Mémoires du Baron de Bonnefoux, Capitaine de vaisseau, 1782-1855. Baron de Pierre-Marie-Joseph Bonnefoux

Mémoires du Baron de Bonnefoux, Capitaine de vaisseau, 1782-1855 - Baron de Pierre-Marie-Joseph Bonnefoux


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la division à laquelle se joint le brick de guerre hollandais, l'Aventurier, quitte Batavia au commencement de 1804, en pleine saison des ouragans pour aller attendre dans les mers de la Chine le grand convoi des vaisseaux de la Compagnie qui part annuellement de Canton. – Navigation très pénible et très périlleuse. – Nous appareillons et nous mouillons jusqu'à quinze fois par jour. – Prise, près du détroit de Gaspar, des navires de commerce anglais l'Amiral-Raynier et la Henriette, qui venaient de Canton. – Excellentes nouvelles du convoi. – Un canot du Marengo, surpris par un grain, ne peut pas rentrer à son bord. Il erre pendant quarante jours d'île en île, avant d'atteindre Batavia. – Affreuses souffrances. – Habileté et courage du commandant du canot, M. Martel, lieutenant de vaisseau. – Il meurt en arrivant à Batavia. – Conversations des officiers de l'escadre. On escompte la prise du convoi. – Mouillage à Poulo-Aor. – Le convoi n'est pas passé. – Le détroit de Malacca. – Une voile, quatre voiles, vingt-cinq voiles, c'est le convoi. – Temps superbe, brise modérée. – Le convoi se met en chasse devant nous; nous le gagnons de vitesse. – À six heures du soir, nous sommes en mesure de donner au milieu d'eux. – L'amiral Linois ordonne d'attendre au lendemain matin. – Stupéfaction des officiers et des équipages. – Le mot du commandant Bruillac, celui du commandant Vrignaud. – Le lendemain matin, même beau temps. – Nous hissons nos couleurs. – Les Anglais ont, pendant la nuit, réuni leurs combattants sur huit vaisseaux. – Ces huit vaisseaux soutiennent vaillamment le choc. – Après quelques volées, l'amiral Linois quitte le champ de bataille et ordonne au reste de la division d'imiter ses mouvements. – Déplorables résultats de cet échec. – Consternation des officiers de la division. – Récompense accordée par les Anglais au capitaine Dance.

      La division avait eu des relations assez fréquentes de bâtiment à bâtiment, et, dès le début, sa position avait été assez critique pour que, déjà, nous pussions nous connaître parfaitement; nulle part, en effet, les hommes ne se jugent mieux, ni si vite, que lorsqu'ils sont frappés par un malheur commun, ou qu'ils sont réunis pour résister à un même ennemi. L'amiral107 avait une réputation de mérite personnel, généralement assez médiocre; mais son combat d'Algésiras et la bravoure qu'il y avait déployée, l'avaient beaucoup relevé dans l'opinion du corps. Malheureusement un vice vint à se développer en lui, qui, ordinairement, aliène tous les cœurs, ce fut une avarice sordide. Le général Decaen en fut le témoin de trop près, puisqu'il mangeait à sa table, pour ne pas en être frappé, et il lui en resta une impression si fâcheuse que l'accord qui pouvait assurer ou multiplier le succès des opérations combinées par ces deux chefs en fut incessamment troublé. Le fils même de l'amiral108, alors aspirant à son bord, puis officier sur la Psyché, et qu'il tenait dans une sujétion, dans une pénurie vraiment ridicules, ne pouvait se taire sur cette lésinerie, qui devait absorber, fausser, une grande partie des pensées de l'amiral. Quel horrible défaut! et qu'il coûta cher à M. Linois, non seulement pendant son commandement, où la considération personnelle était si importante pour lui, mais, par la suite, puisque son fils en prit un caractère tellement violent, tellement désordonné et qui éclatait avec tant d'essor, quand il pouvait éluder la surveillance de son père, que des querelles perpétuelles en étaient le résultat, et qu'il a fini par périr en duel! pourtant que de bonnes choses il y avait dans son cœur!

