Œuvres complètes de lord Byron, Tome 10. George Gordon Byron

Œuvres complètes de lord Byron, Tome 10 - George Gordon  Byron


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Cher Moore,

      «Nous laisserons-là, s'il vous plaît, toutes les vaines formules de politesse, et nous nous en tiendrons aux noms qu'il a plu à nos parrains et marraines de nous donner. Si vous le voulez absolument, j'effacerai votre nom; cependant, je n'en vois pas la nécessité, car j'ai, aujourd'hui, ajourné votre élection sine die, jusqu'à ce qu'il vous plaise de nous honorer de votre compagnie. Je ne dis point cela parce qu'il y aurait quelque chose de désagréable pour moi à effacer votre nom de la liste après l'y avoir fait inscrire, mais parce que, plus long-tems il y aura été, plus nous aurons de probabilité de succès, et plus grand sera le nombre des membres qui voteront pour vous. C'est à vous de décider; votre volonté, à cet égard, sera ma loi. Si mon zèle est allé déjà au-delà de la discrétion, pardonnez-le moi en faveur du motif.

»Je voudrais que vous vinssiez avec moi à Newsteadt, Hodgson y sera avec un de mes jeunes amis, Harness, le plus cher et le plus ancien camarade de classe que j'aie eu depuis la troisième forme 10, à Harrow, jusqu'à ce jour. Je puis vous promettre de bons vins; si vous aimez la chasse, un manoir de quatre mille acres; du feu, des livres, la libre disposition de votre tems et mon agréable compagnie: balnea, vina, etc., etc.

Note 10: (retour) La troisième forme anglaise correspond à la classe de quatrième de nos colléges français.(N. du Tr.)

      »Je crains que Hodgson ne vous assomme de vers; pour moi je finirai comme Martial, nil recitabo tibi: certainement ce n'est pas là la moins engageante de mes promesses. Pesez ma proposition, et croyez-moi, mon cher Moore,

      »Pour toujours, votre, etc.»

      BYRON.

      Parmi les actes de générosité et d'amitié qui marquaient chaque année de la vie de Lord Byron, il n'en est peut-être pas de plus digne d'être cité, tant pour son opportunité, sa délicatesse et le mérite de l'objet, que celui que je vais rapporter. L'ami assez heureux pour inspirer des sentimens si bien prouvés, est ce même M. Hodgson, auquel sont adressées un si grand nombre des lettres précédentes. Il serait injuste de lui enlever l'honneur de reconnaître lui-même des obligations si signalées; je vais donc mettre sous les yeux du lecteur l'extrait d'une lettre dont il m'a favorisé à l'occasion d'un passage des mémoires autographes de son illustre ami.

      »Je pense que c'est un devoir pour moi d'expliquer les circonstances auxquelles ce passage fait allusion, quoiqu'elles touchent à des affaires tout-à-fait particulières; c'est un honneur que je veux rendre à la mémoire de l'ami dont je ne cesserai jamais de déplorer la perte. Me trouvant malheureusement gêné, et même très-embarrassé, je reçus de Lord Byron, à qui j'avais déjà d'autres obligations de la même nature, je reçus, dis-je, de Lord Byron, des sommes qui s'élevèrent à celle de 1,000 livres sterlings. Je n'avais point demandé ce secours, j'étais loin de m'y attendre; mais c'était le projet conçu depuis long-tems, quoique secret, de mon ami, de venir ainsi à mon aide; il n'attendait que le moment de le faire de la manière la plus efficace. Quand je le remerciai de cette faveur inattendue, ses propres paroles furent: J'avais toujours songé à le faire

      Pendant ce tems, et durant les mois de janvier et de février, il faisait imprimer son poème de Childe-Harold. C'est aux nombreux changemens et aux additions qu'il y fit pendant l'impression, que nous devons plusieurs des plus beaux passages. En effet, en comparant la première ébauche des deux chants avec l'ouvrage tel que nous le possédons aujourd'hui, on sent bien ce don du génie, non-seulement de surpasser les autres, mais de se perfectionner lui-même. Dans le principe, le lecteur faisait connaissance avec le petit page et le valet de chambre, dans les deux stances si faibles que nous allons citer: il est inutile de dire combien le poète a gagné de variété et d'effets dramatiques en étendant la substance de ces deux stances sous la forme si légère et si lyrique, qu'elles ont actuellement:

