Histoire des salons de Paris. Tome 1. Abrantès Laure Junot duchesse d'

Histoire des salons de Paris. Tome 1 - Abrantès Laure Junot duchesse d'


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chez elle avec des gardes; elle s'échappa et sortit de Paris… Elle erra plusieurs mois dans la campagne… Enfin, sa malheureuse destinée lui inspira la volonté de rentrer dans Paris… Elle fut arrêtée de nouveau, et cette fois condamnée à mort!.. La malheureuse jeune femme écrivit à ce monstre à face humaine, à Fouquier-Tinville, en lui disant qu'elle était enceinte, espérant par cet innocent mensonge sauver sa vie… Le tigre ordonna le supplice… La veille de sa mort… la princesse de Monaco voulant laisser à ses deux filles un souvenir parlant de cette heure cruelle, coupa ses magnifiques cheveux blonds et les leur envoya. Comme on lui refusait des ciseaux, et qu'elle n'avait aucun instrument tranchant, elle cassa un carreau de vitre dont elle se servit!.. Au moment d'aller à l'échafaud, elle craignit de paraître pâle et demanda du rouge.

– Si j'ai peur, dit-elle avec ce doux sourire d'ange qui était un des charmes puissants de son visage, que ces misérables n'en voient rien… Elle périt la veille de la mort de Robespierre, le 8 thermidor!..

Les deux filles qu'a laissées madame la princesse de Monaco sont madame la marquise de Louvois et madame la comtesse de La Tour-du-Pin.

Le fait de l'éloge de madame de Lauzun, lu par madame de Monaco, est exact; il se passa, comme je le rapporte, chez madame Necker.

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M. de Buffon, né le 7 septembre 1707, avait alors quatre-vingts ans; il mourut à Paris l'année suivante 1788, le 16 avril.

C'est encore une réputation trop exhaussée; quand on voit sur le piédestal de sa statue que son génie égale la majesté de la nature, on se demande quelle louange ou donnera au vrai naturaliste qui soulèvera le voile de la nature et nous révèlera ses secrets. M. de Buffon a révélé seulement le secret d'écrire en prose avec tout le charme et la pompe de la poésie; mais pour être un brillant écrivain, on n'est pas un illustre savant, un homme nécessaire à la science spéciale de l'histoire naturelle. Je dirai plus, on peut lui faire à cet égard même de très-grands reproches. Ses tableaux sont ravissants, mais souvent hypothétiques. C'est une faute, une grande faute; Voltaire l'a bien senti, Condorcet également; Linnée, son contemporain, Linnée, qui fut maltraité par M. de Buffon, Linnée aura peut-être une place dans la postérité que le temps ne lui ravira jamais. Il a attaché son nom à des classifications jusque-là incertaines, et le beau système de M. de Jussieu a même respecté Linnée dans beaucoup de parties. Quant à M. de Buffon, il faut, en faisant son éloge, parler en même temps de Guéneau de Montbeillard, élégant écrivain, et de l'abbé Bexon, pour l'histoire des oiseaux; de M. Daubenton pour la partie anatomique des quadrupèdes, ainsi que de Mertrud; et enfin, pour l'histoire des serpents et des poissons, de M. de Lacépède, dont le talent ressemble tant à celui de M. de Buffon, en ce qu'il montre plus de brillant et de coloris que de profondeur.

Aristote avait posé les premiers fondements de la zoologie; Pline mêla le vrai et le faux, le ridicule et le sublime, accueillant toutes les versions, mais racontant admirablement ce que lui-même voyait; puis vinrent ensuite Gessner (Conrad), Aldrovande, et plus tard Césalpin, Agricola, Jean Rai. Tous ces esprits, cherchant la lumière, avaient préparé les voies, et lorsque M. de Buffon fut transporté au Jardin du Roi, au milieu de ces trésors dont la profusion étonnait même la science, il n'y vint pas seul, et n'y travailla jamais sans aide172.

M. de Buffon est de Montbard; les détails de sa vie habituelle me sont aussi familiers que ceux d'un de mes parents les plus proches. Je sais donc de lui des traits qui repoussent le génie. Cette manie de n'écrire qu'habillé ou tout au moins poudré, et en jabot de dentelle… c'est pitoyable, et cela révèle un talent lorsqu'on y ajoute ce mot:

Le génie, c'est l'aptitude à la patience.

Avec ce système, le génie devrait être bien plus fréquent, tandis qu'il est bien rare!.. Je crois au contraire que le génie, c'est la conception instantanée et surtout rapide de ce qui s'offre à nous. Cette pensée est viable ou elle ne l'est pas. Le moule dans lequel elle fut jetée ne vous la rendra pas. Voilà du moins comment je comprends le génie. Il fut créateur, mais créateur comme la Divinité. Dieu n'a ni repentir ni calcul; ce qu'il produit est parfait. Le génie!.. oh! quel abus on a fait de ce grand nom! Le génie!.. ce mot a été souillé… et maintenant il faudrait un autre mot pour désigner cette émanation de Dieu, cette parcelle du feu qui brûle devant son trône!.. Quel abus nous avons fait et nous faisons encore des mots!!!

