Voyages loin de ma chambre t.2. Dondel Du Faouëdic Noémie
entière; il compte trente-cinq kilomètres de tour, et comprend de magnifiques futaies et d’immenses taillis peuplés de toute espèce de gibier.
La forêt de Chambord n’approche certainement pas de celle de Fontainebleau qui compte près de dix-neuf mille hectares, mais elle est plus grande que la forêt de Chantilly qui n’a que deux mille quatre cent cinquante hectares; le parc de Chambord compte cinq mille cinq cents hectares, dont quatre mille cinq cents de bois, cinq fermes et quatorze étangs.
Il est traversé par une rivière, le Cosson. On y arrive par six portes et avenues, avec pavillons de garde. Dès l’an 1090, il est question de Chambord, maison de plaisance et de chasse des comtes de Blois.
Plus tard, il fut acquis avec le comté de Blois par Louis d’Orléans, frère de Charles VI, et réuni à la couronne par l’élévation au trône de Louis XII. «Pendant bien longtemps, on attribua cette admirable construction à des artistes italiens.
On nommait le Primatice et le Rosso, mais des recherches plus modernes permettent d’en attribuer la construction à Pierre Nepveu, dit Trinqueau, architecte natif d’Amboise.
Le domaine appartenait depuis longtemps à la couronne, quand François Ier fit commencer les travaux. Pendant douze ans, dix-huit cents ouvriers, dit-on, y travaillèrent sans relâche, et en 1519, Charles-Quint, visitant Chambord, l’appelait déjà un abrégé des merveilles que peut enfanter l’industrie humaine. Pendant la plus grande partie de sa vie, François Ier habita Chambord, devenu son œuvre et sa résidence favorite. Il avait deux bonnes raisons pour cela, son goût pour la chasse, et son amour pour la comtesse de Toury qui habitait un château voisin. D’après les archives du trésor royal, François Ier dépensa à construire Chambord quatre cent quarante-quatre mille cinq cent soixante-dix livres, ce qui représente aujourd’hui plus de cinq millions, et mourut sans que son œuvre fut complètement terminée.
Henri II continua les travaux inachevés par son père. Après lui, la Cour habita Chambord, mais sans l’embellir. Louis XIII s’y plaisait. Louis XIV, qui portait partout son amour du faste et des grandeurs, y donna des fêtes brillantes et pour y loger sa suite fit exécuter divers remaniements. C’est à Chambord qu’eurent lieu les premières représentations de Pourceaugnac 1669, et du Bourgeois gentilhomme 1670. Louis XV donna Chambord à son beau-père, le roi Stanislas de Pologne, qui l’habita huit années, et combla les fossés. Le maréchal de Saxe, auquel il avait été donné en 1748, loin de l’embellir n’y fit rien de bien, au contraire. La famille de Polignac en obtint la jouissance du roi Louis XVI en 1777. Pendant la révolution, le gouvernement y établit un dépôt de remonte.
Napoléon Ier y installa la quinzième cohorte de la Légion d’Honneur, mais c’est au Camp de Boulogne en 1804 que furent distribuées les premières décorations. L’Empereur présida à cette imposante cérémonie, assis dans l’antique fauteuil du roi Dagobert expressément transporté de Paris à Boulogne, avec les casques de Bayard et de Duguesclin.
C’est sur cet antique fauteuil que s’asseyaient les rois francs de la première race pour recevoir, lorsqu’ils prenaient le commandement, les hommages et serments des grands du royaume; il est de bronze, doré par places, fondu et ciselé avec des têtes de panthères pour ornements.
Ce siège, tout ce qu’il y a de plus authentique, fut conservé pendant plusieurs siècles dans le trésor de l’Abbaye de Saint-Denis. Après la suppression des monastères, il passa au Palais-Royal, où il fut conservé avec tout le soin que méritait un meuble aussi précieux, plus tard il fut déposé au cabinet des médailles.
Il fit encore un long séjour au Musée des Souverains, installé dans le beau château de Saint-Germain. Aujourd’hui il habite la bibliothèque nationale où on peut le voir au Cabinet des Antiques.
Après la bataille de Wagram l’empereur érigea Chambord en principauté et en fit don au maréchal Bertier à la condition de terminer le château. Après la mort du prince de Wagram, sa veuve ne pouvant l’achever ni même l’entretenir, obtint l’autorisation, après en avoir coupé tous les bois, de le vendre.
