Histoire amoureuse des Gaules; suivie des Romans historico-satiriques du XVIIe siècle, Tome I. Bussy Roger de Rabutin
arriva (V. les Mém. du marq. de Chouppes et de Gourville), poussé par Cosnac, par Sarrazin et d'autres, à épouser une fille de madame Martinozzi, qui avoit de la beauté et de la vertu. Condé ne fut pas flatté de voir son frère neveu du cardinal.
Il y a ceci de remarquable dans l'histoire de Conti que Louis XIV, malade en 1663, jeta les yeux sur lui, préférablement à tout autre, pour lui confier le gouvernement après sa mort (Motteville, t. 5, p. 187).
Madame de La Fayette le dit aussi.
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François VI de La Rochefoucauld n'a rien oublié pour se faire bien connoître. Il a laissé un petit livre, cinquante pages immortelles, et des Mémoires: en 1658, il écrit: «Je suis d'une taille médiocre, libre et bien proportionnée; j'ai le teint brun, mais assez uni; le front élevé et d'une raisonnable grandeur; les yeux noirs, petits et enfoncés, et les sourcils noirs et épais, mais bien tournés. Je serois fort empêché de dire de quelle sorte j'ai le nez fait, car il n'est ni camus, ni aquilin, ni gros, ni pointu, au moins à ce que je crois; tout ce que je sçais, c'est qu'il est plutôt grand que petit et qu'il descend un peu trop bas. J'ai la bouche grande, les lèvres assez rouges d'ordinaire et ni bien ni mal taillées. J'ai les dents blanches et passablement bien rangées. On m'a dit autrefois que j'avois un peu trop de menton; je viens de me regarder dans le miroir pour savoir ce qui en est, et je ne sçais pas trop bien qu'en juger. Pour le tour du visage, je l'ai ou carré ou en ovale; lequel des deux? Il me seroit fort difficile de le dire. J'ai les cheveux noirs, naturellement frisés; et avec cela assez épais et assez longs pour pouvoir prétendre à une belle tête.
«J'ai quelque chose de chagrin et de fier dans la mine: cela fait croire à la plupart des gens que je suis méprisant, quoique je ne le sois point du tout. J'ai l'action fort aisée, et même un peu trop, et jusqu'à faire beaucoup de gestes en parlant. Voilà naïvement comme je pense que je suis fait au dehors, et l'on trouvera, je crois, que ce que je pense de moi là-dessus n'est pas fort eloigné de ce qui en est.»
En 1648, il étoit encore prince de Marcillac; madame de Motteville dit: «Ce seigneur étoit peut-être plus intéressé qu'il n'étoit tendre (Mottev., t. 3, p. 128). Il avoit beaucoup d'esprit et l'avoit fort agréable, mais il avoit encore plus d'ambition» (t. 3, p. 154).
En 1643, elle ajoutoit à son nom (t. 2, p. 9) cette phrase: «Ami de madame de Chevreuse et de la dame de Hautefort, qui étoit fort bien fait, avoit beaucoup d'esprit et de lumière, et dont le mérite extraordinaire le destinoit à faire une grande figure dans le monde.»
Il n'est pas nécessaire d'être diffus lorsqu'il s'agit d'une personne que tout le monde connoît si bien.
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Son affaire est bonne. C'est le
Il fit avorter en effet, lorsqu'elle eut occasion de le désirer, madame de Châtillon. Un petit Nemours, qui eût peut-être été un hardi capitaine ou un brillant abbé, disparut ainsi.
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Bossuet a tout dit pour sa gloire. Ce fut un grand général et un grand esprit. Le petit portrait que Bussy lui consacre n'est pas une si mauvaise chose pour n'être pas une oraison funèbre.
C'est sur la dénonciation catégorique de Condé (Guy Patin, lettre du 18 août 1665) que Bussy fut arrêté. Condé ne lui pardonna jamais ce qu'il avoit écrit de sa sœur, ni sans doute sa conduite en Berry au temps de la Fronde.
Le père de Condé se croyoit de temps en temps oiseau, et chantoit; sanglier, et donnoit des coups de boutoir. Son fils se crut tour à tour, et avec délices, lièvre, mort, chauve-souris, salade. Il y a de la folie dans la substance cérébrale de la race. C'est cette folie qu'il faut accuser de certains travers de Condé (Lett. de Madame, 5 juin 1719): «Il alla à l'armée et il s'habitua à de jeunes cavaliers; quand il revint, il ne pouvoit plus souffrir les dames.»
