une conversation galante et soutenue avec Riquet à la Houppe, où elle babilla d’une telle force, que Riquet à la Houppe crut lui avoir donné plus d’esprit qu’il ne s’en était réservé pour lui-même.
Quand elle fut retournée au palais, toute la cour ne savait que penser d’un changement si subit et si extraordinaire : car, autant on lui avait ouï dire d’impertinences auparavant, autant lui entendait-on dire de choses bien sensées et infiniment spirituelles. Toute la cour en eut une joie qui ne se peut imaginer ; il n’y eut que sa cadette qui n’en fut pas bien aise, parce que, n’ayant plus sur son aînée l’avantage de l’esprit, elle ne paraissait plus auprès d’elle qu’une guenon fort désagréable.
Le roi se conduisait par ses avis ; il allait même quelquefois tenir conseil dans son appartement. Le bruit de ce changement s’étant répandu, tous les jeunes princes des royaumes voisins firent leurs efforts pour s’en faire aimer, et presque tous la demandèrent en mariage ; mais elle n’en trouvait point qui eût assez d’esprit ; et elle les écoutait tous, sans s’engager à pas un d’eux. Cependant il en vint un si puissant, si riche, si spirituel et si bien fait, qu’elle ne put s’empêcher d’avoir de la bonne volonté pour lui. Son père, s’en étant aperçu, lui dit qu’il la faisait maîtresse sur le choix d’un époux, et qu’elle n’avait qu’à se déclarer. Comme plus on a d’esprit et plus on a de peine à prendre une ferme résolution sur cette affaire, elle demanda, après avoir remercié son père, qu’il lui donnât du temps pour y penser.
5. Lisez le passage suivant et faites le devoir ! De quel spectacle s’agit-il dans ce fragment !
Elle alla par hasard se promener dans le même bois où elle avait trouvé Riquet à la Houppe, pour rêver plus commodément à ce qu’elle avait à faire. Dans le temps qu’elle se promenait, rêvant profondément, elle entendit un bruit sourd sous ses pieds, comme de plusieurs personnes qui vont et viennent et qui agissent. Ayant prêté l’oreille plus attentivement, elle ouït que l’un disait : « Apporte-moi cette marmite ; » l’autre : « Donne-moi cette chaudière ; » l’autre : « Mets du bois dans ce feu. » La terre s’ouvrit dans le même temps, et elle vit sous ses pieds comme une grande cuisine pleine de cuisiniers, de marmitons, et de toutes sortes d’officiers nécessaires pour faire un festin magnifique. Il en sortit une bande de vingt ou trente rôtisseurs, qui allèrent se camper dans une allée du bois, autour d’une table fort longue, et qui tous, la lardoire à la main et la queue de renard sur l’oreille, se mirent à travailler en cadence, au son d’une chanson harmonieuse.
La princesse, étonnée de ce spectacle, leur demanda pour qui ils travaillaient. « C’est, madame, lui répondit le plus apparent de la bande, pour le prince Riquet à la Houppe, dont les noces se feront demain. » La princesse, encore plus surprise qu’elle ne l’avait été, et se ressouvenant tout à coup qu’il y avait un an qu’à pareil jour elle avait promis d’épouser le prince Riquet à la Houppe, pensa tomber de son haut. Ce qui faisait qu’elle ne s’en souvenait pas, c’est que, quand elle fit cette promesse, elle était bête, et qu’en prenant le nouvel esprit que le prince lui avait donné elle avait oublié toutes ses sottises.
Elle n’eut pas fait trente pas en continuant sa promenade, que Riquet à la Houppe se présenta à elle, brave, magnifique, et comme un prince qui va se marier. « Vous me voyez, dit-il, madame, exact à tenir ma parole, et je ne doute point que vous ne veniez ici pour exécuter la vôtre. – Je vous avouerai franchement, répondit la princesse, que je n’ai pas encore pris ma résolution là-dessus, et que je ne crois pas pouvoir jamais la prendre telle que vous la souhaitez. – Vous m’étonnez, madame, lui dit Riquet à la Houppe. – Je le crois, dit la princesse, et assurément si j’avais affaire à un brutal, à un homme sans esprit, je me trouverais bien embarrassée. Une princesse n’a que sa parole, me dirait-il, et il faut que vous m’épousiez, puisque vous me l’avez promis ; mais comme celui à qui je parle est l’homme du monde qui a le plus d’esprit, je suis sûre qu’il entendra raison. Vous savez que, quand je n’étais qu’une bête, je ne pouvais néanmoins me résoudre à vous épouser ; comment voulez-vous qu’ayant l’esprit que vous m’avez donné, qui me rend encore plus difficile en gens que je n’étais, je prenne aujourd’hui une résolution que je n’ai pu prendre dans ce temps-là ? Si vous pensiez tout de bon à m’épouser, vous avez eu grand tort de m’ôter ma bêtise et de me faire voir plus clair que je ne voyais. – Si un homme sans esprit, répondit Riquet à la Houppe, serait bien reçu, comme vous venez de le dire, à vous reprocher votre manque de parole, pourquoi voulez-vous, madame, que je n’en use pas de même dans une chose où il y va de tout le bonheur de ma vie ? Est-il raisonnable que les personnes qui ont de l’esprit soient d’une pire condition que ceux qui n’en ont pas ? Le pouvez-vous prétendre, vous qui en avez tant, et qui avez tant souhaité d’en avoir ? Mais venons au fait, s’il vous plaît. À la réserve de ma laideur, y a-t-il quelque chose en moi qui vous déplaise ? Êtes-vous malcontente de ma naissance, de mon esprit, de mon humeur et de mes manières ? – Nullement, répondit la princesse ; j’aime en vous tout ce que vous venez de me dire. – Si cela est ainsi, reprit Riquet à la Houppe, je vais être heureux, puisque vous pouvez me rendre le plus aimable des hommes. – Comment cela se peut-il faire ? lui dit la princesse. – Cela se fera, répondit Riquet à la Houppe, si vous m’aimez assez pour souhaiter que cela soit ; et afin, madame, que vous n’en doutiez pas, sachez que la même fée qui, au jour de ma naissance, me fit le don de pouvoir rendre spirituelle la personne qui me plairait, vous a aussi fait le don de pouvoir rendre beau celui que vous aimerez, et à qui vous voudrez bien faire cette faveur. – Si la chose est ainsi, dit la princesse, je souhaite de tout mon cœur que vous deveniez le prince du monde le plus aimable, et je vous en fais le don autant qu’il est en moi. »
6. Lisez le passage suivant et faites le devoir ! Croyez-vous en transformation de Riquet à la Houppe par les charmes de la fée ou c’est l’amour seul de la princesse a produit une telle métamorphose ?
La princesse n’eut pas plutôt prononcé ces paroles, que Riquet à la Houppe parut à ses yeux l’homme du monde le plus beau, le mieux fait et le plus aimable qu’elle eût jamais vu. Quelques-uns assurent que ce ne furent point les charmes de la fée qui opérèrent, mais que l’amour seul fit cette métamorphose. Ils disent que la princesse, ayant fait réflexion sur la persévérance de son amant, sur sa discrétion et sur toutes les bonnes qualités de son âme et de son esprit, ne vit plus la difformité de son corps ni la laideur de son visage ; que sa bosse ne lui sembla plus que le bon air d’un homme qui fait le gros dos, et qu’au lieu que jusqu’alors elle l’avait vu boiter effroyablement, elle ne lui trouva plus qu’un certain air penché qui la charmait. Ils disent encore que ses yeux, qui étaient louches,