Histoire du Canada depuis sa découverte jusqu'à nos jours. Tome IV. Garneau François-Xavier

Histoire du Canada depuis sa découverte jusqu'à nos jours. Tome IV - Garneau François-Xavier


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dans les services d'un homme qu'il a bonne raison de croire l'un des propriétaires d'une publication séditieuse et diffamatoire répandue dans la province avec beaucoup de zèle et qui a spécialement pour mission d'avilir le gouvernement et de créer un esprit de mécontentement parmi ses sujets, ainsi que de dissension et d'animosité entre tes deux partis qui les composent.»

      A peu près dans le même temps le juge en chef Allcock expirait et était remplacé par le procureur-général Sewell, et celui-ci par un jeune avocat, M. Bowen, au préjudice du solliciteur-général Stuart, qui s'était attiré les mauvaises grâces du gouverneur, qui lui ôta même sa charge pour la donner à un avocat qui venait d'arriver dans le pays, M. Uniacke. Ces promotions et ces destitutions extraordinaires faisaient prévoir des orages. A la surprise de bien du monde cependant le gouverneur ratifia la réélection de M. Panet à la présidence de l'assemblée lorsque le parlement se réunit. Il parla dans son discours de la situation des relations de l'Angleterre avec les Etats-Unis et des luttes politiques de l'intérieur. Il observa que ce que l'on connaissait de la conduite du gouvernement américain, n'offrait aucun signe de disposition conciliatrice; que comme l'embargo qu'il avait imposé pesait infiniment plus sur les Américains que sur ceux contre lesquels il était dirigé, il avait été levé pour être remplacé par un acte prohibant toute communication avec la Grande-Bretagne et la France. Comme marque d'hostilité, cet acte était encore plus fortement prononcé que l'embargo lui-même, et si on y joignait le langage tenu par les principaux personnages de la nation, les discussions auxquelles on s'était abandonné chaque fois qu'il avait été question de l'Angleterre, on devait persévérer dans les mesures de vigilance et de précaution qui avaient été jugées nécessaires. Il espérait que les chambres renouvelleraient les actes passés en vue de cet objet dans le dernier parlement et qui allaient expirer avec la session actuelle.

      Revenant à la politique intérieure, il dit que comme les membres venaient de toutes les parties du pays, ils devaient être convaincus de la prospérité et du bonheur d'un peuple qui n'était soumis qu'aux lois portées par ses propres représentans; que si en raison des différentes races qui composaient la population quelque chose pouvait détruire l'harmonie, ce seraient des soupçons et des jalousies mal fondées entre elles-mêmes ou des soupçons encore plus imaginaires contre le gouvernement.

      M. Bourdages voulut faire motiver la réponse à ce discours de manière qu'elle exprimât assez formellement pour être compris, les sentimens des représentans sur les influences pernicieuses qui circonvenaient le pouvoir exécutif. Les débats qui suivirent fournirent aux chefs canadiens l'occasion de laisser voir leur pensée sans insister pour la faire adopter. Il fut observé que l'amendement faisait allusion à des insinuations étrangères, et supposait que c'étaient elles qui induisaient le gouverneur en erreur; que ces suppositions pouvaient être faites en Angleterre où il y avait un ministère; mais qu'ici où il n'y en avait point de connu, on ne pouvait l'attaquer ouvertement; que tous les membres convenaient qu'il n'y avait aucun lieu d'appliquer à la chambre des réflexions de jalousie, entre ses membres ou contre le gouvernement; mais que le discours du trône ne contenait pas de réflexion directe et que l'on pouvait se contenter de le contredire indirectement. On répliqua que si la sensibilité des membres était seule intéressée, il serait facile d'en faire le sacrifice; mais que le discours pouvait donner lieu à des réflexions plus sérieuses: qu'il contenait des choses qui tendaient à exercer une influence indue sur les votes des deux branches; que les sentimens et les actes des deux chambres ne pouvaient être connus que par leurs votes, et que si la partie du discours en question était faite pour influer ailleurs que sur les suffrages des membres, elle ne signifierait rien; qu'elle pouvait faire craindre que les votes donnés pour un côté plutôt que pour un autre fussent interprétés comme hostile au gouvernement; que le mot gouvernement qui y était employé pouvait en imposer aux nouveaux membres, à ceux à qui notre constitution n'était pas encore familière. Quand le gouvernement exerce l'autorité exécutive, tout doit obéir; tout acte contraire à cette obéissance est l'acte d'un mauvais sujet. Mais quand le gouvernement exerce sa portion du pouvoir législatif, il n'est que l'une des trois branche de la législature, la première et les deux autres en sont indépendantes. Bien loin qu'en pût regarder l'opposition d'une de ces deux branches à la première, comme illégale, le devoir de ces deux branches était de s'y opposer librement toutes les fois qu'elles le croiraient nécessaire. Que les réflexions de jalousie contre le gouvernement ne pouvaient s'appliquer à aucun des trois pouvoirs, parce que dans le sens général du mot, lorsqu'il est appliqué à la législature ces trois pouvoirs forment eux-mêmes le gouvernement.