M. de Buffon n'aimait pas Linnée: cela devait être; mais pourquoi le laisser voir?.. Linnée reçut longtemps les attaques peu courtoises de M. de Buffon sans lui répondre; cependant le savant de la Suède pensa que le silence était une approbation tacite, et il répondit; mais savez-vous comment? Le fait est assez peu connu.

Un jour, en parcourant les bruyères, les vallées et les lacs de sa province glacée, il trouva dans ses courses une plante fort ordinaire, laide et désagréable à voir, et même à étudier. Elle est de la famille des cariophyllées173; elle ne croît que dans des terrains arides et incultes. Les magiciennes de la Thessalie l'employaient dans leurs enchantements, et dans presque toutes ses touffes on est sûr de trouver un crapaud, parce qu'ils aiment cette plante; lorsque Linnée la trouva, elle était inconnue comme classification; il la plaça avec celles de sa parenté, et la baptisa du nom de BUFFONIA. Ce fut la seule vengeance qu'il tira de M. de Buffon, qui avait été fort mal pour lui.

Cette nature morale et cette nature physique s'alliant ensemble pour une passion humaine des plus basses, la vengeance, m'a toujours paru un texte bien remarquable à commenter!..

M. de Buffon était parfaitement aimable lorsqu'il était avec des personnes auxquelles il voulait plaire. Ses manières et son ton, tout en lui formait ce qu'on appelait alors un homme parfaitement aimable comme un homme du monde… Il avait ces formes non-seulement polies, mais complètement inconnues maintenant, et qui paraîtraient une sorte de caricature des manières d'aujourd'hui… M. de Buffon avait une belle tête de vieillard, et sa tournure avait de la distinction. Son père était conseiller au parlement de Dijon (Benjamin Leclerc).

Un fait que je tiens de mon oncle l'évêque de Metz, c'est que J. – J. Rousseau, passant par Montbard, voulut voir M. de Buffon; il était absent. Jean-Jacques se fit conduire chez lui, et là ayant demandé à être introduit dans le cabinet où travaillait M. de Buffon, Jean-Jacques se prosterna et baisa le seuil de la porte. Mon oncle a été témoin du fait.

M. de Buffon mourut, à Paris, le 16 avril 1788; son fils périt sur l'échafaud, sans que son nom, dont la France devait être trop fière pour le souiller de sang, pût le préserver de la proscription des cannibales qui nous décimaient.

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M. de Voltaire était mort depuis neuf ans (1778).

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On sait qu'ils se détestaient; mais il y avait un raccommodage reblanchi, comme l'écrivait Voltaire au cardinal de Bernis.

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C'est le mot de Lavater.

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On appelle ainsi un rayon de petites rides qui se placent au coin de l'œil, entre l'œil et la tempe.

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Je n'ai transcrit ici qu'une partie de ce charmant éloge de madame de Lauzun, écrit par madame Necker.

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Il est étonnant que madame Necker fasse la faute toutes les fois qu'elle se présente.

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Comme ce portrait ressemble à madame Récamier!

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Quel inconcevable rapport entre ce portrait et celui qui serait fait pour madame Récamier! Beauté, bonté, agréments, considération, tout ce qui est attachant, ce qui tient à l'estime, au charme, à la renommée, tout ce qui fait aimer et plaire se trouve réuni sur les deux têtes de ces femmes charmantes! Comme on aurait été heureux de les voir toutes deux près l'une de l'autre! leurs destinées sont également brillantes devant les hommes, pures et parfaites devant Dieu!.. Toutes deux belles et vertueuses, toutes deux frappées par le malheur: – mais l'une au moins est demeurée pour donner à ses amis le seul bien que Dieu leur accorde, la présence d'un ange consolateur. Une chose remarquable, c'est que madame de Staël a fait de madame Récamier le même portrait que madame Necker de madame de Lauzun.

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Cette partie du portrait est surtout admirable et frappante de ressemblance.

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Madame la comtesse de Blot était dame


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Les deux frères de ma belle-mère, les oncles de Junot, qui s'appelaient messieurs Bien-Aymé, étaient les amis intimes de M. de Buffon; l'un était évêque de Metz, et avant la révolution premier chanoine de la cathédrale d'Évreux; l'autre, médecin ordinaire de M. le comte d'Artois. Mon oncle l'évêque de Metz était fort habile en botanique, et surtout en histoire naturelle, pour les insectes et les oiseaux. C'est lui qui a fait en entier tout l'article des Abeilles. Guéneau de Montbeillard était souffrant, et ce fut mon oncle qui s'en chargea.

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Cette famille a deux espèces, l'une vivace et l'autre annuelle.