Le Fils de Coralie: Comédie en quatre actes en prose. Delpit Albert

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il cumule!.. Il se croit au-dessus des préjugés…

CÉSARINE

      Parce qu'il en a peur.

MONTJOIE

      Et des questions d'argent…

CÉSARINE

      Parce qu'il est riche. Rassurez-vous. L'important est de savoir au juste ce que pense Édith. Envoyez-la-moi. Je vais l'interroger.

MONTJOIE

      Merci. Vous me direz toute la vérité? J'ai du courage. Si elle ne m'aime pas…

CÉSARINE

      Allez la chercher dans le jardin.

MONTJOIE

      Tout de suite. (Il se dirige vers le perron. – S'arrêtant.) Je n'aurai pas été bien loin: la voici.

Édith paraît

      SCÈNE V

Les Mêmes, ÉDITHÉDITH

      Au secours, monsieur de Montjoie, au secours!

CÉSARINE

      Bon Dieu! qu'y a-t-il?

MONTJOIE

      Vous n'avez pas l'air bien effrayée.

ÉDITH

      Mon père et M. Bonchamp vont se dévorer. J'ai compté sur vous pour séparer ces deux ennemis qui s'adorent.

MONTJOIE

      C'est beaucoup d'honneur que vous me faites. Mais si j'échoue?

ÉDITH

      Oh! vous réussirez. Ma tante prétend que vous êtes un homme… irrésistible.

MONTJOIE, à part

      Elle me raille. (Saluant.) Mademoiselle. (A Césarine.) Je tremble comme un collégien. Je reviendrai ce soir pour connaître mon sort.

CÉSARINE

      Nous comptons sur vous pour dîner.

Il sort

      SCÈNE VI

ÉDITH, CÉSARINECÉSARINE

      Et maintenant, à nous deux, ma belle… Viens t'asseoir là, sur mes genoux. Comment trouves-tu M. de Montjoie?

ÉDITH, souriant

      Je ne le trouve pas.

CÉSARINE

      Tu l'as vu souvent, cependant!

ÉDITH

      Oui, mais je ne l'ai jamais regardé.

CÉSARINE

      Cette petite a des réponses qui me confondent. Mais il est très bien; et puis si romanesque! Je t'ai fait lire Ipsiboë. Tu ne trouves pas qu'il ressemble à Almaric?

ÉDITH

      Ma chère tante, tu es la meilleure femme du monde, mais ton idéal n'est pas le mien. Je me suis promis de n'épouser jamais qu'un homme que j'aimerais… et je ne l'aime pas.

CÉSARINE

      Ah! le pauvre homme! Et moi qui le protège!

ÉDITH, embrassant sa tante

      Tu ne le protégeras plus, voilà tout.

CÉSARINE

      Comme tu vas! comme tu vas! Tu changeras peut-être d'idée.

ÉDITH

      Cela m'étonnerait.

CÉSARINE

      Voyons, prends-moi pour confidente. Pour ne pas aimer M. de Montjoie, il faut que tu en aimes un autre.

ÉDITH

      Oui.

CÉSARINE, se frappant le front

      Le capitaine Daniel!

ÉDITH

      Oui.

CÉSARINE

      Et je ne le savais pas!

ÉDITH

      Tu ne me l'as jamais demandé.

CÉSARINE

      Pouvais-je me douter d'une telle aberration! Un homme froid, hautain, qui n'a rien de romanesque? Ah! ce n'est pas celui-là qui a eu la moindre aventure!

ÉDITH

      Tant mieux, si je suis la première de sa vie.

CÉSARINE

      Et puis, c'est un artilleur. Que feras-tu d'un pareil homme?

ÉDITH

      J'en ferai mon bonheur.

CÉSARINE

      Compare-le seulement à son rival!

ÉDITH

      Oh! je ne compare pas Daniel… je le sépare.

CÉSARINE

      Toi que j'avais si bien élevée! Je vois que je m'étais méprise sur ton caractère. Je ne te connaissais pas.

ÉDITH

      C'est bien possible, je ne me connaissais pas moi-même.

CÉSARINE

      Un homme que tu as vu pour la première fois il y a deux mois!

ÉDITH, l'embrassant

      Alors, tu ne me parleras plus de M. de Montjoie?

CÉSARINE

      Soit, mais je ne m'engage pas à soutenir l'artilleur.

ÉDITH

      Je ne te demande que la neutralité.

CÉSARINE, dramatiquement

      Malheureuse enfant! (Curieusement.) T'a-t-il dit qu'il t'aimait?

ÉDITH

      Jamais!

CÉSARINE

      Tu vois bien!

ÉDITH

      Mais je suis sûre qu'il m'aime.

CÉSARINE

      Pourquoi?

ÉDITH

      Précisément parce qu'il ne me l'a pas dit.

CÉSARINE

      Tu es folle!

ÉDITH, souriant

      Tu crois?

CÉSARINE

      On ne l'a pas vu depuis huit jours.

ÉDITH

      Je sais pourquoi.

CÉSARINE

      Comment le sais-tu?

ÉDITH

      Je l'ai deviné. Écoute bien. Il est allé chez sa tante, madame Dubois, qui habite le bourg de Vic-sur-Cère, dans le Cantal. Il y a passé la semaine. Tu comprends qu'il ne pouvait pas lui-même demander ma main. C'est la raison de son voyage. Il ne m'a pas écrit une seule fois, mais je suis certaine qu'il reviendra aujourd'hui ou demain avec sa tante, et aussitôt il priera mon père de lui fixer un rendez-vous.

CÉSARINE

      De quelle façon t'y es-tu prise pour deviner cela?

ÉDITH

      Je me suis demandé ce que j'aurais fait, si j'avais été à sa place.

CÉSARINE

      Imaginations!

ÉDITH

      Nous verrons bien!

Godefroy paraît à gauche, accompagné de Bonchamp, et suivi d'un soldat

      SCÈNE VII

Les Mêmes, GODEFROY, BONCHAMP, UN SOLDATGODEFROY, très animé, tient une lettre à la main. A Bonchamp

      Tiens, laisse-moi tranquille, tu m'exaspères. (Au soldat.) C'est M. Daniel qui vous a remis cette lettre?

LE SOLDAT

      Oui, monsieur.

GODEFROY, lisant tout haut

      «Monsieur, je viens de passer la semaine chez ma tante, Mme Dubois, qui habite le bourg de Vic-sur-Cère, dans le Cantal. Me voici de retour avec elle. Je vous serais reconnaissant de vouloir bien m'accorder un rendez-vous…»

ÉDITH, bas à sa tante

      Me suis-je trompée de beaucoup?

CÉSARINE

      Tu es sorcière.

GODEFROY, au soldat

      Dites au capitaine qu'il peut venir. Je l'attends. (Le soldat sort. Il se frotte les mains.) Il sera bientôt ici, puisqu'il demeure en face.

BONCHAMP

      Pourquoi te frottes-tu les mains?

GODEFROY

      Parce que je suis content.

BONCHAMP

      Évidemment. Mais pourquoi es-tu content?

GODEFROY

      Parce que… (A Édith.) Mon enfant, tu devrais aller faire


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