      M. Vrignaud109, capitaine de pavillon de l'amiral, était un homme d'une bravoure consommée et qui avait très bien servi. On pouvait en dire autant de MM. Beauchêne110 et Motard111, qui commandaient l'Atalante et la Sémillante. M. Motard avait, en outre, des manières charmantes, qui ne gâtent jamais rien, et l'esprit plus orné que les autres capitaines.

      Il me reste à parler du commandant et des officiers de la Belle-Poule, car il est inutile de revenir sur l'ancien commandant du Dix-Août, devenu celui de la Psyché, sur M. Bergeret, enfin, à qui je regrettais infiniment que le commandement de la division n'eût pas pu être dévolu. Quelle différence c'eût été pour les résultats!

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      1

      M. de Bonnefoux rédigea le premier volume ou Dictionnaire de la marine à voile, M. Pâris, le second ou Dictionnaire de la marine à vapeur.

      2

      Albert de Circourt, Notice sur le capitaine de vaisseau de Bonnefoux, p. 5 (Extrait des Nouvelles Annales de la Marine et des Colonies, numéro de mars 1856). M. le comte de Circourt, que l'Assemblée nationale de 1871 élut conseiller d'État, avait été aspirant de Marine. Il conserva de M. de Bonnefoux le souvenir le plus respectueux et le plus reconnaissant, jusqu'au jour où il s'éteignit lui-même, après une longue vie consacrée tout entière au travail et aux bonnes œuvres.

      3

      Le nom est quelquefois orthographié Bonafoux ou Bonnafoux; mais la véritable orthographe est Bonnefoux.

      4

      En 1772, l'abbé Expilly, dans son Dictionnaire géographique, historique et politique des Gaules et de la France, dit au mot Besiers ou Béziers (Biterrae): «On ne connaît guère de situations plus charmantes que celle de la ville de Besiers: c'est ce qui a fait dire que, si Dieu voulait faire son séjour sur terre, il le ferait à Besiers: Si Deus in terris velit habitare, Biterris. Les mauvais plaisants ajoutent: ut iterum crucifigeretur.» Le même auteur ajoute un peu plus loin: «Que ce soit l'excellence du climat ou la qualité excellente des aliments qui donne aux hommes une bonne constitution et de l'esprit, il n'en est pas moins certain que la ville de Besiers a toujours été féconde en sujets d'un rare mérite.»

      5

      Voyez ces Mémoires, liv. I. ch. II.

      6

      Sur les officiers de Marine émigrés qui servaient comme dragons dans l'armée des princes, voyez un passage très beau et très ému de Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe, édition Biré, t. II, p. 56.

      7

      Bibliographie des Œuvres de M. de Bonnefoux. Grammaire anglaise. Rochefort, Imprimerie Jousserant, 1816. Séances nautiques ou Exposé des diverses manœuvres du vaisseau, Paris, Bachelier, libraire, 1824. Nouvelles Séances nautiques ou Traité élémentaire du vaisseau dans le port, ouvrage suivi d'un appendice, contenant: 1o un vocabulaire français-anglais des termes de marine; 2o un choix de commandements employés à bord avec la traduction anglaise; 3o un recueil français-anglais de phrases nautiques, Paris, Bachelier, 1827. Dictionnaire abrégé de Marine, contenant la traduction des termes les plus usuels, en anglais


