Le grillon du foyer. Dickens Charles

Le grillon du foyer - Dickens Charles


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du tout; il allait parler.

      – Avec votre permission, je devais être laissé au bureau jusqu'à ce qu'on me réclamât, dit l'étranger avec douceur. Ne faites pas attention à moi.

      En parlant ainsi, il prit une paire de lunettes dans une de ses grandes poches, un livre dans une autre, et se mit à lire tranquillement, sans faire plus d'attention à Boxer que si c'eût été un agneau familier.

      Le voiturier et sa femme échangèrent un regard d'inquiétude. L'étranger leva la tête, et après avoir jeté les yeux de l'un à l'autre, il dit:

      – C'est votre fille, mon ami?

      – C'est ma femme, répondit John.

      – Votre nièce?

      – Ma femme, reprit John.

      – Vraiment! observa l'étranger; elle est bien jeune!

      Et il reprit tranquillement sa lecture; mais avant d'avoir pu lire deux lignes, il l'interrompit de nouveau pour dire:

      – Cet enfant est à vous?

      John lui fit un signe de tête gigantesque: réponse équivalente par son énergie à celle qu'aurait faite une trompette parlante.

      – C'est une fille?

      – Un ga-a-arçon, cria John.

      – Il est aussi bien jeune, n'est-ce pas?

      Mistress Peerybingle se hâta de répondre: – Deux mois et trois jours! Il a été vacciné il y a six semaines. La vaccine a bien pris. Le docteur l'a trouvé un très bel enfant. Il est aussi gros que la plupart des enfants à cinq mois. Voyez, s'il n'est pas étonnant de grosseur. Cela peut vous sembler impossible, mais il se tient déjà sur ses jambes.

      Ici le souffle manqua à la petite mère, qui avait crié toutes ces sentences à l'oreille du vieillard au point que son joli visage en était tout rouge; elle tenait le baby devant lui d'un air triomphant, tandis que Tilly Slowbody tournait autour de l'enfant en gambadant, lui disant des mots inintelligibles pour le faire rire.

      – Écoutez! on vient le chercher. J'en suis sûr, dit John. Il y a quelqu'un à la porte. Ouvrez, Tilly.

      Avant qu'elle y arrivât, la porte fut ouverte par quelqu'un qui venait du dehors: c'était une porte primitive, avec un loquet que chacun pouvait tirer à volonté, et je vous assure que beaucoup de gens le tiraient; car les voisins de toutes conditions aimaient à causer un instant avec le voiturier, quoiqu'il ne fût pas grand parleur sur quelque sujet que ce fût. Quand la porte fut ouverte elle donna entrée à un homme petit, maigre, pensif, à l'air soucieux, qui semblait s'être taillé un paletot dans la toile d'emballage d'une vieille caisse; car lorsqu'il se retourna pour fermer la porte, pour empêcher le froid d'entrer, on lut en grosses capitales sur son dos les lettres G et T et au-dessous verres en lettres ordinaires.

      – Bonsoir, John! dit le petit homme. Bonsoir, Mum, bonsoir, Tilly. Bonsoir, l'inconnu. Comment va le baby, Mum? Boxer va bien aussi, j'espère?

      – Tout va à merveille, Caleb. Vous n'avez qu'à voir l'enfant, d'abord, pour être sûr qu'il va bien.

      – Je n'ai besoin aussi que de vous voir pour être sûr que vous allez bien, dit Caleb.

      Cependant il ne la regardait pas, car il avait un regard pensif et incertain qui s'égarait sur tout autre objet que celui dont il parlait. On pouvait en dire autant de sa voix.

      – J'en dirai autant de John, de Tilly et de Boxer.

      – Vous avez été occupé jusqu'à présent, Caleb? dit le voiturier.

      – Oui, à peu près, répondit-il avec l'air distrait d'un homme qui cherche la pierre philosophale. Un peu trop, peut-être. Les arches de Noé sont très demandées en ce moment. J'aurais voulu un peu perfectionner les gens de la famille, mais ce n'est guère possible au prix auquel il faut les donner. On aimerait à pouvoir distinguer Sem de Cham, et les hommes des femmes. Il ne faudrait pas faire les mouches si grosses en proportion des éléphants. A propos, John, avez-vous quelque paquet pour moi?

