La vie et la mort du roi Richard II. Уильям Шекспир
liqueur s'est épanchée: cette branche florissante de la très-royale souche a été coupée, et les feuilles de son été se sont flétries. Ah! Gaunt, son sang était le tien: c'est de la couche, c'est du flanc, de la matière, de la substance même qui t'ont formé qu'il avait tiré son existence; et quoique vivant et respirant, tu as été assassiné en lui. C'est à beaucoup d'égards consentir à la mort de ton père que de voir ainsi mourir ton malheureux frère, qui était la représentation de la vie de ton père. N'appelle point cela patience, Gaunt, c'est du désespoir. En souffrant ainsi qu'on égorge ton frère, tu montres à découvert le chemin qui conduit à ta vie, tu instruis le meurtrier farouche à t'assassiner. Ce que dans les hommes du bas étage nous appelons patience est dans un noble sein une froide et tranquille lâcheté. Que te dirai-je enfin? Pour mettre ta vie en sûreté, le meilleur moyen c'est de venger la mort de mon Glocester.
GAUNT. – Cette cause est celle du ciel, car le délégué du ciel, son lieutenant oint devant sa face, est l'auteur de la mort de Glocester: lorsqu'il commet le crime, la vengeance en est au ciel; pour moi, je ne puis lever un bras irrité contre son ministre.
LA DUCHESSE DE GLOCESTER. – A qui donc, hélas! puis-je porter ma plainte?
GAUNT. – Au ciel, qui est le champion et le défenseur de la veuve.
LA DUCHESSE DE GLOCESTER. – Eh bien! je me plaindrai à lui. Adieu, vieux Gaunt. Tu vas à Coventry pour voir le combat de notre cousin d'Hereford et du perfide Mowbray. Oh! fais peser sur la lance d'Hereford les injures de mon mari, afin qu'elle entre dans le coeur de l'assassin Mowbray; ou si, par un malheur, elle manquait la première passe, que les crimes de Mowbray surchargent tellement son sein que les reins de son coursier écumant en soient rompus et que le cavalier tombe la tête la première dans l'arène, lâche, tremblant, à la merci de mon cousin d'Hereford! Adieu, vieux Gaunt: celle qui fut un jour la femme de ton frère finira sa vie avec sa compagne, la douleur.
GAUNT. – Adieu, ma soeur; il faut que je me rende à Coventry. Que tout le bien que je te souhaite m'accompagne!
LA DUCHESSE DE GLOCESTER. – Un mot encore. La douleur, en tombant, rebondit non par le vide, mais par le poids. Je prends congé de toi avant que je t'aie encore rien dit, car le chagrin ne finit pas là où il semble fini: rappelle-moi au souvenir de mon frère York… Oui, voilà tout… Mais non, ne pars pas encore ainsi; quoique ce soit tout, ne t'en va pas si vite… Je puis me rappeler autre chose. Prie-le… oh! de quoi?.. de se hâter de venir me voir à Plashy. Hélas! que viendra-t-il y voir, ce bon vieux York, que des appartements déserts, des murailles dépouillées, des cuisines dépeuplées, un pavé qu'on ne foule plus. Et pour sa bienvenue, quelle autre réception trouvera-t-il que mes gémissements? Rappelle-moi donc seulement à son souvenir; qu'il ne vienne pas chercher en ce lieu la tristesse qui habite partout: désolée, désolée je m'en irai d'ici et je mourrai. Mes yeux, en pleurs te disent le dernier adieu.
SCÈNE III
LE MARÉCHAL. – Milord Aumerle, Henri d'Hereford est-il armé?
AUMERLE. – Oui, armé de toutes pièces, et il brûle d'entrer dans la lice.
LE MARÉCHAL. – Le duc de Norfolk, plein d'ardeur et d'audace, n'attend que le signal de la trompette de l'appelant.
AUMERLE. – En ce cas, les champions sont tout prêts, et n'attendent que l'arrivée de Sa Majesté.
RICHARD. – Maréchal, demandez à ce champion le sujet qui l'amène ici en armes: demandez-lui son nom; ensuite, procédez avec ordre à lui faire prêter serment de la justice de sa cause.
LE MARÉCHAL. – Au nom de Dieu et du roi, dis qui tu es, et pourquoi tu viens ainsi armé en chevalier. Contre qui viens-tu combattre, et quelle est ta querelle? Réponds la vérité, sur ta foi de chevalier et sur ton serment; et après, que le ciel et ta valeur te défendent!
