Les conteurs à la ronde. Dickens Charles

Les conteurs à la ronde - Dickens Charles


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n'y était pas. Il entra alors dans l'atelier où il se trouva également seul, les compagnons n'étant pas encore venus; Marguerite était toujours la première personne levée dans la maison. Les malheurs de Carl et l'injustice qu'il avait éprouvée, lui venaient à l'esprit, et il lui semblait qu'une voix murmurait à son oreille:» Le monde entier est contre toi. C'est plus que je n'en puis supporter, dit-il, mieux vaut mourir!»

      Il leva le loquet de la porte de bois qui donnait sur la rivière, et ouvrit cette porte toute grande à la clarté du jour qui se répandit dans l'atelier. C'était une belle et fraîche matinée; la Klar, grossie par les pluies de la veille, coulait à pleins bords. «De toutes mes espérances, de ma longue patience, de mon industrie, de mon ardeur au travail, de tout ce que j'ai souffert et de mon profond amour pour Marguerite, voilà donc la misérable fin! s'écria Carl en s'avançant vers la rivière.

      Mais il s'arrêta soudain, son regard venait de saisir un objet arrêté entre les pieux de bouleaux et la rive. «Chose étrange, dit-il, c'est un maillet et il ressemble beaucoup à celui que j'ai perdu! Sûrement, l'un ou l'autre des compagnons de Jacob Elsen l'aura laissé tomber là.»

      Ce maillet était plus grand qu'un maillet ordinaire, et, bien que ce fût une folle imagination, il pensa tout-à-coup qu'une puissance surnaturelle avait apporté là son maillet à temps pour le détourner de son fatal dessein. «Oui, c'est mon maillet!» s'écria-t-il; car, en se penchant, il venait de voir la marque du trou qu'il avait foré. Sans prendre le temps de le ramasser, en le voyant solidement arrêté là, il courut dans la maison et rencontra Jacob Elsen qui descendait l'escalier.

      – J'ai retrouvé mon maillet! s'écria Carl. Où est Marguerite?» Le tonnelier parut d'abord incrédule. Marguerite entendit la voix de son fiancé, et descendit en toute hâte les escaliers.

      – Par ici, dit Carl en les conduisant tous les deux à travers la boutique. – Par ici! Regardez!»

      Alors Marguerite et son père aperçurent le maillet Carl se baissa pour le ramasser, et, ôtant la cheville il secoua toutes les pièces d'or sur le plancher. Jacob lui serra la main en le priant de lui pardonner ses injustes soupçons. Marguerite versa des larmes de joie.

      – Il est arrivé à temps pour sauver ma vie, dit Carl. D'heureux jours reviendront avec lui!

      – Mais comment ce maillet a-t-il pu arriver ici! demanda Jacob cherchant le mot de l'énigme.

      – Je commence à le deviner, répondit Carl. J'ai découvert l'origine de la Klar, les deux rivières n'en font qu'une.»

      Après avoir écrit l'histoire de ses aventures, Carl en fit présent au conseil municipal, qui chargea tous les savants de Stromthal de démontrer, par une série d'expériences, l'identité des deux rivières. Cela fait, il y eut de grandes réjouissances dans la ville. Le jour où Carl épousa Marguerite, il reçut la récompense promise de cinq cents florins d'or, et, depuis cette époque, le jour où il avait retrouvé son maillet fut célébré comme celui d'une fête par les habitants de toutes les villes situées sur le Geber et la Klar.

      IV – L'HISTOIRE DE LA VIEILLE MARIE BONNE D'ENFANT

      Vous savez, mes chers amis, que votre mère était orpheline et fille unique. Vous n'ignorez pas non plus, j'en suis bien sûre, que votre grand-père était ministre de l'Évangile dans le Westmoreland, d'où je viens moi-même. J'étais encore une petite fille à l'école du village, quand, un jour votre grand'mère entra pour demander à la maîtresse si elle pouvait lui recommander une de ses écolières pour bonne d'enfant. Je fus bien fière, je peux vous le dire, quand la maîtresse m'appela et parla de moi comme d'une honnête fille, habile aux travaux d'aiguille, d'un caractère posé, et dont les parents étaient respectables, quoique pauvres. Je pensai tout de suite que je ne pourrais jamais rien faire de mieux que de servir cette jeune et jolie dame. Elle rougissait autant que moi en parlant de l'enfant qui allait venir et dont je serais la bonne. Mais cette première partie de mon histoire, je le sais bien, vous intéresse beaucoup moins que celle que vous attendez. Je vous dirai donc tout de suite que je fus engagée et installée au presbytère avant la naissance de miss Rosemonde: c'était l'enfant attendu, et c'est aujourd'hui votre mère. J'avais, en vérité, bien peu de chose à faire avec elle, quand elle vint au monde; car elle ne sortait jamais des bras de sa mère, et dormait toute la nuit près d'elle. Aussi, étais-je toute fière quand ma maîtresse me la confiait quelquefois un moment. Jamais il n'y eut un pareil enfant, ni avant ce temps-là, ni depuis, ni quoique vous ayez tous été d'assez beaux poupons chacun à votre tour; mais pour les manières douces et engageantes, aucun de vous n'a jamais égalé votre mère. Elle tenait cela de sa mère à elle, qui était, par sa naissance, une grande dame, une miss Furnivall, petite-fille de lord Furnivall dans le Northumberland. Je crois qu'elle n'avait ni frère, ni soeur, et qu'elle avait été élevée dans la famille de milord, jusqu'à son mariage avec votre grand-père, qui venait d'obtenir une cure. C'était le fils d'un marchand de Carlisle, mais un homme savant et accompli, toujours à l'oeuvre dans sa paroisse très vaste et toute dispersée sur les Fells2 du Westmoreland. Votre mère, la petite miss Rosemonde, avait environ quatre ou cinq ans, lorsque ses père et mère moururent dans la même quinzaine, l'un après l'autre. Ah! ce fut un triste temps. Ma jeune maîtresse et moi nous attendions un autre poupon, quand mon maître revint à la maison après une de ses longues courses à cheval. Trempé de pluie, harassé, il avait attrapé la fièvre dont il mourut. Votre mère, depuis lors, ne releva plus la tête; elle ne lui survécut que pour voir son second enfant, qui mourut peu d'instants après sa naissance, et qu'elle tint un instant sur son sein avant de rendre elle même le dernier soupir. Ma maîtresse m'avait priée, sur son lit de mort, de ne jamais quitter Rosemonde; mais elle ne m'en aurait point dit un mot, que je n'en aurais pas moins suivi cette chère petite au bout du monde.

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      1

      L'équivalent français du «Château en l'air, a Castle in the air», est le «Château en Espagne»; mais le traducteur a cru devoir conserver le sens littéral de l'expression anglaise.

      2

      Hauteurs déboisées couvertes de bruyères et servant généralement de pâturages.

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<p>2</p>

Hauteurs déboisées couvertes de bruyères et servant généralement de pâturages.