La dame de Monsoreau — Tome 3. Dumas Alexandre

La dame de Monsoreau — Tome 3 - Dumas Alexandre


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foi! non. Moi, dans le commencement de mon mariage, je faisais de ces choses-là; pourquoi n'en feriez-vous pas, vous?

      — Allons, vous ne voulez pas me répondre; avouez cela, cher ami; mais ne craignez rien... Voyons, aidez-moi, cherchez: c'est un énorme service que j'attends de vous.

      Saint-Luc se gratta l'oreille.

      — Je ne vois toujours que vous, dit-il.

      — Trêve de railleries; prenez la chose gravement, monsieur, car, je vous en préviens, elle est de conséquence.

      — Vous croyez?

      — Mais je vous dis que j'en suis sûr.

      — C'est autre chose alors; et comment vient cet homme? le savez-vous?

      — Il vient à la dérobée, parbleu.

      — Souvent?

      — Je le crois bien: ses pieds sont imprimés dans la pierre molle du mur, regardez plutôt.

      — En effet.

      — Ne vous êtes-vous donc jamais aperçu de ce que je viens de vous dire?

      — Oh! fit Saint-Luc, je m'en doutais bien un peu.

      — Ah! voyez-vous, fit le comte haletant; après?

      — Après, je ne m'en suis pas inquiété; j'ai cru que c'était vous.

      — Mais quand je vous dis que non.

      — Je vous crois, mon cher monsieur.

      — Vous me croyez?

      — Oui.

      — Eh bien! alors...

      — Alors c'est quelque autre.

      Le grand veneur regarda d'un oeil presque menaçant Saint-Luc, qui déployait sa plus coquette et sa plus suave nonchalance.

      — Ah! fit-il d'un air si courroucé, que le jeune homme leva la tête.

      — J'ai encore une idée, dit Saint-Luc.

      — Allons donc!

      — Si c'était...

      — Si c'était?

      — Non.

      — Non?

      — Mais si.

      — Parlez.

      — Si c'était M. le duc d'Anjou.

      — J'y avais bien pensé, reprit Monsoreau; mais j'ai pris des renseignements: ce ne pouvait être lui.

      — Eh! eh! le duc est bien fin.

      — Oui, mais ce n'est pas lui.

      — Vous me dites toujours que cela n'est pas, dit Saint-Luc, et vous voulez que je vous dise, moi, que cela est.

      — Sans doute; vous qui habitez le château, vous devez savoir...

      — Attendez! s'écria Saint-Luc.

      — Y êtes-vous?

      — J'ai encore une idée. Si ce n'était ni vous ni le duc, c'était sans doute moi.

      — Vous, Saint-Luc?

      — Pourquoi pas?

      — Vous, qui venez à cheval par le dehors du parc, quand vous pouvez venir par le dedans?

      — Eh! mon Dieu! je suis un être si capricieux, dit Saint-Luc.

      — Vous, qui eussiez pris la fuite en me voyant apparaître au haut du mur?

      — Dame! on la prendrait à moins.

      — Vous faisiez donc mal alors? dit le comte qui commençait à n'être plus maître de son irritation.

      — Je ne dis pas non.

      — Mais vous vous moquez de moi, à la fin! s'écria le comte pâlissant, et voilà un quart d'heure de cela.

      — Vous vous trompez, monsieur, dit Saint-Luc en tirant sa montre et en regardant Monsoreau avec une fixité qui fit frissonner celui-ci malgré son courage féroce; il y a vingt minutes.

      — Mais vous m'insultez, monsieur, dit le comte.

      — Est-ce que vous croyez que vous ne m'insultez pas, vous, monsieur, avec toutes vos questions de sbire?

      — Ah! j'y vois clair maintenant.

      — Le beau miracle! à dix heures du matin. Et que voyez-vous? dites.

      — Je vois que vous vous entendez avec le traître, avec le lâche que j'ai failli tuer hier.

      — Pardieu! fit Saint-Luc, c'est mon ami.

      — Alors, s'il en est ainsi, je vous tuerai à sa place.

      — Bah! dans votre maison! comme cela, tout à coup! sans dire gare!

      — Croyez-vous donc que je me gênerai pour punir un misérable? s'écria le comte exaspéré.

      — Ah! monsieur de Monsoreau, répliqua Saint-Luc, que vous êtes donc mal élevé! et que la fréquentation des bêtes fauves a détérioré vos moeurs! Fi!..

      — Mais vous ne voyez donc pas que je suis furieux! hurla le comte en se plaçant devant Saint-Luc, les bras croisés et le visage bouleversé par l'expression effrayante du désespoir qui le mordait au coeur.

      — Si, mordieu! je le vois; et, vrai, la fureur ne vous va pas le moins du monde; vous êtes affreux à voir comme cela, mon cher monsieur de Monsoreau.

      Le comte, hors de lui, mit la main à son épée.

      — Ah! faites attention, dit Saint-Luc, c'est vous qui me provoquez...

      Je vous prends vous-même à témoin que je suis parfaitement calme.

      — Oui, muguet, dit Monsoreau, oui, mignon de couchette, je te provoque.

      — Donnez-vous donc la peine de pauser de l'autre côté du mur, monsieur de Monsoreau; de l'autre côté du mur, nous serons sur un terrain neutre.

      — Que m'importe? s'écria le comte.

      — Il m'importe à moi, dit Saint-Luc; je ne veux pas vous tuer chez vous.

      — A la bonne heure! dit Monsoreau en se hâtant de franchir la brèche.

      — Prenez garde! allez doucement, comte! Il y a une pierre qui ne tient pas bien; il faut qu'elle ait été fort ébranlée. N'allez pas vous blesser, au moins; en vérité, je ne m'en consolerais pas.

      Et Saint-Luc se mit à franchir la muraille à son tour.

      — Allons! allons! hâte-toi, dit le comte en dégaînant.

      — Et moi qui viens à la campagne pour mon agrément! dit Saint-Luc se parlant à lui-même; ma foi, je me serai bien amusé.

      Et il sauta de l'autre côté du mur.

      CHAPITRE VI

      COMMENT M. DE SAINT-LUC MONTRA A M. DE MONSOREAU LE COUP QUE LE ROI LUI AVAIT MONTRÉ

      Monsieur de Monsoreau attendait Saint-Luc l'épée à la main, et en faisant des appels furieux avec le pied.

      — Y es-tu? dit le comte.

      — Tiens! fit Saint-Luc, vous n'avez pas pris la plus mauvaise place, le dos au soleil; ne vous gênez pas.

      Monsoreau fit un quart de conversion.

      — A la bonne heure! dit Saint-Luc, de cette façon je verrai clair à ce que je fais.

      — Ne


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