      Le voiturier mit la main dans une des poches du surtout qu'il venait de quitter, et en tira un petit pot à fleurs.

      – Le voilà, dit-il, avec le plus grand soin. Il n'y a pas une feuille d'endommagée. Il est plein de boutons.

      L'oeil terne de Caleb se ranima en le prenant, et il remercia

      John.

      – C'est cher, Caleb, dit le voiturier. C'est très cher dans cette saison.

      – N'importe, dit Caleb; quoi qu'il coûte, ce sera bon marché pour moi. Il n'y a pas autre chose?

      – Une petite caisse, répondit le voiturier. La voici.

      – Pour Caleb Plummer, lut le petit homme en épelant l'adresse. With Cash. Avec de l'argent? Je ne crois pas que ce soit pour moi.

      – With Care, avec soin lut John, par-dessus l'épaule de Caleb. Où lisez-vous Cash?

      – C'est juste! c'est juste! Ah! si mon cher enfant qui était en Amérique vivait, il aurait pu y avoir de l'argent. Vous l'aimiez comme votre fils, John, n'est-ce pas! Vous n'avez pas besoin de le dire; je le sais parfaitement. Caleb Plummer. With Care. Oui, oui, tout va bien. C'est une caisse d'yeux de poupées pour les ouvrages de ma fille. Plut à Dieu que ce fût de vrais yeux qui lui rendissent la vue!

      – Je voudrais bien, moi aussi, que cela put être, dit le voiturier.

      – Merci, dit le petit homme. Vous dites cela de bon coeur. Penser qu'elle ne verra jamais ces poupées dont elle est entourée tout le jour! Voilà qui est poignant. Combien vous dois-je, John?

      – Vous vous moquez, ce n'est pas la peine; je me fâcherai, si vous me le demandez encore.

      – Je reconnais bien là votre bon coeur. Voyons, je crois que c'est tout.

      – Je ne crois pas, dit le voiturier. Cherchons encore.

      – Quelque chose pour notre marchand, sans doute, dit Caleb. C'est pour cela que je suis venu, mais ma tête est si occupée d'arches et d'autres choses! N'est-il pas venu?

      – Non, répondit le voiturier. Il est trop occupé, il va se marier.

      – Cependant il viendra, dit Caleb; car il m'a dit de suivre la route qui mène chez moi; il y aurait dix contre un à parier qu'il me rencontrerait. Je ferais donc bien de m'en aller. Auriez vous la bonté, madame, de me laisser pincer la queue de Boxer un instant?

      – Pourquoi donc, Caleb? belle demande!

      – N'y faites pas attention, dit le petit homme; Il est possible que cela ne lui plaise pas; mais j'ai reçu une petite commande de chiens jappant, et je voudrais essayer d'imiter la nature de mon mieux pour six pence. Voilà tout.

      Heureusement, Boxer se mit à aboyer sans attendre le stimulant. Mais il annonçait l'approche d'un nouveau visiteur, Caleb renvoya son expérience à un meilleur moment, mit la boîte ronde sur son épaule et se hâta de prendre congé. Il aurait pu s'en épargner la peine, car il rencontra le visiteur sur le pas de la porte.

      – Oh! Vous êtes ici, vous? Attendez un moment je vous emmènerai chez moi. John Peerybingle, je vous présente mes devoirs. Je les présente à votre charmante femme. Elle embellit de jour en jour, et elle rajeunit, ce qui n'est pas le plus beau de l'histoire.

      – Je serais surprise de votre compliment, M. Tackleton, dit Dot avec assez peu de bonne grâce, si je ne savais pas quelle en est la cause.

      – Vous la savez donc?

      – Je le crois, du moins, dit Dot.

      – Ce n'a pas été sans peine, je suppose.

      – C'est vrai.

      Tackleton, le marchand de joujoux, connu sous le nom de Gruff et Tackleton, son ancienne maison de commerce quand il avait pour associé Gruff, Gruff le rébarbatif, Tackleton, était un homme dont la vocation avait été tout à fait incomprise de ses parents


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