NORFOLK. – Mon nom est Thomas Mowbray, duc de Norfolk. Je viens ici engagé par un serment que le ciel préserve un chevalier de violer jamais! j'y viens pour défendre ma loyauté et mon honneur devant Dieu, mon roi et ma postérité, contre le duc d'Hereford, qui est l'appelant; et, par la grâce de Dieu et le secours de ce bras, je viens lui prouver pour ma défense qu'il est traître à mon Dieu, à mon roi et à moi. Que le ciel me défende, comme je combats pour la vérité.
RICHARD. – Maréchal, demandez à ce chevalier armé qui il est et pourquoi il vient ici vêtu de ses habits de guerre, et, conformément à nos lois, faites-lui déposer dans les formes de la justice de sa cause.
LE MARÉCHAL. – Quel est ton nom, et pourquoi parais-tu ici devant le roi Richard dans sa lice royale? Contre qui viens-tu, et quelle est ta querelle? Réponds comme un loyal chevalier, et que le ciel te défende.
BOLINGBROKE. – Je suis Henri d'Hereford, de Lancastre et de Derby, qui me tiens ici en armes prêt à prouver, par la grâce de Dieu et les prouesses de mon corps, à Thomas Mowbray, duc de Norfolk, qu'il est un abominable et dangereux traître envers le Dieu des cieux, le roi Richard et moi. Que le ciel me défende, comme je combats pour la vérité.
LE MARÉCHAL. – Sous peine de mort, que personne n'ait la hardiesse et l'audace de toucher les barrières de la lice, excepté le maréchal et les officiers chargés de présider à ces loyaux faits d'armes.
BOLINGBROKE. – Lord maréchal, permettez que je baise la main de mon souverain et que je fléchisse le genou devant Sa Majesté; car Mowbray et moi nous ressemblons à deux hommes qui font voeu d'accomplir un long et fatigant pèlerinage. Prenons donc solennellement congé de nos divers amis, et faisons-leur de tendres adieux.
LE MARÉCHAL. – L'appelant salue respectueusement Votre Majesté, et demande à vous baiser la main et à prendre congé de vous.
RICHARD. – Nous descendrons et nous le serrerons dans nos bras. – Cousin d'Hereford, que ta fortune réponde à la justice de ta cause, dans ce combat royal! Adieu, mon sang: si tu le répands aujourd'hui, nous pouvons pleurer ta mort, mais non te venger.
BOLINGBROKE. – Oh! que de nobles yeux ne profanent point une larme pour moi, si mon sang est versé par la lance de Mowbray. Avec la confiance d'un faucon qui fond sur un oiseau, je vais combattre Mowbray. (Au lord maréchal.) Mon cher seigneur, je prends congé de vous; et de vous, lord Aumerle, mon noble cousin; bien que j'aie affaire avec la mort, je ne suis pas malade, mais vigoureux, jeune, respirant gaiement; maintenant, comme aux festins de l'Angleterre, je reviens au mets le plus délicat pour le dernier, afin de rendre la fin meilleure. (A Gaunt.) – O toi, auteur terrestre de mon sang, dont la jeune ardeur renaissant en moi me soulève avec une double vigueur pour atteindre jusqu'à la victoire placée au-dessus de ma tête, ajoute par tes prières à la force de mon armure; arme de tes bénédictions la pointe de ma lance, afin qu'elle pénètre la cuirasse de Mowbray comme la cire, et que le nom de Jean de Gaunt soit fourbi à neuf par la conduite vigoureuse de son fils.
GAUNT. – Que le ciel te fasse prospérer dans ta bonne cause! Sois prompt comme l'éclair dans l'attaque, et que tes coups, doublement redoublés, tombent comme un tonnerre étourdissant sur le casque du funeste ennemi qui te combat; que ton jeune sang s'anime; sois vaillant et vis!
BOLINGBROKE. – Que mon innocence et saint Georges me donnent la victoire!
NORFOLK. – Quelque chance qu'amènent pour moi le ciel ou la fortune, ici vivra ou mourra, fidèle au trône du roi Richard, un juste, loyal et intègre gentilhomme. Jamais captif n'a secoué d'un coeur plus libre les chaînes de son esclavage, ni embrassé avec plus de joie le trésor d'une liberté sans contrainte, que mon