Œuvres complètes de lord Byron, Tome 12. George Gordon Byron

Œuvres complètes de lord Byron, Tome 12 - George Gordon Byron


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31 janvier 1820.

      «Vous vous serez donné beaucoup de peine pour le déménagement de mes meubles, mais Bologne est le lieu le plus près où l'on puisse s'en procurer, et j'ai été obligé d'en avoir pour les appartemens que je destinais à recevoir ici ma fille durant l'été. Les frais de transport seront au moins aussi grands; ainsi vous voyez que c'était par nécessité et non par choix. Ici on fait tout venir de Bologne, excepté quelques petits articles de Forli ou de Faënza.

      »Si Scott est de retour, rappelez-moi, je vous prie, à son souvenir, et dites-lui que la paresse seule est cause que je ne lui ai pas répondu: – c'est une terrible entreprise que d'écrire une lettre. Le carnaval est ici moins bruyant, mais nous avons des bals et un théâtre. J'y ai mené Bankes, et il a, je crois, emporté une impression beaucoup plus favorable de la société de Ravenne que de celle de Venise: – rappelez-vous que je ne parle que de la société indigène.

»Je suis très-sérieusement en train d'apprendre à doubler un schall, et je réussirais jusqu'à me faire admirer, si je ne le doublais pas toujours dans le mauvais sens, et quelquefois je confonds et emporte deux, en sorte que je déconcerte tous les serventi8, laissant d'ailleurs au froid leurs servite9, jusqu'à ce que chacun rentre dans sa propriété. Mais c'est un pays terriblement moral, car vous ne devez pas regarder d'autre femme que celle de votre voisin. – Si vous allez à une porte plus loin, vous êtes décrié, et soupçonné de perfidie. Ainsi, une relazione10 ou amicizia11 semble être une affaire régulière de cinq à quinze ans, qui, s'il survient un veuvage, finit par un sposalizio12; et en même tems elle est soumise à tant de règles spéciales, qu'elle n'en vaut guère mieux. Un homme devient par le fait un objet de propriété féminine. – Ces dames ne laissent leurs serventi se marier que lorsqu'il y a vacance pour elles-mêmes. J'en connais deux exemples dans une seule famille.

Note 8: (retour) Le lecteur a déjà dû remarquer, et à son défaut nous remarquerons une fois pour toutes, que nous laissons dans notre traduction les expressions italiennes dont Lord Byron aimait à se servir.

Note 9: (retour) Femme qui a un cavaliere servente.

Note 10: (retour) Liaison.

Note 11: (retour) Amitié.

Note 12: (retour) Mariage. (Notes du Trad.)

»Hier soir il y eut une loterie ****13 après l'opéra; c'est une burlesque cérémonie. Bankes et moi nous prîmes des billets, et plaisantâmes ensemble fort gaîment. Il est allé à Florence. Mrs J*** doit vous avoir envoyé mon postscriptum; il n'y a pas eu d'occasion de vous attaquer en personne. Je n'interviens jamais dans les querelles particulières, – elle peut vous égratigner elle-même la figure.

Note 13: (retour) Il y a dans le texte anglais un mot illisible, parce qu'il se trouvait sous le cachet. (Note de Moore.)

»Le tems ici a été épouvantable, – plusieurs pieds de neige-un fiume14 a brisé un pont, et inondé Dieu sait combien de campi15; puis la pluie est venue, – et le dégel dure encore, – en sorte que mes chevaux de selle ont une sinécure jusqu'à ce que les chemins deviennent plus praticables. Pourquoi Léga a-t-il donné le bouc? Le sot. – Il faut que j'en reprenne possession.

Note 14: (retour) Fleuve.

Note 15: (retour) Champs. (Notes du Trad.)

      »Voulez-vous payer Missiaglia et le Buffo Buffini de la Gran-Bretagna? J'ai reçu des nouvelles de Moore, qui est à Paris; je lui avais auparavant écrit à Londres, mais apparemment il n'a pas encore reçu ma lettre. Croyez-moi, etc.»