      À. Bédard observa de son côté, qu'avant de parler de l'influence pernicieuse que cette partie du discours du gouverneur était de nature à exercer, il devait déclarer qu'il n'en attribuait rien au représentant de sa Majesté, mais aux insinuations de personnes qui l'avaient induit en erreur; puis prenant la question de plus haut, il n'étendit sur le système de la responsabilité et fit voir combien l'idée d'un ministère était essentielle à la constitution. Le premier devoir de cette chambre, troisième branche de la législature, dit-il est de soutenir son indépendance, même contre les tentatives que ferait la première pour la restreindre; qu'en adoptant le sentiment de ceux qui disaient qu'il n'y avait point de ministère, il faudrait ou que cette chambre abandonnât son devoir et renonçât à soutenir son existence, ou qu'elle dirigeât ses observation contre la personne même du représentent du roi, ce qui serait une idée monstrueuse dans notre condtitution, parce qu'on devait regarder la personne de notre gouverneur comme tenant la plaise de la personne même de sa Majesté et lui appliquer les mêmes maximes. Il lui paraissait donc que cette idée de ministère n'était pas un vain nom comme quelques uns semblaient le regarder; mais une idée essentielle à la conservation de notre constitution, il fit observer qu'en fait et indépendamment de la maxime constitutionnelle, il était bien certain que le gouverneur qui n'était ici que depuis si peu de temps ne pouvait connaître les dispositions des habitans que sur les informations qu'on lut en donnait; que quoiqu'il ne fût pas un de ceux qui avaient eu le plus d'occasion de la connaître, il était intimement persuadé qu'il ne désirait rien que le bien public; que quoiqu'il n'y eût pas ici de ministère établi en titre d'office, il n'en était pas moins vrai qu'il n'y eût réellement des ministres, c'est-à-dire des personnes d'après les informations desquelles le gouverneur se déterminait; que lorsqu'il deviendrait nécessaire de connaître cet ministres, la chambre en trouverait bien le moyen; qu'il savait bien que les ministres aiment toujours mieux se tenir cachés; qu'ils n'avaient pas toujours été connus en Angleterre comme ils le sont aujourd'hui; mais que c'était l'affaire du bon exercice des pouvoirs constitutionnels de les obliger de paraître.

      L'orateur dans ce discours remarquable où il exposait un système octroyé formellement au Canada quarante ans après, fut regardé comme l'apôtre d'une idée révolutionnaire, et accusé par ceux qui formaient lea entourages du château, de propager une doctrines funeste, qu'il fallait se hâter de bannir si l'on voulait éviter les séditions. Les fonctionnaires et la classe d'où on les tirait poussèrent lea hauts cris en entendant proclamer le système responsable.

      Le juge de Bonne, l'organe du château, s'éleva contre la doctrine de M. Bedard, et chercha à persuader que l'admettre serait avilir l'autorité royale et celui qui en était chargé; qu'il ne fallait pas agiter de pareilles questions dans un montent où l'attitude des Etats-Unis était menaçante; que ce serait montrer des symptômes de division; qu'il fallait se garder aussi de manifester de la jalousie contre les autres pouvoirs parceque ce serait justifier les allusions faites aux signes de rébellion dans le discours du gouverneur; que l'agitation de ces questions paraîtrait telle en Angleterre et qu'elle affecterait les idées qu'en avait de la loyauté des Canadiens. L'orateur du reste ne faisait qu'exprimer ici des sentimens qu'il partageait en toute sincérité; car rejeton d'ancienne noblesse, il avait dû recueillir et conserver comme un héritage inaliénable les anciennes traditions de ses pères, et regarder l'autorité absolue des rois comme hors des atteintes des représentans du peuple, et l'autorité des chambres comme un pouvoir dont la légitimité était fort douteuse.

      La question traitée ainsi sous un point de vue nouveau par M. Bédard, fit sensation; mais sa proposition de responsabilité ministérielle parut d'une trop grande hardiesse à cette époque pour permettre de s'en occuper, et plus tard on oublia d'invoquer un


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