Michel Strogoff. Jules Verne

Michel Strogoff - Jules  Verne


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Saint-André, surmonté d’une couronne royale !

      Quant à Michel Strogoff, il était en règle, et, par conséquent, à l’abri de toute mesure de police.

      À la station de Wladimir, le train s’arrêta pendant quelques minutes, – ce qui parut suffire au correspondant du Daily Telegraph pour prendre, au double point de vue physique et moral, un aperçu extrêmement complet de cette ancienne capitale de la Russie.

      À la gare de Wladimir, de nouveaux voyageurs montèrent dans le train. Entre autres, une jeune fille se présenta à la portière du compartiment occupé par Michel Strogoff.

      Une place vide se trouvait devant le courrier du czar. La jeune fille s’y plaça, après avoir déposé près d’elle un modeste sac de voyage en cuir rouge qui semblait former tout son bagage. Puis, les yeux baissés, sans même avoir regardé les compagnons de route que le hasard lui donnait, elle se disposa pour un trajet qui devait durer encore quelques heures.

      Michel Strogoff ne put s’empêcher de considérer attentivement sa nouvelle voisine. Comme elle se trouvait placée de manière à aller en arrière, il lui offrit même sa place, qu’elle pouvait préférer, mais elle le remercia en s’inclinant légèrement.

      Cette jeune fille devait avoir de seize à dix-sept ans. Sa tête, véritablement charmante, présentait le type slave dans toute sa pureté, – type un peu sévère, qui la destinait à devenir plutôt belle que jolie, lorsque quelques années de plus auraient fixé définitivement ses traits. D’une sorte de fanchon qui la coiffait s’échappaient à profusion des cheveux d’un blond doré. Ses yeux étaient bruns avec un regard velouté d’une douceur infinie. Son nez droit se rattachait à ses joues, un peu maigres et pâles, par des ailes légèrement mobiles. Sa bouche était finement dessinée, mais il semblait qu’elle eût, depuis longtemps, désappris de sourire.

      La jeune voyageuse était grande, élancée, autant qu’on pouvait juger de sa taille sous l’ample pelisse très simple qui la recouvrait. Bien que ce fût encore une « très jeune fille », dans toute la pureté de l’expression, le développement de son front élevé, la forme nette de la partie inférieure de sa figure, donnait l’idée d’une grande énergie morale, – détail qui n’échappa point à Michel Strogoff. Évidemment, cette jeune fille avait déjà souffert dans le passé, et l’avenir, sans doute, ne s’offrait pas à elle sous des couleurs riantes, mais il était non moins certain qu’elle avait su lutter et qu’elle était résolue à lutter encore contre les difficultés de la vie. Sa volonté devait être vivace, persistante, et son calme inaltérable, même dans des circonstances où un homme serait exposé à fléchir ou à s’irriter.

      Telle était l’impression que faisait naître cette jeune fille, à première vue. Michel Strogoff, étant lui-même d’une nature énergique, devait être frappé du caractère de cette physionomie, et, tout en prenant garde de ne point l’importuner par l’insistance de son regard, il observa sa voisine avec une certaine attention.

      Le costume de la jeune voyageuse était à la fois d’une simplicité et d’une propreté extrêmes. Elle n’était pas riche, cela se devinait aisément, mais on eût vainement cherché sur ses vêtements quelque marque de négligence. Tout son bagage tenait dans un sac de cuir, fermé à clef, et que, faute de place, elle tenait sur ses genoux.

      Elle portait une longue pelisse de couleur sombre, sans manches, qui se rajustait gracieusement à son cou par un liséré bleu. Sous cette pelisse, une demi-jupe, sombre aussi, recouvrait une robe qui lui tombait aux chevilles, et dont le pli inférieur était orné de quelques broderies peu voyantes. Des demi-bottes en cuir ouvragé, et assez fortes de semelles, comme si elles eussent été choisies en prévision d’un long voyage, chaussaient ses pieds, qui étaient petits.

      Michel Strogoff, à certains détails, crut reconnaître dans ces habits la coupe des costumes livoniens, et il pensa que sa voisine devait être originaire des provinces baltiques.

