Voyages loin de ma chambre t.2. Dondel Du Faouëdic Noémie

Voyages loin de ma chambre t.2 - Dondel Du Faouëdic Noémie


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époque que celle de la Renaissance, avec toutes ses richesses d’ornementations, avec cette profusion de détails exquis qui la caractérise. Tout est orné, brodé, enjolivé, jusqu’aux tuyaux de cheminées. C’est un amas de gigantesques gargouilles en pierres, de pilastres cannelés, d’arcades ogivales, de colonnettes élancées, de délicieuses arabesques. L’art s’est montré prodigue. Voici le porc-épic de Louis XII et la salamandre de François Ier. Ce n’est pas non plus sans un petit frémissement de satisfaction, que j’ai retrouvé les armes d’Anne de Bretagne, tantôt encadrées de la Cordelière, tantôt soutenues par des anges. On sait combien ce sujet a été poétiquement traité par les sculpteurs du moyen-âge, que l’on appelait alors avec raison Les maîstres de pierres vives.

      Malheureusement, les pierres vives du château de Blois, ont encore plus souffert de l’injure des hommes que de celle du temps.

      C’est la façade nord qui m’a le plus séduite. Ce fut celle-là aussi qui convint davantage au bon La Fontaine, lorsqu’il visita Blois, en 1663. «Ce qu’a fait faire François Ier, dit-il, à le regarder au dehors, me contenta plus que tout le reste; il y a force petites galeries, petites fenêtres, petits balcons, petits ornements sans régularité et sans ordre, et c’est justement cela, qui fait quelque chose de grand, qui plaît.»

      La Fontaine avait raison, sauf qu’il a un peu trop prodigué l’adjectif petit.

      «L’ensemble de cette partie est pleine d’élégance et de majesté. Ici, comme à Chambord, c’est le grand escalier à jour, magnifique de pensée et d’exécution, qui est la pièce capitale.

      «Et l’esprit, soudain se représente cet admirable escalier, revêtu de tout le luxe de sa décoration primitive; il revoit ses balcons avec leurs balustres, les salamandres et les F couronnées, dans les caissons des rampes; les sculptures des niches et des entablements, les chiffres gigantesques de François Ier et de Claude de France, les hermines et les fleurs de lys sans nombre, et les arabesques qui étreignaient les contreforts comme les rameaux entrelacés d’un lierre. Puis, il croit voir passer le roi François Ier montant les degrés, entouré de sa cour brillante; les femmes aux chaperons de velours étincelants de pierreries, aux étroits corsages et aux robes traînantes; les hommes à la toque ornée d’une longue plume, au justaucorps noir, à crevés couleur de feu, au manteau court et à la large dague: ou bien encore, le roi Henri III, descendant de ses appartements à la nuit, suivi de ses pages et de ses mignons, entouré de ses quarante-cinq, et allant aux flambeaux, entendre à Saint-Sauveur, la messe de Noël…»

      Ce magnifique escalier conduit aux appartements du premier étage, occupés jadis par Catherine de Médicis. Voilà son oratoire, sa chambre à coucher où elle mourut en 1589, son cabinet de toilette, son cabinet de travail, dont les ravissantes boiseries sculptées ne comptent pas moins de deux cent quarante-huit sujets d’ornementation, tous différents les uns des autres, nous dit notre guide. Toutes ces pièces sont complètement vides, il ne reste que quelques peintures murales, des boiseries et de magnifiques cheminées sculptées. De ce cabinet de travail si élégant, on passe dans la tour du moulin ou des oubliettes et l’on entre dans une affreuse prison fermée de portes de fer, un noir cachot qui se trouve ainsi de plain-pied avec les appartements royaux. Ce sont ces mêmes appartements qu’habita Marie de Médicis, lorsqu’elle était sinon prisonnière, du moins exilée au château de Blois. C’est de là, qu’elle s’échappa, en descendant de la fenêtre de l’oratoire, par une échelle de corde et avec l’aide du duc d’Epernon. Au second étage se trouvent les appartements de Henri III, distribués exactement comme ceux de sa mère. Nous avons gravi le petit escalier de pierre, enfoui dans la muraille, par lequel il descendit chez elle après le meurtre du duc de Guise.

      Voilà le cabinet de travail du roi, où il se tint pendant la sanglante tragédie. Voilà son cabinet de toilette, où deux moines en prière demandaient à Dieu «le succès d’une expédition entreprise pour le repos du royaume.» Voici le couloir, sorte d’arrière-cabinet, avec sa porte biaise, près de laquelle Guise reçut les premiers coups. Voici enfin la chambre à coucher du roi, dans laquelle Guise vint mourir!

