Voyages loin de ma chambre t.2. Dondel Du Faouëdic Noémie
u Faouëdic
Voyages loin de ma chambre t.2
L’été est venu, le soleil visite la terre, et pendant que tes pas nonchalants tracent un sillon doré sur le sable des plages, pendant que ta rêverie plane sur la vague éternelle et que ta pensée s’égare dans l’infini, je parcours le Paradis terrestre de la Touraine, pour me servir de l’expression d’un Tourangeau1, et je répète avec nos pères: La France est un beau royaume.
Je t’envoie quelques descriptions doublées de mes impressions. Tu les liras à l’ombre d’une roche sauvage, tapissée de varech, fleurie de perce-pierre.
Ces souvenirs, écho d’un passé plein des agitations de la vie et des œuvres humaines viendront te chercher dans la suave solitude des grèves, au milieu des beautés grandioses de la nature en face de ces immenses plaines azurées qui se nomment la mer et le ciel.
AMBOISE
Amboise, dont les armes sont: Paillé d’or et de gueules de six pièces, s’élève aux bords de la Loire. La situation de cette petite ville est charmante. Le regard suit avec délice le fleuve puissant qui chemine sous le beau ciel de la Touraine, à travers des coteaux boisés, des plaines verdoyantes, des rives fleuries. Son histoire liée à celle de toute la province, dont elle était autrefois la capitale, offre de l’intérêt. Le château a grand air de loin et de près.
Cent ans avant Jésus-Christ, César avait déjà un fort bâti sur la montagne, dans l’emplacement même où se trouve le château. Les empereurs Dioclétien, Constantin, Gratien, le possédèrent tour à tour. Il passa ensuite en bien des mains, soutint des sièges, fut pris et repris, et tout cela ne favorisait guère le développement de la ville, mais alors on passait la vie… à se battre.
Le fort n’existe plus depuis des siècles, mais un quartier de la ville actuelle porte encore le nom de vieille Rome, et la domination romaine a laissé là un souvenir fort curieux, et qui fixe l’attention des touristes. Il s’agit de vastes souterrains ouverts dans le roc de la montagne, sous le château. On appelle ces souterrains creusés de main d’hommes, et bien cimentés, greniers de César. Ils ont chacun quatre étages. Au milieu se trouve un escalier en pierre, de cent vingt marches, communiquant à chaque étage.
Ce n’est guère que sous Charles VII, Louis XI et Charles VIII, que la ville d’Amboise parvint au point où nous la retrouvons aujourd’hui. Mal percée, mal bâtie, son petit cachet vieillot n’est pas déplaisant; au contraire, il contraste avec le mouvement qui l’anime. La Loire favorise son commerce et son activité.
Le château la domine de sa majestueuse grandeur. Quels larges remparts et quelles grosses tours! Elles sont là deux jumelles, l’une au nord, l’autre au midi, ayant trente mètres de haut et cinq mètres de diamètre. Le plus curieux, c’est qu’elles ont à l’intérieur une route carrossable. On pouvait autrefois arriver en voiture jusqu’au faîte, qui se trouve au niveau de la cour intérieure, d’où la vue est splendide. J’admire le grand balcon en fer forgé. Un cruel souvenir s’y rattache cependant. Au dire de notre cicérone, c’est à ce grand balcon, que furent pendus les pauvres Huguenots, qui avaient conspiré contre Henri II et la terrible Catherine de Médicis.
Involontairement, je me suis baissée, en passant à la petite porte où Charles VIII, se rendant en courant au Jeu de Paume, se frappa si durement le front qu’il en mourut quelques heures après, bien jeune, à vingt-huit ans.
Nous avons admiré la chapelle ogivale, dédiée à Saint Hubert, et regardée comme un véritable bijou d’architecture gothique.
C’est principalement à partir du XVe siècle que la ville d’Amboise s’agrandit et que le château devient le témoin d’évènements qui forment quelques pages intéressantes de l’histoire de France.
