La Pensée de l'Humanité. Tolstoy Leo
les hommes; c'est, la foi en l'humanité, et on en compte un grand nombre. L'autre croyance reconnaît la dépendance dans laquelle on se trouve envers Celui qui nous a envoyés dans ce monde. C'est la foi en Dieu, et il n'en existe qu'une pour tous.
Croire – signifie avoir confiance en ce qui nous est révélé, sans nous demander pourquoi il en est ainsi et ce qu'il en résultera. C'est en cela que réside la vraie foi. Elle nous apprend qui nous sommes et quels devoirs suscite en nous cette connaissance; mais elle reste muette sur les conséquences et les résultats des actes ordonnés par elle.
Si je crois en Dieu, point n'est besoin de connaître le but de mon obéissance à la volonté divine, car je sais que Dieu est amour et que l'amour n'a qu'un but: le Bien.
La véritable loi de la vie est si simple, si claire et si compréhensible que les hommes n'ont pas d'excuse à leur mauvaise vie sous prétexte d'ignorer cette loi. Si les hommes vivent contrairement à la loi de la vraie vie ils répudient la raison. Et c'est ce qu'ils font.
On dit que l'accomplissement de la volonté divine est ardue. C'est faux. La loi de vie ne nous demande qu'amour envers notre prochain. Et l'amour n'est pas pénible, mais joyeux.
Le sentiment qu'éprouve l'homme lorsqu'il découvre la vraie foi est semblable à celui d'une personne faisant jaillir la lumière dans une chambre obscure. Tout s'éclaire et le bonheur remplit l'âme.
«Aimez-vous les uns les autres comme je vous aime; tous vous reconnaîtront pour mes disciples, si vous vous aimez les uns les autres», – a dit le Christ. Il ne dit pas: si vous croyez en ceci ou en cela, mais si vous aimez. – La foi chez différents hommes, à diverses époques, peut varier, mais l'amour est invariable chez tous.
La vraie foi est unique – c'est l'amour pour tout ce qui vit.
L'amour rend les hommes heureux, parce qu'il unit l'homme à Dieu.
Le Christ a révélé aux hommes que l'éternel n'était pas la même chose que le futur, mais que l'éternel, l'invisible, est en nous, dans cette vie même, que nous devenons éternels lorsque nous sommes en communion avec le Dieu-Esprit en lequel tout vit et se meut.
Nous parvenons à cette éternité uniquement par l'amour.
Seul, celui qui agit selon ce qu'il considère comme loi de la vie, connaît la loi de la vie.
Toute foi n'est qu'une réponse à ceci: comment dois-je vivre dans le monde, non pas aux yeux des hommes, mais aux yeux de Celui qui m'a envoyé sur la terre?
La vraie foi n'est pas de savoir bien parler de Dieu, de l'âme, de ce qui a été et de ce qui sera, mais uniquement de bien savoir ce qu'il faut faire et ne pas faire dans cette vie.
Si un homme éprouve des malheurs dans la vie, c'est uniquement parce que cet homme n'a pas de foi. Il en est de même pour tout un peuple. Si un peuple est malheureux, c'est parce qu'il a perdu la foi.
La vie des hommes est heureuse ou malheureuse, suivant leur conception de la vraie loi de la vie. Plus ils comprennent clairement cette loi, plus leur vie est heureuse; plus ils la comprennent faussement, plus leur vie est malheureuse.
Pour sortir des souillures du péché, de la dépravation et de la vie malheureuse,'il ne faut aux hommes qu'une chose, une religion dans laquelle ils ne vivraient pas, chacun pour soi, comme ils le font à présent, mais d'une vie commune, en reconnaissant tous la même loi et le même but. Alors seulement les hommes, en répétant les paroles de la prière du Seigneur: «Que ton règne arrive sur la terre comme au ciel» pourraient espérer que le règne de Dieu viendrait réellement sur la terre.
Si une religion nous apprend qu'il faut renoncer à cette vie pour la vie éternelle, c'est une religion mensongère. On ne peut pas renoncer, à cette vie pour la vie éternelle, pour cette raison que la vie éternelle existe déjà dans cette vie.
Plus la foi de l'homme est solide, plus sa vie est ferme. La vie d'un homme sans religion est celle d'une bête.
La loi de la vie commandant d'aimer Dieu et son prochain est simple et claire: tout homme, ayant atteint l'âge de raison la conçoit par son cœur. Par conséquent, s'il n'y avait, pas de doctrines erronées, tous les hommes reconnaîtraient cette loi, et le royaume des cieux serait sur la terre.
Mais, partout et toujours, des faux docteurs ont appris aux hommes à reconnaître comme loi de Dieu, ce qui n'est pas sa loi. Les multitudes ont accepté ces fausses doctrines et se sont éloignées de la vraie loi de la vie et de l'accomplissement de la véritable loi. Aussi, leur vie n'en est devenue que plus pénible et plus malheureuse.
Il ne faut donc croire à aucune doctrine, si elle n'est pas d'accord avec l'amour de Dieu et de son prochain.
Il ne faut pas croire que la religion est vraie parce qu'elle est vieille. Au contraire, plus les hommes vivent, plus la vraie loi de la vie leur devient claire. Supposer qu'à notre époque, il faut continuer à croire à ce que croyaient nos grands-pères et aïeux, c'est croire qu'un adulte peut continuer à porter les vêtements d'enfant.
Nous nous lamentons de ce que nous ne croyons plus en ce que croyaient nos pères. Il ne faut pas s'en désoler, mais s'efforcer de créer une religion à laquelle nous puissions croire aussi fermement que nos pères croyaient à la leur.
La vraie foi est dans la croyance en une seule loi qui convient à tous les hommes de l'univers.
La vraie religion enseigne de vivre dans le bien, en accord avec tous et d'agir envers son prochain comme on voudrait qu'on agisse envers nous.
Cette vraie religion a été enseignée par tous les sages, par tous les saints de tous les peuples.
Quiconque, pratique une religion seulement en vue des récompenses qu'elle peut lui assurer pour ses bonnes œuvres, ne fait pas preuve de foi mais de calcul, calcul toujours faux. Il est faux, parce que la vraie foi assure le bonheur dans le présent uniquement, qu'elle ne donne et ne peut donner aucun bonheur dans l'avenir.
Un ouvrier cherchait à s'embaucher. Il rencontra deux embaucheurs, qui, chacun de son côté, se mirent à lui vanter leurs patrons. L'un lui dit que la place était excellente. «Il est vrai, que si tu ne contentes pas le patron, il te frappera, t'emprisonnera; mais si tu réussis à le satisfaire, tu ne pourras pas avoir de vie plus agréable. Quand tu auras fini ton temps de travail, tu auras ta retraite, tu vivras sans rien faire; des fêtes, du vin, des friandises et promenades chaque jour. Plais-lui seulement; la vie sera telle que tu n'en peux imaginer de meilleure.»
L'autre embaucheur invita, à son tour, l'ouvrier à aller chez son patron, mais ne dit pas comment il serait récompensé; il ne pouvait même pas dire où et comment vivaient les ouvriers et si le travail était facile ou pénible; il affirma seulement que le maître était bon, qu'il ne punissait personne et qu'il vivait lui-même au milieu de ses employés.
L'ouvrier réfléchit: «Le premier patron promet trop. Si tout était vrai, il n'aurait pas besoin de tant promettre. En me laissant tenter par une vie grasse, je pourrai bien mal tomber. Le maître doit être méchant, parce qu'il