Œuvres complètes de lord Byron, Tome 7. George Gordon Byron
obéir. Dans le pavillon?
Non, ici dans le palais.
Dans le palais? Comment! ce n'était pas là l'ordre?
C'est celui du moment.
Et pourquoi?
Je ne sais. Puis-je me retirer?
Reste.
Chut! laisse-le aller. (Puis à Baléa.) Oui, Baléa, remercie le monarque, baise la frange de son impériale robe, et dis-lui que ses esclaves ramasseront les miettes qu'il daignera jeter de sa table royale. Et l'heure, n'est-ce pas minuit?
Oui; le lieu, la salle de Nemrod. Seigneurs, je m'incline devant vous, et je vous quitte. (Baléa sort.)
Je n'aime pas ce changement subit; il y a quelque mystère: qui peut l'avoir occasionné?
Et ne change-t-il pas mille fois en un jour? la paresse est de toutes les choses la plus capricieuse; elle a dans ses projets plus de détours que n'en mettent les généraux dans leur marche, quand ils songent à dérouter leurs ennemis. – Pourquoi cet air rêveur?
Il aimait ce riant pavillon; c'était, pendant l'été, sa fureur.
Il aimait aussi la reine-et de plus, trois mille courtisanes. – Il aima toutes choses les unes après les autres, sauf la gloire et la sagesse.
Quoi qu'il en soit, je n'aime pas cela. S'il a changé, il faut faire de même. Dans un bosquet isolé, au milieu de gardes endormis et de courtisans ivres, l'attaque était facile, mais dans la salle de Nemrod-
En est-il ainsi? J'imaginais que le fier soldat tremblait de conquérir trop facilement un trône: et maintenant le voilà désappointé de rencontrer une ou deux marches plus glissantes qu'il ne s'y attendait!
Une fois l'heure venue, tu jugeras si je crains peu ou beaucoup. Tu as vu ma vie exposée au hasard: – je la jouais gaiement; mais ici il s'agit d'une plus haute chance, – un royaume.
Je l'ai prévu d'avance, – tu le gagneras; en avant donc, et réussis.
Va, si j'étais un prophète, je me serais gratifié de la même prédiction. Mais obéissons aux étoiles, – je ne dois pas quereller avec elles ou avec leur interprète. Qui vient?
Satrapes!
Mon prince!
Bien! Ici réunis? – Je vous cherchais tous deux; mais ailleurs que dans le palais.
Pourquoi cela?
Ce n'est pas l'heure.
L'heure? – quelle heure?
De minuit.
Minuit, seigneur?
Quoi! n'êtes-vous pas invités?
Oh! oui, – nous l'avions oublié.
Est-il donc ordinaire d'oublier une invitation du souverain?
Pourquoi? – nous ne faisons que de la recevoir.
Pourquoi donc êtes-vous ici?
Notre devoir nous y appelle.
Quel devoir?
Celui de notre rang. Nous avons le privilége d'approcher le monarque, mais nous l'avons trouvé absent.
Et moi aussi, je suis à mon devoir.
Pouvons-nous savoir à quoi il vous oblige?
A arrêter deux traîtres: holà! gardes.
Satrapes, vos épées!
Seigneur, voilà mon cimeterre.
Viens la prendre.
Volontiers.
Oui, mais le fer touchera ton cœur, – et la poignée ne quittera pas ma main.
Comment, veux-tu me braver? Fort bien! – cela te sauvera un jugement et une pitié intempestive. Soldats, terrassez le rebelle!
Tes soldats! oui, – seul tu ne l'oserais pas.
Seul! téméraire esclave. – Et qu'y a-t-il en toi qu'un prince puisse trembler de subjuguer? Nous craignons ta trahison, et non pas ta force. Ta dent serait impuissante sans son venin: – c'est celle du serpent, et non pas du lion. Terrassez-le.
Êtes-vous fou, Arbaces? N'ai-je pas rendu mon épée? Confiez-vous donc comme moi dans la justice de notre souverain.
Non: – j'ai plutôt confiance dans les étoiles que tu fais bavarder, et dans la dextérité de ce bras; je mourrai roi, du moins de mon ame et de mon corps, et personne ne pourra jamais les enchaîner.
Vous nous entendez, lui et moi: ne l'enchaînez pas. La mort. (Les gardes attaquent Arbaces, qui se défend lui-même avec vaillance et adresse, jusqu'à ce qu'ils paraissent hésiter.) Ah! c'est ainsi; et je me vois contraint à faire l'office du bourreau! Lâches! voyez comme on doit frapper un traître.
Arrêtez! – sur vos vies, arrêtez! Eh quoi! êtes-vous ivres ou sourds? Mon épée! Insensé! je ne porte pas d'épée: toi, mon ami, donne-moi ton glaive. (Il arrache une épée à l'un des soldats, et se place entre les combattans. – Ils se séparent.) Dans mon propre palais! querelleurs insolens! Qui m'empêcherait de vous fendre, la tête?
Votre justice, sire.
Oui; ou bien-votre faiblesse.
Comment?
Frappez! pourvu que vous mêliez mon sang à celui de ce traître, – que, j'espère, vous n'épargnez en ce moment que pour le réserver aux tortures: – je ne me plaindrai pas.
Eh quoi! – qui ose donc attaquer Arbaces?
Moi!
Vraiment! vous vous oubliez, prince. Sur quelle garantie?
La tienne.
Le sceau du roi!
Oui; et c'est au roi à confirmer sa confiance.
Je ne l'ai pas donnée pour une pareille fin.
Vous me l'avez accordée pour votre salut: – j'en ai fait le meilleur usage. – Prononcez en personne. Ici, je ne suis que votre esclave; – j'étais, il n'y a qu'un moment, un autre vous-même.
Alors, cachez vos épées.