Les français au pôle Nord. Boussenard Louis,

Les français au pôle Nord - Boussenard Louis,


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plus facile.»

      Dédaignant les instruments professionnels, ou les jugeant trop fragiles pour une telle opération, le docteur s'arme d'un couteau de matelot, désarticule d'une main exercée la cuisse, trouve le trajet fistuleux du projectile, le débride et rencontre, engagée au niveau des reins, dont l'un a été broyé, une balle très longue, de petit calibre, qu'il présente au capitaine.

      Celui-ci l'examine attentivement, et pâlit.

      «C'est bien!.. merci, docteur, dit-il d'une voix qui cependant n'indique pas trace d'émotion.

      «Je sais… ce que je voulais savoir.»

      Intrigué, mais connaissant trop bien ses devoirs pour interroger son chef, le docteur, machinalement, se met en devoir d'ouvrir l'estomac de la bête; et tout en coupant la peau, les muscles et les cartilages, monologue:

      «Vrai!.. si je me laissais attendrir par la maigreur phénoménale de ce pirate arctique, je serais capable de le plaindre.

      «En voilà un qui a dû faire carême!

      «Mais rengainons notre pitié.

      «Le coquin ne vaut pas mieux que les lions, les tigres, les jaguars et autres bandits ejusdem farinæ

      «On croirait volontiers que le bain perpétuel d'eau à zéro dans lequel il barbote, et les glaçons lui servant de litière aient dû rafraîchir son sang.

      «Erreur! Monsieur se complaît au carnage, comme le tigre dont il a les approches sournoises et les appétits insatiables.

      «Il lui faut des hécatombes de phoques, de veaux marins et de rennes sauvages… et quand il a assassiné dix fois, vingt fois sa suffisance, monsieur gaspille!..

      «Tenez, capitaine, est-ce outillé pour le massacre!

      «Voyez-moi ces crocs longs de quatre pouces, et ces griffes qui dépassent la bonne mesure de dix centimètres.

      «Avec cela, nageant comme un requin, au point d'agripper, en plongeant, les phoques eux-mêmes…

      «Et grimpeur à damer le pion à la panthère dont il possède la souplesse et l'agilité féline.

      «Il faut le voir quand il escalade, on ne sait comment, des glaciers à pic pour dévaliser les nids des guillemots dont il gobe les œufs avec une sensualité gloutonne!

      «Rudement armé, le gredin, pour le «struggle for life», avec sa fourrure imperméable, son blindage de graisse, sa vigueur de bison, ses ongles et ses dents.

      «Sans quoi, la race en serait depuis longtemps anéantie.

      «Où diable pareille énergie vitale va-t-elle se nicher!

      – Celui-ci, docteur, a dû pourtant subir de rudes privations, à en juger par sa maigreur qui ne saurait être imputée, je crois, à sa seule blessure.

      – Oh! capitaine, tout n'est pas roses, dans le métier d'ours polaire.

      «S'il y a des jours de bombance, il y a aussi des semaines où le menu fait défaut.

      «Quelque «struggle-for-lifeur» qu'on soit, on n'en est pas moins assujetti à de dures privations.

      «Très souvent le gibier brille par son absence, après l'hiver, alors qu'au sortir de l'engourdissement annuel on aurait besoin d'un ordinaire soigné pour se refaire.

      «Dans ce cas on vit de faim… on mange ce qu'on trouve… des carcasses dédaignées autrefois, des herbes marines, de la terre… des épaves de toute sorte, parfois les plus incohérentes.

      «Il me souvient, entre autres, avoir trouvé, aux pêcheries d'Islande, un ours qui avait absorbé un soulier de matelot.

      «Quant à celui-ci… je doute que son estomac ne renferme…

      «Tiens!..

      «Mais c'est un faux affamé… il avait mangé…»

      Le docteur qui, pendant sa pittoresque monographie de l'ours blanc avait interrompu sa dissection, vient de fendre la poche stomacale.

      Il retire, du bout des doigts, une chose informe, triturée, enroulée sur elle-même, une sorte de loque assez consistante et dont il est d'abord impossible de préciser la nature.

      On dirait de l'étoffe.

      Très intrigué, le docteur avise une flaque d'eau produite par la fonte des neiges et remplissant une petite dépression du terrain glacé.

      Il déplie la loque, la met tremper, la lave soigneusement et part d'un fou rire.

      «Quand je vous disais, capitaine, que la panse de ces mécréants est le réceptacle des substances les plus baroques, je ne croyais pas avoir en main la preuve de mon affirmation.

      – Qu'y a-t-il, mon cher docteur?

      – Capitaine, je vous le donne en mille.

      – J'aime mieux jeter ma langue aux… ours, répond l'officier intrigué.

      – Eh bien! vous allez avoir un nouveau témoignage de l'éclectisme professé par eux en matière d'alimentation.

      «Examinez plutôt ce gilet de flanelle que je viens d'extraire, et par devant témoins, de l'appareil digestif du sire.

      – Un gilet de flanelle! s'écrie le capitaine abasourdi.

      – En très mauvais état, sans doute, mais avec ses boutons, et si je ne me trompe, une marque en fil rouge, très visible… tenez… là!..

      «Quelque rebut abandonné par un baleinier.»

      Le capitaine examine attentivement le tissu, constate la présence de deux lettres brodées au petit point et dit au docteur:

      «Veuillez couper cette marque et me la donner.

      «Maintenant, rentrons à bord.

      «J'appareille aussitôt la machine en pression.»

      Le docteur abandonne le haillon près du cadavre de l'ours, et suit l'officier qui regarde en marchant les initiales et hoche la tête.

      «Tenez, dit-il au moment de se hisser par les tire-veilles, je préfère vous confier la vérité, car vous ne devez rien comprendre à ce brusque départ, quand j'avais manifesté l'intention de séjourner ici quarante-huit heures.

      – Mais, capitaine, je ne vois guère en quoi la présence de cette loque puisse vous…

      – M'émouvoir!.. dites le mot, et vous n'exagérerez pas.

      – Vous!.. un homme comme vous!

      – Parce que j'ai voué ma vie à une entreprise glorieuse…

      – Je ne comprends plus quelle corrélation… entre l'incident qui nous occupe, et le but grandiose poursuivi par vous.

      – Docteur, savez-vous l'allemand?

      – Peu, mais mal!.. je le confesse à ma honte.

      – Assez pour le lire, cependant.

      – Sans doute.

      – Voyez ces deux lettres.

      – Tiens!.. des caractères gothiques…

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