      Comme tous les vieux châteaux, le château de Blois, qui aurait si bien pu se contenter de l’Histoire, a ses légendes, des légendes terribles, bien entendu. On parla longtemps avec mystère des oubliettes, au pied desquelles, dans un souterrain, gisaient les ossements des victimes. Des travaux entrepris par le génie militaire ont permis d’examiner ces lieux, jadis inaccessibles. Ce souterrain étroit et profond renfermait effectivement quantité d’ossements, mais ils avaient tous appartenu à des animaux domestiques, et il y a lieu de penser que c’était là qu’on jetait les débris des cuisines situées suivant l’usage dans les dessous du château.

      La chapelle, d’un style élégant, fut construite par Louis XII, sur l’emplacement d’une autre chapelle très ancienne, dont il était déjà question au IXe siècle.

      Les fins détails d’architecture sont bien conservés, mais il ne reste plus rien de la tribune en bois sculpté, d’un travail précieux, dans laquelle le roi assistait à l’office divin; disparus aussi, les beaux tableaux donnés par Louis XII et ses successeurs, parmi lesquels on remarquait une vierge du Pérugin. Je me suis accoudée au balcon de la chambre à coucher de Louis XII. C’était de ce balcon qu’il se plaisait à causer avec son premier ministre et ami le cardinal d’Amboise, qui se plaçait à la fenêtre d’une petite construction en bois, élevée au-dessus de la porte d’un hôtel que l’on voit tout proche du château.

      Beaucoup d’évènements importants se sont déroulés au château de Blois. Bien des questions militaires et politiques s’y sont agitées. Nombre de pages de l’Histoire de France sont là inscrites sur ses pierres. En remontant la chaîne des âges, le touriste ému, pénétré de son sujet, revient par la pensée, vers un passé de plusieurs siècles, et le reconstitue tout entier. En précisant ses souvenirs, il évoque les grands personnages qui habitèrent le château de Blois, il les voit, il les écoute, il revit avec eux les jours évanouis et il retrouve comme en un rêve superbe, les grandes figures de Louis XII, Anne de Bretagne, Charles IX, Catherine de Médicis, Henri III, Marguerite de Valois, la Marguerite des marguerites, Jeanne d’Arc, Dunois, le premier homme de guerre de son époque, les Guises, François Ier, qui n’habita guère le château de Blois qu’au commencement de son règne, pendant qu’il faisait construire la partie qui porte son nom. Chambord ensuite fit tort à Blois.

      Il voit encore défiler Charles-Quint qui séjourna quelques jours à Blois en allant à Chambord, Jeanne d’Albret, Isabelle de France, Marie Stuart, Coligny, Mademoiselle de Montpensier, la grande Mademoiselle, Charles II, le prétendant à la couronne d’Angleterre, Louis XIV, qui s’y arrêta quelques jours en se rendant à Saint-Jean-de-Luz, pour épouser l’infante d’Espagne. C’est là qu’il vit pour la première fois Mademoiselle de La Vallière.

      Voilà la chambre où Valentine de Milan (dont l’histoire a enregistré la tendresse conjugale) vint avec ses enfants, pleurer son époux, assassiné en 1407. C’est là, dans ce vieux château de Blois, qu’elle prit pour emblème, une chantepleure (arrosoir), entre deux S, initiales de soupir et de soucy, avec la mélancolique devise restée célèbre: «Plus ne m’est rien, rien ne m’est plus» que l’on voyait répétée sur toutes les tentures noires qui garnissaient sa chambre. C’est en vain qu’elle demanda justice. Elle ne put survivre à sa douleur et au triomphe de son ennemi, et mourut à Blois, à l’âge de trente-huit ans, après avoir donné l’exemple de la plus chaste vertu, au milieu de la cour licencieuse d’Isabeau de Bavière. «Le quatrième jour de décembre, dit Juvénal des Ursins, mourut de courroux et de deuil, la duchesse d’Orléans.»

      C’est encore dans l’enceinte fortifiée du château de Blois que Jeanne d’Arc (avril 1429), fit son entrée aux acclamations de la multitude. Elle y séjourna plusieurs jours, en attendant les renforts promis par le roi. Pendant ce temps là, Jeanne priait et écoutait ses voix, sainte Catherine et sainte Marguerite qui lui dirent: «Prends l’étendard de par le Roi du Ciel et fait quérir l’épée de Charles-Martel

      C’est


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