      Mais où allait cette jeune fille, seule, à cet âge où l’appui d’un père ou d’une mère, la protection d’un frère, sont pour ainsi dire obligés ? Venait-elle donc, après un trajet déjà long, des provinces de la Russie occidentale ? Se rendait-elle seulement à Nijni-Novgorod, ou bien le but de son voyage était-il au-delà des frontières orientales de l’empire ? Quelque parent, quelque ami l’attendait-il à l’arrivée du train ? N’était-il pas plus probable, au contraire, qu’à sa descente du wagon, elle se trouverait aussi isolée dans la ville que dans ce compartiment, où personne – elle devait le croire – ne semblait se soucier d’elle ? Cela était probable.

      En effet, les habitudes que l’on contracte dans l’isolement se montraient d’une façon très visible dans la manière d’être de la jeune voyageuse. La façon dont elle entra dans le wagon et dont elle se disposa pour la route, le peu d’agitation qu’elle produisit autour d’elle, le soin qu’elle prit de ne déranger et de ne gêner personne, tout indiquait l’habitude qu’elle avait d’être seule et de ne compter que sur elle-même.

      Michel Strogoff l’observait avec intérêt, mais, réservé lui-même, il ne chercha pas à faire naître une occasion de lui parler, bien que plusieurs heures dussent s’écouler avant l’arrivée du train à Nijni-Novgorod.

      Une fois seulement, le voisin de cette jeune fille – ce marchand qui mélangeait si imprudemment les suifs et les châles – s’étant endormi et menaçant sa voisine de sa grosse tête qui vacillait d’une épaule à l’autre, Michel Strogoff le réveilla assez brusquement et lui fit comprendre qu’il eût à se tenir droit et d’une façon plus convenable.

      Le marchand, assez grossier de sa nature, grommela quelques paroles contre « les gens qui se mêlent de ce qui ne les regarde pas » ; mais Michel Strogoff le regarda d’un air si peu accommodant, que le dormeur s’appuya du côté opposé et délivra la jeune voyageuse de son incommode voisinage.

      Celle-ci regarda un instant le jeune homme, et il y eut un remerciement muet et modeste dans son regard.

      Mais une circonstance se présenta, qui donna à Michel Strogoff une idée juste du caractère de cette jeune fille.

      Douze verstes avant d’arriver à la gare de Nijni-Novgorod, à une brusque courbe de la voie ferrée, le train éprouva un choc très violent. Puis, pendant une minute, il courut sur la pente d’un remblai.

      Voyageurs plus ou moins culbutés, cris, confusion, désordre général dans les wagons, tel fut l’effet produit tout d’abord. On pouvait craindre que quelque accident grave ne se produisît. Aussi, avant même que le train fût arrêté, les portières s’ouvrirent-elles, et les voyageurs, effarés, n’eurent-ils qu’une pensée : quitter les voitures et chercher refuge sur la voie.

      Michel Strogoff songea tout d’abord à sa voisine ; mais, tandis que les voyageurs de son compartiment se précipitaient au-dehors, criant et se bousculant, la jeune fille était restée tranquillement à sa place, le visage à peine altéré par une légère pâleur.

      Elle attendait. Michel Strogoff attendit aussi.

      Elle n’avait pas fait un mouvement pour descendre du wagon. Il ne bougea pas non plus.

      Tous deux demeurèrent impassibles.

      « Une énergique nature ! » pensa Michel Strogoff.

      Cependant, tout danger avait promptement disparu. Une rupture du bandage du wagon de bagages avait provoqué d’abord le choc, puis l’arrêt du train, mais peu s’en était fallu que, rejeté hors des rails, il n’eût été précipité du haut du remblai dans une fondrière. Il y eut là une heure de retard. Enfin, la voie dégagée, le train reprit sa marche, et, à huit heures et demie du soir, il arrivait en gare à Nijni-Novgorod.

      Avant que personne eût pu descendre des wagons, les inspecteurs de police se présentèrent aux portières et examinèrent les voyageurs.

      Michel Strogoff montra son podaroshna, libellé au nom de Nicolas Korpanoff. Donc, nulle difficulté.

      Quant aux autres voyageurs du compartiment,


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