Cyrano de Bergerac. Edmond Rostand

Cyrano de Bergerac - Edmond  Rostand


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gracieux, toujours assis.

      Jeune oison,

      J’ai deux raisons, dont chaque est suffisante seule.

      Primo : c’est un acteur déplorable, qui gueule,

      Et qui soulève avec des han ! de porteur d’eau,

      Le vers qu’il faut laisser s’envoler ! – Secundo :

      Est mon secret…

      LE VIEUX BOURGEOIS, derrière lui.

      Mais vous nous privez sans scrupule

      De la Clorise ! Je m’entête…

      CYRANO, tournant sa chaise vers le bourgeois, respectueusement.

      Vieille mule,

      Les vers du vieux Baro valant moins que zéro,

      J’interromps sans remords !

      LES PRÉCIEUSES, dans les loges.

      Ha ! – Ho ! – Notre Baro !

      Ma chère ! – Peut-on dire ?… Ah ! Dieu !…

      CYRANO, tournant sa chaise vers les loges, galant.

      Belles personnes,

      Rayonnez, fleurissez, soyez des échansonnes

      De rêve, d’un sourire enchantez un trépas,

      Inspirez-nous des vers… mais ne les jugez pas !

      BELLEROSE.

      Et l’argent qu’il va falloir rendre !

      CYRANO, tournant sa chaise vers la scène.

      Bellerose,

      Vous avez dit la seule intelligente chose !

      Au manteau de Thespis je ne fais pas de trous.

      (Il se lève, et lançant un sac sur la scène.)

      Attrapez cette bourse au vol, et taisez-vous !

      LA SALLE, éblouie.

      Ah !… Oh !…

      JODELET, ramassant prestement la bourse et la soupesant.

      À ce prix-là, monsieur, je t’autorise

      À venir chaque jour empêcher la Clorise !…

      LA SALLE

      Hu !… Hu !…

      JODELET.

      Dussions-nous même ensemble être hués !…

      BELLEROSE.

      Il faut évacuer la salle !…

      JODELET.

      Évacuez !…

      (On commence à sortir, pendant que Cyrano regarde d’un air satisfait. Mais la foule s’arrête bientôt en entendant la scène suivante, et la sortie cesse. Les femmes qui, dans les loges, étaient déjà debout, leur manteau remis, s’arrêtent pour écouter, et finissent par se rasseoir.)

      LE BRET, à Cyrano.

      C’est fou !…

      UN FÂCHEUX, qui s’est approché de Cyrano.

      Le comédien Montfleury ! quel scandale !

      Mais il est protégé par le duc de Candale !

      Avez-vous un patron ?

      CYRANO.

      Non !

      LE FÂCHEUX.

      Vous n’avez pas ?…

      CYRANO.

      Non !

      LE FÂCHEUX.

      Quoi, pas un grand seigneur pour couvrir de son nom ?…

      CYRANO, agacé.

      Non, ai-je dit deux fois. Faut-il donc que je trisse ?

      Non, pas de protecteur…

      (La main à son épée.)

      Mais une protectrice !

      LE FÂCHEUX.

      Mais vous allez quitter la ville ?

      CYRANO.

      C’est selon.

      LE FÂCHEUX.

      Mais le duc de Candale a le bras long !

      CYRANO.

      Moins long

      Que n’est le mien…

      (Montrant son épée.)

      quand je lui mets cette rallonge !

      LE FÂCHEUX.

      Mais vous ne songez pas à prétendre…

      CYRANO.

      J’y songe.

      LE FÂCHEUX.

      Mais…

      CYRANO.

      Tournez les talons, maintenant.

      LE FÂCHEUX.

      Mais…

      CYRANO.

      Tournez !

      – Ou dites-moi pourquoi vous regardez mon nez.

      LE FÂCHEUX, ahuri.

      Je…

      CYRANO, marchant sur lui.

      Qu’a-t-il d’étonnant ?

      LE FÂCHEUX, reculant.

      Votre Grâce se trompe…

      CYRANO.

      Est-il mol et ballant, monsieur, comme une trompe ?…

      LE FÂCHEUX, même jeu.

      Je n’ai pas…

      CYRANO.

      Ou crochu comme un bec de hibou ?

      LE FÂCHEUX.

      Je…

      CYRANO.

      Y distingue-t-on une verrue au bout ?

      LE FÂCHEUX.

      Mais…

      CYRANO.

      Ou si quelque mouche, à pas lents, s’y


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