Voyages loin de ma chambre t.2. Dondel Du Faouëdic Noémie

Voyages loin de ma chambre t.2 - Dondel Du Faouëdic Noémie


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célèbre par son esprit et ses relations avec J. – J. Rousseau et les autres philosophes du dernier siècle, y mourut en 1779, à l’âge de quatre-vingt-treize ans. C’est grâce aux relations de cette dame avec tous les hommes politiques de la Révolution, que le château de Chenonceaux passa, sans être inquiété, les années désastreuses de la Terreur, et il appartint ensuite au comte René de Villeneuve, son petit-fils. Après lui, le domaine mis en vente aux enchères publiques, devint en 1863 la propriété de Monsieur Pelouze, chimiste.

      L’ancienne salle des gardes, un peu sombre aujourd’hui, dont l’extrémité s’ouvrait autrefois sur un balcon, est meublée en chêne et noyer sculptés; des panoplies d’armes et d’armures remontant à François Ier, Henri II et Henri III, décorent les murailles. La plupart des appartements sont tendus en toiles peintes d’un genre particulier, on peut même dire unique, très apprécié des amateurs.3

      On nous a montré la chambre de la belle Diane, avec sa toilette et son lit tendu de satin blanc; la chambre est vaste, de la fenêtre, un peu petite cependant, on découvre toute la vallée du Cher.

      On peut dire que Diane de Poitiers fut l’enchanteresse de son époque; les arts et la littérature doivent la bénir, elle encouragea tous les artistes, les écrivains, les poètes, sauf Marot cependant; mais l’histoire doit se montrer plus sévère, et la morale la condamne absolument.

      Diane de Poitiers qui avait des goûts artistiques très développés et très purs s’attacha à Chenonceaux qu’elle embellit à ravir. C’est elle qui fit élever l’admirable façade du levant, ainsi que la magnifique galerie des fêtes bâtie sur le pont, et qui s’ouvre comme je viens de le dire à gauche et à droite sur les deux rives du Cher. Cet édifice grandiose est vraiment la réalisation d’un rêve royal. Cette aile qui s’asseoit tranquillement sur la rivière et prend toute la largeur, est une conception tout à la fois étrange et captivante; la galerie du rez-de-chaussée est une sorte de musée renfermant de nombreux objets de prix. Cette même galerie qui se retrouve au deuxième étage doit devenir un musée de tableaux. On visite aussi le salon vert entièrement tendu et meublé de la couleur de l’espérance. La bibliothèque de Catherine de Médicis, sombre, peu éclairée serait d’un bien haut intérêt si on avait le loisir de l’étudier, elle renferme les archives de Chenonceaux, commençant au XIIIe siècle et comprend cinq mille pièces contenues en cent quarante registres soigneusement reliés.

      L’escalier qui est souvent un écueil pour les architectes est ici conçu avec un rare bonheur.

      «L’architecte a abandonné la vis de Saint-Gilles et adopté une innovation italienne, c’est-à-dire l’escalier à travées parallèles réunies par des paliers; cet escalier, appliqué au milieu de la façade du couchant, n’en dérange point l’ordonnance. L’escalier de Chenonceaux et celui d’Azay-le-Rideau sont, sinon les plus anciens, au moins les plus somptueux modèles de cette disposition importée d’Italie; car l’escalier de Chambord, malgré la conception magistrale de sa double vis, reste encore fidèle aux antiques traditions de l’art français.»

      La chapelle, due à François Ier, intelligemment réparée, a conservé son cachet primitif, c’est un charmant spécimen du style gothique Renaissance; de sveltes colonnettes en faisceaux supportent des tribunes et une voûte à pendentifs sculptés et découpés à jour; l’autel n’est qu’une simple table de pierre soutenue aux angles par des colonnettes très élégantes; à côté de la crédence on remarque une étroite ouverture en œil-de-bœuf oblique, qui communiquait avec l’oratoire de la Reine Louise. Une loge s’ouvre à droite, dans l’épaisseur de la muraille: c’est la place d’honneur réservée aux châtelains. Un caveau sépulcral est établi sous la chapelle.

      Les vitraux peints, fort remarquables, sortent certainement de cette admirable Ecole de Tours qui a produit tant de chefs-d’œuvre; ils sont au nombre de six, représentant Notre Seigneur Jésus-Christ, saint Michel, saint Pierre, saint Thomas et saint Gatien; sur trois verrières modernes, on voit sainte Marguerite, sainte Catherine et saint Guillaume.

      La consécration de cette chapelle fut faite en 1518, par Antoine Bohier, Cardinal-Archevêque de Bourges, et frère de Thomas Bohier, premier propriétaire, et on peut dire fondateur du château.

