L'autre monde ou Histoire comique des Etats et Empires de la Lune. Cyrano de Bergerac

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yrano de Bergerac

      L'autre monde ou Histoire comique des Etats et Empires de la Lune

      PIÈCES JUSTIFICATIVES

Mariage d’Abel Ier de Cyrano avec Espérance Bérenger(1612)

      «Le troisiesme septembre mil six cent douze ont receu la benediction nuptiale, apres la publication de trois bans et veu une lettre de trois autres de St-Eustache, noble homme Abel de Cyrano, de la paroisse de St-Eustache, et damoiselle Esperance Berenger, de cette paroisse.» (Anciennes archives de la Ville de Paris, aujourd’hui brûlées, registre Saint-Gervais.)

Baptême de Denys de Cyrano(1614)

      «Le treiziesme de mars mil six cent quatorze a été baptisé Denys, fils de noble homme Abel de Cyrano, escuyer, sieur de Mauvieres, et de damoiselle Esperance Bellanger (sic), sa femme demeurant rue des Prouvaires à Paris; le parin Denys Fedeau, conseiller et secretaire du roy; la marine dame Anne Le Maire, femme du feu noble homme messire Savinien de Cyrano, vivant conseiller et secretaire du Roy, maison et couronne de France.» (Reg. de Saint-Eustache.)

Baptême de Savinien II de Cyrano(1619)

      «Le sixiesme mars mil six cens disneuf, Savinien, fils d’Abel de Cyrano, escuier, sieur de Mauvieres, et de damoiselle Esperance de Bellenger (sic); le parrain noble homme Antoine Fanny, conceiller du Roy et auditeur en sa Chambre des comptes, de cette paroisse; la marraine damoiselle Marie Fedeau, femme de noble homme Me Louis Perrot, conceiller et secretaire du Roy, maison et couronne de France, de la paroisse de St Germain l’Auxerrois.» (Reg. de Saint-Sauveur.)

      A MESSIRE TANNEGUY RENAULT DES BOISCLAIRS

Chevalier, Conseiller du Roy en ses Conseils,et Grand Prévôt de Bourgogne et Bresse

      Monsieur,

      Je satisfais à la dernière volonté d’un Mort que vous obligeâtes d’un signalé bienfait pendant sa vie. Comme il était connu d’une infinité de gens d’esprit, par le beau feu du sien, il fut absolument impossible que beaucoup de personnes ne sussent la disgrâce qu’une dangereuse blessure, suivie d’une violente fièvre, lui causa quelques mois devant sa mort. Plusieurs ont ignoré par quel bon Démon il y avait été secouru; mais il a cru que le nom n’en devait pas être moins public que l’action lui en fut avantageuse. Vous étiez son ami, vous l’en aviez souvent assuré, et même vous le lui aviez témoigné en plusieurs rencontres où vous saviez le besoin qu’il en avait; mais qu’était-ce faire, que quelques autres hommes n’eussent fait comme vous? qu’était-ce paraître envers notre ami, que ce que vous paraissiez envers cent autres qui n’étaient point de sa trempe? Il fallait donc le tirer de la presse, et que votre générosité le distinguant du grand nombre de ceux que vous obligiez, fit voir non seulement, comme parle Aristote, qu’elle n’avait pas dégénéré, mais qu’elle avait enchéri sur soi-même en faveur d’un si digne sujet. De sorte que quand vous eûtes la bonté de lui rendre des preuves de votre protection et de votre amitié dans sa maladie, dont vous arrêtâtes le cours par vos soins et les assistances généreuses que vous lui rendîtes en l’extrémité de ses maux les plus violents, ce fut d’une si puissante protection pour lui, qu’il espéra de vous encore celle qu’un peu devant sa mort il me pria de vous demander pour cet ouvrage; et ce sera aussi de cette grande confiance et de ce dernier sentiment que vous jugerez de ceux qu’il doit avoir eus de votre amitié, puisque c’est dans ce moment fatal que la bouche parle comme le cœur:

      Nam veræ voces tum domum pectore ab imo

      Eliciuntur…

      Et je me suis rendu l’interprète du sien d’autant plus volontiers, que je prenais part également à ses disgrâces, comme au bien qu’on lui faisait; et que, par cette raison, comme par mon inclination particulière, je suis, en vérité,

      Monsieur,

Votre très-humble et très-affectionné serviteur,LE BRET.