C’est alors qu’une souscription nationale, proposée par le Comte Adrien de Calonne, combattue par Paul-Louis Courier, racheta le domaine de Chambord au prix de un million cinq cent quarante deux mille francs, pour l’offrir au duc de Bordeaux qui venait de naître.
Avant de partir et pendant que mes yeux s’absorbaient une dernière fois, dans la contemplation de cette splendide demeure, mon esprit voyageait grand train et déroulant les événements d’un demi-siècle, je rêvais mélancoliquement au passé qu’était alors l’avenir, lequel n’a rien tenu de ce qu’on attendait de lui. Cette terre essentiellement française, cet ancien domaine de nos rois, ce château qui aurait dû rester l’apanage des princes légitimes du pays, appartient maintenant à un étranger, à un prince italien, peut-être hostile, en tout cas, indifférent, qui se contentera désormais de palper les revenus et d’entretenir tout juste la toiture des bâtiments pour qu’ils ne tombent pas tout à fait en ruine!
Je suis partie navrée.
Vraiment les choses de ce monde n’ont de stable que leur instabilité même!
AZAY-LE-RIDEAU
Encore une demeure attrayante, un vrai régal pour les yeux. C’est avec une satisfaction sans cesse renouvelée que l’archéologue et le touriste visitent tant de purs chefs-d’œuvre du style renaissance. Tous ces châteaux m’émerveillent, je finis par devenir un peu enfant. C’est toujours le dernier visité qui me paraît le plus beau. Donc je retrouve ici même grâce dans les lignes, même profusion dans les sculptures, pilastres et colonnes, balustres et clochetons, niches et bas-reliefs. Là, j’admire la salamandre au milieu des flammes avec la devise du roi chevalier: Nutriseo et exstinguo. Ailleurs, je remarque les armes de Claude sa femme, l’hermine bretonne, et je lis cette autre devise: Ung seul désir, et tout cela supérieurement fouillé, ciselé, si je puis m’exprimer ainsi.
Azay-le-Rideau est bâti sur pilotis, flanqué de tourelles qui forment, avec les deux principaux corps de bâtiment, un ensemble plein de grandeur et de suprême élégance. Le portail d’entrée présente une des plus belles façades de l’édifice, orné de colonnes recouvertes d’arabesques du meilleur goût, il se termine par un fronton armorié, et renferme à l’intérieur un escalier des plus curieux.
Les appartements sont un vrai musée, remplis de meubles rares de toutes les époques et de magnifiques tableaux, portraits historiques des meilleurs maîtres: Charles VIII, Louis XI, Charles IX, Louis XIII, Louis XV enfant, Anne de Bretagne, Anne d’Autriche, Anne de Montmorençy, Rabelais, Michel Cervantès, Catherine de Médicis, Ambroise Paré, Henriette d’Entragues, le maréchal d’Ancre, Mademoiselle de La Vallière, Madame de la Sablière, Marie-Thérèse d’Autriche, Marie Leczinska, la duchesse de Chateauroux, etc., etc.
La principale chambre garde son titre de chambre du Roi, parce que Louis XIV y coucha. Le parc est ravissant. L’Indre, déroulant sans entraves ses capricieux anneaux, dessine des îlots verdoyants, découpe et festonne les pelouses au gré de sa fantaisie. Rien de charmant comme les gracieux méandres de ce ruban d’argent, baignant au nord et au midi les assises du château, puis se faufilant dans les prairies, rayé de temps en temps par de légers ponts qui le traversent; tout au fond la rivière s’échappe de l’enclos par une belle chûte d’eau.
Azay-le-Rideau est un chef-lieu de canton qui passerait certainement inaperçu sans son magnifique château.
Cette bourgade avait autrefois le titre de châtellenie. Son nom lui vient de l’un de ses seigneurs, Hugues de Ridel ou de Rideau, chevalier banneret sous Philippe-Auguste, 1213. Le château actuel bâti au commencement du XVIe siècle par Gilles Berthelot, appartient aujourd’hui au marquis de Biencourt qui n’est point à court de bien, tant s’en faut, puisque le château et ses collections, contenant et contenu, sont estimés sept millions.
Je termine par une jolie page de la vie du marquis de Biencourt.
C’était pendant l’année terrible,