      Les chroniqueurs du XVIe siècle ont décrit les fêtes somptueuses qui se donnèrent à Chenonceaux.

      Ils nous racontent les superbes triomphes que Catherine de Médicis fit organiser à l’intention de François II et de Marie Stuart. L’entrée solennelle des jeunes princes eut lieu le dimanche, dernier jour de mars 1560. Les artistes, les décorateurs, les poètes frottés d’un peu de mythologie, firent des merveilles empreintes d’un cachet exceptionnel de grandeur et de nouveauté.

      «Les arcs de triomphe, les obélisques, les colonnes, les statues, les fontaines jaillissantes, les autels antiques, étaient chargés d’emblèmes et d’inscriptions empruntées aux grands poètes de Rome, de la Grèce et de l’Italie moderne. Les feux artificiels y mêlèrent leurs surprises: «dont tout le monde, les yeux ouverts et les bouches béantes, non seulement fut esbahy mais estonné de joie et grande admiration pour n’avoir esté auparavant ce jour jamais veu chose semblable;» enfin, trente canons, rangés en bataille sur la terrasse de la rivière, y ajoutèrent par leurs salves répétées, quelque chose d’imposant.» Peu d’années après la reine-mère reçut son fils Charles IX à Chenonceaux et le fêta pendant quatre jours mais les détails manquent sur cette réception. En 1577 Catherine offre à ses deux fils, Henri III et le duc d’Alençon, la plus fameuse de toutes ses fêtes. Le 2 mai, le duc d’Alençon avait repris sur les protestants la ville de la Charité et ce succès méritait d’être célébré.

      Le 15 du même mois, le roi donna un grand festin à son frère au Plessis-lez-Tours, et le sombre château de Louis XI vit une de ces fêtes orientales auxquelles son fondateur ne l’avait guère habitué. Les dames y parurent en habits d’hommes, vêtues de vert (c’était la couleur des fous) et firent le service à la place des officiers de la Cour. Tous les assistants furent aussi habillés de vert, et la dépense de ces vêtements ne s’éleva pas à moins de soixante mille livres.

      Le dimanche suivant, Catherine de Médicis fêta à son tour le jeune triomphateur et ses compagnons de guerre. Elle reçut la cour à Chenonceaux et lui offrit un banquet dont le faste licencieux devait éclipser celui du Plessis.

      Les traits principaux de ces plaisirs fantastiques nous ont été transmis par Pierre de l’Estoile, dans le Journal de Henri III.

      Le festin eut lieu dans le jardin, derrière la grosse tour, près de la fontaine du Rocher. Le roi y figura habillé en femme, comme il le faisait quelquefois dans les fêtes, il portait un collier de perles et trois collets de toile, dont deux à fraise et un rabattu, tels que les portaient les dames de la cour.»

      «Si qu’au premier abois chascun estait en peine

      S’il voyoit un roy-femme, ou lui un homme-reyne»

      «Au dessous du roy s’assirent ses mignons, tous fardés, peints, pommadés comme leur maître avec de grandes fraises empesées larges d’un demi-pied, de façon dit l’Estoile qu’à voir leurs testes dessus leurs fraises, il sembloit que ce fust le chef de saint Jean en un plat.» Les trois reines assistaient au festin, Catherine, Marguerite sa fille et Louise de Lorraine sa bru, les Reines étaient entourées de leurs Dames d’honneur, et de tout l’escadron volant des jeunes filles; l’Estoile ajoute qu’en cette fête qui coûta cent mille livres, c’est-à-dire un million et demi de notre monnaie actuelle «tout estait parfait et en bel ordre.» Franchement c’eût été malheureux qu’après une pareille dépense, les choses n’eussent pas réussi.

      Si j’étais architecte je ferais avec les expressions techniques une description savante de Chenonceaux, cette merveille de la Renaissance, cela m’est impossible, je ne sais qu’admirer cet ensemble incomparable: ici la grande cour d’honneur, le pont levis, le donjon superbe qui sort des douves profondes, remplies des eaux du Cher; là les sveltes tourelles, les hautes cheminées,


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Elles se composent de lés de toile de 3 ou 4 mètres de hauteur sur 80 de largeur. Les unes sont à fond d’or ou d’argent, les autres à fond de couleur, enjolivées d’arabesques, de fruits, de fleurs, d’oiseaux, quelques-unes ont des personnages, et représentent une chasse. Le curieux, c’est que ces ornements ne sont pas le fait d’un pinceau habile, tous les dessins sont des applications de tontures de laine, ce qui leur donne le riche aspect du velours. Elles ont dû être fabriquées sur place. Elles ont servi de modèle à la restauration de plusieurs châteaux de la Renaissance. C’est à Blois qu’on les a imitées pour la première fois.