      A L’AUTEUR DES ETATS ET EMPIRES DE LA LUNE

EPIGRAMME

      Accepte ces six méchants vers

      Que ma main écrit de travers

      Tant en moi la frayeur abonde

      Et permets qu’aujourd’hui j’évite ton abord

      Car autant qu’une affreuse mort

      Je crains les gens de l’autre monde.

SONNET (du même au même)1

      Ton esprit, qu’en son vol nul obstacle n’arrête,

      Découvre un autre monde à nos ambitieux,

      Qui tous également respirent sa conquête

      Comme un noble chemin pour arriver aux cieux.

      Mais ce n’est point pour eux que la palme s’apprête.

      Si j’étois du conseil des destins et des Dieux,

      Pour prix de ton audace, on chargeroit ta tête

      Des couronnes des rois qui gouvernent ces lieux.

      Mais non, je m’en dédis; l’inconstante fortune

      Semble avoir trop d’empire en celui de la Lune:

      Son pouvoir n’y paroît que pour tout renverser.

      Peut-être verrois-tu, dans ces demeures mornes,

      Dès le premier instant ton Etat s’éclipser

      Et du moins chaque mois en rétrécir les bornes.

DE PRADE.

      PREFACE

      Lecteur, je te donne l’ouvrage d’un mort, qui m’a chargé de ce soin, pour te faire connaître qu’il n’est pas un mort du commun,

      Puisqu’il n’est point couvert de ces tristes lambeaux,

      Qu’une Ombre désolée emporte des tombeaux.

      qu’il ne s’amuse point à faire de vaines plaintes, à renverser les meubles d’une chambre, à traîner des chaînes dans un grenier, qu’il ne souffle point la chandelle dans une cave, qu’il ne bat personne, qu’il ne fait point le Cauchemar, ni le Moine bourru, ni enfin aucune des fadaises dont on dit que les autres morts épouvantent les sots; et qu’au contraire de tout cela il est d’aussi belle humeur que jamais. Je crois qu’une façon d’agir si agréable et si extraordinaire dans un mort, suspendra le chagrin des plus Critiques en faveur de cet ouvrage, parce qu’il y aurait double lâcheté d’insulter à des Mânes si remplies de bienveillance, et si soigneuses du divertissement des vivants; mais que cela soit ou ne soit pas, que le Critique le révère ou le morde, je suis assuré qu’il s’en souciera d’autant moins que sa belle humeur est l’unique chose de ce monde qu’il ait retenue en l’autre; de sorte qu’étant impassible à tout le reste, quelque coup que la médisance lui porte, il ne fera que blanchir. Ce n’est pas, raillerie à part, que je veuille imposer à personne la nécessité de n’en juger que par mes yeux: je sais trop bien que la lecture n’est agréable qu’à proportion de ce qu’elle est libre; c’est pourquoi je trouve bon que chacun en juge selon le fort ou le faible de son génie; mais je prie les plus généreux de se laisser prévenir par cette favorable pensée qu’il n’a eu pour but que le plaisant, et c’est ce qui lui a pu faire négliger quelques endroits, auxquels, à cause de cela, on doit une attention d’autant moins austère, que par ce moyen on l’excusera plus facilement de la circonspection, qu’autrement on y désirerait trop grande de sa part, de la mienne, et de celle des Imprimeurs.

      Quid ergo?

      Ut scriptor si peccat, idem librarius usque,

      Quamvis est monitus, venia caret. 2

      J’avoue, toutefois, que, si j’eusse eu le temps, ou que je n’y eusse pas prévu de très grandes difficultés, j’aurais volontiers examiné la chose de sorte qu’elle t’aurait semblé peut-être plus complète; mais j’ai appréhendé d’y mettre, ou de la confusion,


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<p>1</p>

Ce sonnet, se trouve dans les Œuvres poétiques du sieur de P. (Prade), publiées en 1650 (Paris, Nicolas et Jean de la Coste, in-4). Il prouve que le Voyage dans la Lune était composé longtemps avant la mort de Cyrano, auquel il causa de graves ennuis, comme lui-même nous l’apprend dans l’Histoire des Etats et Empires du Soleil.

<p>2</p>

Horace, Art Poétique.