En 1469, Louis XI y institua l’Ordre de Saint Michel.
Charles VIII y naquit en 1470.
Saint Vincent de Paul, quittant la Calabre, mandé par Louis XI, séjourna au château d’Amboise.
Louis XII vint rarement à Amboise, c’est cependant lui qui fit forger le grand balcon, dont je viens de parler.
François Ier passa une grande partie de sa jeunesse au château d’Amboise, avec sa mère; mais devenu roi, il trouva cette demeure trop petite. Ce fut dans ce château que, célébrant en 1515, la première année de son règne, les noces de Renée de Montpensier avec le duc de Lorraine, il perça de son épée un sanglier furieux, qui, s’échappant de la cour royale, où on l’avait enfermé, s’était élancé dans un escalier qu’il avait gravi jusqu’aux appartements de la reine.
Trois ans plus tard, en 1519, mourait à Amboise, où ses cendres reposent, Léonard de Vinci, le grand artiste, tout à la fois peintre, poète, écrivain et architecte, que François Ier, par sa munificence et son goût éclairé pour les arts, retenait près de lui.
Au mois de décembre 1539, François Ier arrivant de Loches avec Charles-Quint montait au château par l’escalier de la grosse tour, lorsque le feu prit aux tapisseries qui décoraient les rampes; les deux monarques faillirent être brûlés.
Henri II fit son entrée solennelle à Amboise, le 16 avril 1554; François II et Marie Stuart y arrivèrent le 29 novembre 1559.
A la fin de 1562, Charles IX fit paraître à Amboise un édit de pacification entre les catholiques et les protestants.
Henri III y fonda un collège en 1574.
La Fontaine dit en parlant du château d’Amboise: «Il fut un temps où on le faisait servir de berceau à nos rois, et véritablement, c’était un berceau d’une matière assez solide et qui n’était pas pour se renverser facilement.»
Non, ce berceau n’était pas pour se renverser facilement, car il était aussi l’une des quatre places fortes: Amboise, Tours, Loches et Chinon, que possédait encore le pauvre roi de Bourges, Charles VII, avant que l’Envoyée des Cieux ne fût venue relever la couronne de France et raffermir le trône.
Cependant, dès la fin du XVe siècle, la Cour ne vint plus séjourner à Amboise. Les rois de France préférèrent habiter leur capitale et les châteaux voisins, tels que Fontainebleau, Versailles, Compiègne et autres demeures royales plus rapprochées de Paris.
On ne l’a pas oublié, c’est dans le château d’Amboise qu’Abd-el-Kader, prisonnier de guerre, fut détenu avec toute sa famille pendant cinq ans, depuis 1847, jusqu’en octobre 1852, date de sa mise en liberté.
LE CHATEAU DE BLOIS
Ce beau château qui fut le séjour favori des Valois est rempli de souvenirs, au point de vue de l’art et de l’histoire. Comme l’a écrit M. de la Saussaye: si le style c’est l’homme, ne peut-on pas dire aussi que l’art c’est l’époque, car dans les monuments qu’il nous a laissés, on retrouve comme un reflet de l’esprit et du caractère des mœurs et des habitudes du temps.
Le château de Blois, composé d’édifices de différents styles, se partage en quatre parties distinctes.
La première remonte à la plus haute antiquité: ce fut d’abord une forteresse, à laquelle se rattache, pendant plusieurs siècles, l’histoire des comtes de Blois, issus de Hugues Capet.
Cette première partie renferme la Grande Salle des Etats, ou Halle des Comtes de Blois. Cette salle, destinée aux assemblées populaires ou seigneuriales, était alors une partie aussi intégrante d’un édifice du moyen-âge, que la tour du donjon dans un château féodal.
Au temps de la bataille d’Azincourt (XVe siècle) le château de Blois était une place formidable. La chapelle et le corps de bâtiments dans lequel s’ouvre la porte principale ont été construits par Louis XII, dans le style architectural qui précède la Renaissance.
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Ouvrage publié en 1661,