A se tordre. Alphonse Allais
que j’ai passé ma thèse… Je t’expliquerai ça, mais voyons d’abord ton pied.
Boisflambard médecin ! Je n’en revenais pas, et même – l’avouerai-je ? – j’éprouvais une certaine méfiance à lui confier le soin d’un de mes membres, même inférieur.
– M’expliqueras-tu enfin ? lui demandai-je, quand nous fûmes seuls.
– Mon Dieu, c’est bien simple : quand tu m’as connu au Quartier, j’étais étudiant en médecine…
– Tu ne nous l’as jamais dit.
– Vous ne me l’avez jamais demandé… Alors j’ai passé mes examens, ma thèse, et je suis venu m’installer ici, où j’ai fait un joli mariage.
– Mais, malheureux ! à quel moment de la journée étudiais-tu l’art de guérir tes semblables ?
– Quelques jours avant mon examen, je piochais ferme avec un vieux docteur dont c’est la spécialité, et puis… et puis… j’avais découvert un truc pour être reçu.
– Un truc ?
– Un truc épatant, mon cher, simple et bien humain. Écoute plutôt…
– Lors du premier examen que je passai à l’École de médecine, j’arrivai bien vêtu, tiré à quatre épingles, reluisant ! Inutile de te prévenir que j’ignorais les premiers mots du programme. Le premier bonhomme qui m’interrogea était un professeur d’histoire naturelle. Il me pria de m’expliquer sur… et il prononça un mot qui n’avait jamais résonné dans mes oreilles. Je lui fis répéter son diable de mot, sans plus de succès pour mes souvenirs. Était-ce un animal, un végétal ou un minéral ? Ma foi, je pris une moyenne et répondis :
“C’est une plante…
– Vous m’avez mal entendu, mon ami, reprit doucement le professeur, je vous demande de parler de…”
« Et toujours ce diable de mot. Alors j’optai pour un animal, et, sur un signe d’impatience de l’interrogateur, je déclarai vivement que c’était un caillou. Pas de veine, en vérité : le professeur d’histoire naturelle interrogeait également sur la physique, et ce mot terrible que je ne connais pas, c’était les lois d’Ohm. Dois-je ajouter que je fus impitoyablement recalé ?…
« En même temps que moi se présentait un pauvre diable aussi piteusement accoutré que j’étais bien vêtu. Au point de vue scientifique, il était à peu près de ma force. Eh bien ! lui, il fut reçu ! J’attribuai mon échec et son succès à nos tenues différentes. Les examinateurs avaient eu pitié du pauvre jeune homme. Ils avaient pensé, peut-être, aux parents de province, besogneux, se saignant aux quatre veines pour payer les études du garçon à Paris. Un échec, c’est du temps perdu, de gros frais qui se prolongent, de plus en plus coûteux. Évidemment, de bonnes idées pitoyables leur étaient venues, à ces examinateurs, qui sont des hommes, après tout, et voilà pourquoi le pauvre bougre était reçu, tandis que moi, le fils de famille, j’étais invité à me représenter à la prochaine session.
« Cette leçon, comme tu penses bien, ne fut pas perdue. Je me composai, avec un soin, un tact, une habileté dont tu n’as pas idée, une garde-robe plus que modeste que je ne revêtais qu’aux jours d’examen : ce costume, tu l’as vu précisément le dernier jour où je l’ai porté, le jour de ma thèse. Tu me croiras si tu veux, j’ai vu un vieux dur à cuire de professeur essuyer une larme à la vue de mon minable complet. Il m’aurait fait blanchir une boule à son compte, plutôt que de me refuser, cet excellent homme.
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