À sa suite se trouvait un page, jeune paysan, qui servait bien son maître. Souvent son babil charmait Childe-Burun 11, quand son noble cœur était plein de tristes pensées dont il dédaignait de parler. Alors il lui souriait, et le jeune Alwin 12 souriait aussi, quand, par quelqu'innocente plaisanterie, il avait suspendu et séché les larmes prêtes à tomber de l'œil d'Harold…

Note 11: (retour) S'il pouvait rester quelques doutes que Byron ait eu l'intention de se peindre lui-même dans la personne de son héros, l'adoption de l'ancien nom normand de sa famille, qu'il avait d'abord voulu lui donner, suffirait pour les lever tous.

Note 12: (retour) Dans le manuscrit, les noms Robin et Rupert sont tour à tour écrits et raturés ici.

Il n'emmena que ce page et un fidèle serviteur pour voyager avec lui dans le Levant, dans une contrée éloignée. Quoique l'enfant fût d'abord chagrin de quitter les bords du lac, où il avait passé ses premières années, bientôt son petit cœur battit de joie dans l'espoir de voir des nations étrangères, et de voir tant de choses merveilleuses dont nos voyageurs font de si beaux récits; dont Mandeville 13

Note 13: (retour) Ici le manuscrit devient illisible.

      Au lieu de ces strophes si touchantes à Inès dans le premier chant, où se trouvent quelques-uns des traits de la plus sublime mélancolie qui soient jamais sortis de sa plume, il avait été assez peu difficile dans son premier jet, pour se contenter de la chanson suivante:

      Oh! ne me parlez plus de pays septentrionaux et de dames anglaises; vous n'avez pas eu le bonheur de voir, comme moi, l'aimable fille de Cadix. Quoique ses yeux ne soient pas bleus, ni ses cheveux blonds comme ceux des jeunes Anglaises, etc., etc.

Il y avait aussi d'abord plusieurs stances pleines de personnalités mordantes, et quelques autres d'un style plus familier et plus libre que la description d'un dimanche à Londres qui défigure encore ce poème. Dans ce mélange du léger et du grave, il avait pour but d'imiter l'Arioste. Mais il est bien plus aisé de s'élever avec grâce d'un style généralement familier à quelques morceaux pathétiques et sublimes, que d'interrompre un récit grave et solennel pour descendre au burlesque et au bouffon 14.

Note 14: (retour) Parmi les taches qu'on est obligé de reconnaître dans le grand poème de Milton, on doit compter une brusque transition de ce genre, en imitation du style de l'Arioste, dans son Paradis des Sots.(Note de Moore.)

      Dans le premier cas, la transition peut avoir pour effet d'émouvoir et d'élever l'ame, tandis que dans le second elle choque presque toujours, par la même raison peut-être qu'un trait pathétique et relevé au milieu du style ordinaire de la comédie a un charme tout particulier, tandis que l'introduction de scènes comiques dans la tragédie, quelque sanctionnée qu'elle soit chez nous autres Anglais par l'usage et l'autorité des exemples, ne saurait presque jamais manquer de déplaire. Le noble poète, convaincu lui-même que cet essai ne lui avait pas réussi, ne le renouvela dans aucun des chants suivans de Childe-Harold.

      Quant aux parties satiriques, quelques vers sur le célèbre voyageur sir John Carr peuvent nous en fournir un exemple du moins irréprochable:

      Vous qui désirez en savoir plus sur l'Espagne et les Espagnols, les différens aspects du pays, les saints, les antiquités, les arts, les anecdotes et les guerres, allez-vous-en à Paternoster-Row, au quartier des libraires; tout cela n'est-il pas écrit dans le livre de Carr, le chevalier de la verte Erin, l'étoile errante de l'Europe? Prêtez l'oreille à ses récits; écoutez ce qu'il a fait, ce qu'il a pensé, ce qu'il a écrit dans les pays étrangers. Tout cela est renfermé dans un léger in-4°; empruntez-le, volez-le: surtout ne l'achetez pas; et dites-m'en votre avis.

      Parmi les passages que, pendant l'impression, il intercala dans son poème, comme des pièces d'une riche marqueterie, on remarque la belle stance:

      Cependant,


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