De ce temps (1643) date une chanson fine, qu'il y a quelque agrément à se rappeler, lorsqu'on voit plus tard (en 1652, à Paris) Condé baiser en pleine rue la châsse de sainte Geneviève. Le dialogue a pour interlocuteurs Condé et son ami de La Moussaye (un Goyon). Les deux improvisateurs descendent le Rhône en bateau sous un bel orage:
Carus amicus Mussæus,
Ah! Deus bone! quod tempus!
Landerirette!
Imbre sumus perituri,
Landeriri.
– Securæ sunt nostræ vitæ;
Sumus enim Sodomitæ,
Landerirette,
Igne tantum perituri,
Landeriri.
Le père de Condé avoit aussi, dit-on, ces défauts-là; son page, Hocquetot ou Hecquetot (un Beuvron), lui étoit, à ce qu'il paroît, trop dévoué, et l'on disoit, toujours en latin (Tall., ch. 2, p. 441):
Crimina sunt septem, sunt crimina Principis Octo.
La chansonnette de Condé et de son ami, toute réserve faite, vaut mieux que cet affreux calembour. Condé troussoit le vers gaillardement; on en a la preuve en françois dans les rondeaux du comte de Maure. Il ne faudroit pas oublier ces poésies dans un recueil des vers de la maison de Bourbon.
Condé se permettoit, à l'occasion, des entreprises plus humaines. Revenant ivre de chez la Duryer, cabaretière à Saint-Cloud, il rencontre madame d'Ecquevilly près Boulogne; elle avoit une suite, il en avoit une; en un clin d'œil il n'y eut qu'une bande, qui disparut dans les fourrés du bois (V. Tallem., deuxième édit., chap. 212).
Quelques petits témoignages ne peuvent nuire maintenant: «Dans sa jeunesse il avoit connu toutes les dames de la cour et de la ville dont la beauté avoit fait quelque bruit, sans s'attacher à pas une. Comme il n'y cherchoit que les agréments du corps, il n'avoit pas pour elles tous les égards et toutes les honnêtetés que la noblesse françoise a coutume d'avoir pour les femmes.
«… Le cœur volage de ce prince se fixa cependant à la fin en faveur de la duchesse de Châtillon, sa parente, pour laquelle il eut de la complaisance et de la soumission.» (
Mademoiselle (t. 2, p. 241), parlant de cette intrigue (1652), flaire juste: «La suite des choses a bien fait connoître que M. le Prince n'étoit point amoureux.»
Cette affaire-là ne prouve donc pas beaucoup. Il y auroit à citer le passage de Condé chez Ninon, qu'il protégea toujours; il y auroit à parler de mademoiselle du Vigean (V. M. Cousin) et à rappeler mademoiselle de Toussy (Louise de Prie), plus tard maréchale de La Mothe-Houdancourt.
Tout cela même ne fait pas un cœur bien tendre. Madame de Motteville jugera l'homme en dernier ressort (Motteville, t. 2, p. 221; 1647): «Il faisoit le fanfaron contre la galanterie, et disoit souvent qu'il y renonçoit, et même au bal, quoique ce fût le lieu où sa personne paroissoit davantage. Il n'étoit pas beau: son visage étoit d'une laide forme, il avoit les yeux bleus et vifs, et dans son regard se trouvoit de la fierté. Son nez étoit aquilin, sa bouche étoit fort désagréable, à cause qu'elle étoit grande et ses dents trop sorties; mais dans toute sa physionomie il y avoit quelque chose de grand et de fier, tirant à la ressemblance de l'aigle. Il n'étoit pas des plus grands, mais sa taille en soi étoit toute parfaite.»
Coligny-Saligny a dit tout le mal possible de Condé (V. ses
«Il s'est voulu servir de son esprit pour ôter la couronne de dessus la tête du roi; je sçais ce qu'il m'en a dit plusieurs fois, et sur quoi il fondoit ses pernicieux desseins.»
Condé échoua; il se repentit même. Sa fin retirée a encore de la grandeur. Il ne faut pas lire exclusivement Désormeaux pour le bien connoître; nul n'a poussé plus loin les vices et les vertus de la jeune noblesse du XVIIe siècle. Et puis, c'est le vainqueur de Rocroy!
M. Cousin a cru devoir le placer, comme capitaine, au dessus de Bonaparte. On voit pourquoi, mais M. Cousin ne doit pas avoir mis tout le monde de son avis.
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Plus haut j'ai oublié, à propos de Beaufort, de dire qu'il faisoit à madame de Châtillon la gracieuseté de lui demander d'être aimé d'elle (Conrart,
Faisons une halte pour recueillir quatre ou cinq fragments de Mémoires qui nous permettent de pousser en avant notre glose, et qui sont d'utiles éclaircissements.
Marigny (16 juin 1652) dit dans une lettre que M. Louis Pâris a imprimée dans le
Voilà l'intimité démontrée. Madame de Motteville (t. 4, p. 330) e