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<p>107</p>

Charles-Alexandre-Léon Durand de Linois, né à Brest, le 27 janvier 1761, décédé à Versailles le 2 décembre 1848, appartenait à l'ancienne Marine, dans laquelle il avait servi comme officier auxiliaire. Après la Révolution, il avait, à bord de l'Atalante, croisé dans les mers de l'Inde pendant trois ans. Prisonnier de guerre en Angleterre du mois de mai 1792 au mois de janvier 1795, capitaine de vaisseau le 4 mai de la même année, chef de division le 22 mars 1796, le ministre de la Marine Bruix le nomma, le 8 avril 1799 contre-amiral pour la durée de la campagne de la Méditerranée, que l'auteur raconte plus haut. Le Premier Consul le confirma dans ce grade, le 25 janvier 1801, et lui confia le commandement de la division avec laquelle il s'illustra à Algésiras. À titre de récompense nationale, il reçut un sabre d'honneur, le 28 juillet 1801. Telle était la carrière de l'amiral Linois, lorsqu'il s'embarqua à Brest, en 1803. Les présents Mémoires racontent en détail sa campagne de l'Inde. Bornons-nous à ajouter que, créé comte de l'Empire, le 15 août 1810, pendant sa seconde captivité en Angleterre, il fut, à la paix, nommé gouverneur de l'île de la Guadeloupe. La seconde Restauration le mit à la retraite, le 18 avril 1816, après son acquittement par le premier conseil de guerre de la première division militaire, devant lequel il avait été traduit pour sa conduite à la Guadeloupe pendant les Cent-Jours. Plus tard le Gouvernement royal lui conféra le titre de vice-amiral honoraire par ordonnance du 22 mai 1825.

<p>108</p>

Charles-Hippolyte Durand de Linois, nommé enseigne de vaisseau, le 5 juillet 1805.

<p>109</p>

Joseph-Marie Vrignaud, né à Brest, le 23 février 1769, s'engagea comme mousse, à l'âge de treize ans, le 21 janvier 1782. Il était second pilote au moment de la Révolution. Il servit sous les ordres de Bruix, d'abord comme premier pilote, puis comme enseigne de vaisseau. Au moment du départ de la division, il avait le grade de capitaine de frégate depuis le 21 mars 1796; mais il fut élevé à celui de capitaine de vaisseau le 21 septembre 1803. Joseph-Marie Vrignaud prit sa retraite en qualité de contre-amiral. Il assista à quatre combats dans les mers d'Europe et à quatre autres dans celles des Indes orientales. Il avait déjà antérieurement reçu quatre blessures, lorsqu'un boulet de canon lui emporta le bras droit, dans le combat qui termina la campagne de la division.

<p>110</p>

Camille-Charles-Alexis Gaudin de Beauchêne, né à Saint-Briac (aujourd'hui département d'Ille-et-Vilaine), le 11 septembre 1765, sortait de la Marine marchande, dans laquelle il avait servi comme officier. Il se couvrit de gloire dans le combat soutenu à Vizagapatam contre le vaisseau anglais le Centurion, combat auquel n'assistait pas la Belle-Poule, mais que l'auteur raconte cependant un peu plus loin. Lorsque M. Gaudin de Beauchêne mourut à Montpellier, le 19 juillet 1807, il était capitaine de vaisseau et officier de la Légion d'honneur.

<p>111</p>

Léonard-Bernard Motard, plus tard baron de l'Empire, naquit le 27 juillet 1771 à Honfleur (aujourd'hui département du Calvados). Entré comme volontaire dans la Marine royale, le 1er avril 1786, la Révolution le nomma enseigne de vaisseau, le 1er avril 1793. À la bataille d'Aboukir, capitaine de frégate à bord du vaisseau l'Orient, qui sauta, il reçut deux blessures. Il obtint, lui aussi, le grade de capitaine de vaisseau, le 24 septembre 1803. Léonard Motard commanda la Sémillante du 20 avril 1802 au 5 février 1809. La Sémillante se sépara de bonne heure de la division et eut une histoire particulière. Elle prit part au combat de la baie de Saint-Paul de l'île de la Réunion, et lutta contre la frégate anglaise la Terpsychore. Le commandant Motard prit sa retraite, le 23 novembre 1813.