      LETTRE CCCLV

A M. MURRAY

      Ravenne, 7 février 1820.

      »Je n'ai point reçu de lettre de vous depuis deux mois; mais depuis que je suis arrivé ici, en décembre 1819, je vous ai envoyé une lettre pour Moore, qui est Dieu sait , – à Paris ou à Londres, à ce que je présume. J'ai copié et coupé en deux le troisième chant de Don Juan, parce qu'il était trop long; et je vous dis cela d'avance, parce qu'en cas de règlement entre vous et moi, ces deux chants ne compteront que pour un, comme dans leur forme originelle; et, en effet, les deux ensemble ne sont pas plus longs qu'un des premiers: ainsi souvenez-vous que je n'ai pas fait cette division pour vous imposer une rétribution double, mais seulement pour supprimer un motif d'ennui dans l'aspect même de l'ouvrage. Je vous aurais joué un joli tour si je vous avais envoyé, par exemple, des chants de cinquante stances chaque.

      »Je traduis le premier chant du Morgante Maggiore de Pulci, et j'en ai déjà fait la moitié; mais ces jours de carnaval brouillent et interrompent tout. Je n'ai pas encore envoyé les chants de Don Juan, et j'hésite à les publier; car ils n'ont pas la verve des premiers. La criaillerie ne m'a pas effrayé, mais elle m'a blessé, et je n'ai plus écrit dès-lors con amore. C'est très-décent, toutefois, et aussi triste que la dernière nouvelle comédie.

      »Je crois que mes traductions de Pulci vous ébahiront; il faut les comparer à l'original, stance par stance, et vers par vers; et vous verrez ce qui était permis à un ecclésiastique dans un pays catholique, et dans un siècle dévot, sur le compte de la religion; – puis parlez-en à ces bouffons qui m'accusent d'attaquer la liturgie.

      »J'écris dans la plus grande hâte, c'est l'heure du Corso, et je dois aller folâtrer avec les autres.

      Ma fille Allegra vient d'arriver avec la comtesse G***, dans la voiture du comte G***; plus six personnes pour se joindre à la cavalcade, et je dois les suivre avec tout le reste des habitans de Ravenne. Notre vieux cardinal est mort, et le nouveau n'est pas encore nommé; mais la mascarade continue de même, le vice-légat étant un bon gouverneur. Nous avons eu des gelées et des neiges hideuses, mais tout s'est radouci.

      »Votre, etc.»

      LETTRE CCCLVI

À M. BANKES

      Ravenne, 19 février 1820.

      «J'ai ici une chambre pour vous dans ma maison comme à Venise, si vous jugez à propos d'en faire usage; mais ne vous attendez pas à trouver la même enfilade de salles tapissées. Ni les dangers, ni les chaleurs tropicales ne vous ont jamais empêché de pénétrer partout où vous aviez résolu d'aller; et pourquoi la neige le ferait-elle aujourd'hui? – La neige italienne! – fi donc! – Ainsi, je vous en prie, venez. Le coeur de Tita soupire après vous, et peut-être après vos grands écus d'argent; et votre camarade de jeux, le singe, est seul et inconsolable.

      »J'ai oublié si vous admirez ou tolérez les cheveux rouges, en sorte que j'ai peur de vous montrer ce qui m'approche et m'environne dans cette ville. Venez néanmoins, – vous pourrez faire à Dante une visite du matin, et je réponds que Théodore et Honoria seront heureux de vous voir dans la forêt voisine. Nous aussi, Goths de Ravenne, nous espérons que vous ne mépriserez pas notre archi-Goth Théodoric. Je devrai laisser ces illustres personnages vous faire les honneurs de la première moitié du jour, vu que je n'en ai point du tout ma part, – l'alouette qui me tire de mon sommeil étant oiseau d'après-midi. Mais je revendique vos soirées, et tout ce que vous pourrez me donner de vos nuits. – Eh bien! vous me trouverez mangeant de la viande, comme vous-même ou tout autre cannibale, excepté le vendredi. De plus, j'ai dans mon pupitre de nouveaux chants (et je les donne au diable)


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