Henri IV (1re partie). Уильям Шекспир
et bientôt après assassiné.
WORCESTER. – Et à cause de cette mort, la voix générale de l'univers nous diffame et parle de nous avec opprobre.
HOTSPUR. – Mais, doucement, je vous en prie; le roi Richard a donc déclaré mon frère, Edmond Mortimer, l'héritier de la couronne?
NORTHUMBERLAND. – Il l'a déclaré; moi-même je l'ai entendu.
HOTSPUR. – Vraiment, je ne puis blâmer le roi, son cousin, de désirer qu'il meure de faim sur les montagnes stériles. Mais sera-t-il dit que vous, qui avez posé la couronne sur la tête de cet homme ingrat, et qui, pour son profit, portez la tache détestable d'un assassinat payé… sera-t-il dit que vous subissiez patiemment un déluge de malédictions, en demeurant simplement des agents de meurtre, des instruments secondaires, les cordes, l'échelle, ou plutôt le bourreau… – Oh! pardonner si je descends si bas pour vous montrer en quel rang et en quelle catégorie vous vous placez sous ce roi artificieux. – N'avez-vous pas de honte, qu'on puisse raconter à nos temps, ou étaler un jour dans les chroniques, que des hommes de votre noblesse et de votre puissance se sont engagés tous deux dans une cause injuste (comme, Dieu vous le pardonne! vous l'avez fait tous deux), pour abattre Richard, cette douce et belle rose, et planter à sa place cette épine, ce chardon, ce Bolingbroke? Et pour comble d'opprobre, sera-t-il dit encore que vous aurez été joués, écartés, rejetés par celui pour qui vous vous êtes soumis à toutes ces ignominies? Non, il est temps encore de racheter vos honneurs perdus, et de vous rétablir dans l'estime de l'univers. Vengez-vous des insultants et dédaigneux mépris de ce roi orgueilleux, jour et nuit occupé des moyens de se débarrasser de sa dette envers vous; dût votre mort en être le sanglant payement… je vous dis donc…
WORCESTER. – C'est assez, cousin, n'en dites pas davantage: à l'instant même je vais vous ouvrir un livre secret, où du rapide coup d'oeil de la colère vous allez lire des projets profonds et dangereux, aussi pleins de périls et d'audace qu'il en faut pour traverser, sur une lance mal assurée, un torrent mugissant à grand bruit.
HOTSPUR. – Si l'on y tombe, bonsoir, il faut périr ou nager. – Étendez le danger du couchant à l'aurore, que l'honneur le traverse du nord au midi, et mettez-les aux prises. – Oh! le sang remue bien davantage à réveiller un lion qu'à lancer un lièvre.
NORTHUMBERLAND. – Voilà que l'idée de quelques grands exploits lui fait perdre toute patience.
HOTSPUR. – Par le ciel, il me semble que ce serait un saut facile que d'aller sur la face pâle de la lune enlever d'un coup la gloire brillante, ou de plonger dans les profondeurs de la mer, là ou jamais la sonde n'a touché le sol, pour y ressaisir par les cheveux la gloire engloutie, en telle sorte que celui qui la retirerait de là pût posséder sans rival tous les honneurs qu'elle accorde; mais ne me parlez pas d'une association de deux demi-visages.
WORCESTER. – Le voilà qui embrasse un monde de fantômes, mais où ne se trouve pas la réalité dont il devrait s'occuper. – Cher cousin, donnez-moi un moment d'audience.
HOTSPUR. – Ah! je vous demande pardon.
WORCESTER. – Ces nobles Écossais qui sont prisonniers…
HOTSPUR. – Je les garderai tous. Par le ciel, il n'aura pas un seul Écossais de ceux-là. Non, lui fallût-il un Écossais pour sauver son âme, il ne l'aura pas. Par mon bras, je les garderai tous.
WORCESTER. – Vous vous jetez de côté et d'autre, et vous ne prêtez pas la moindre attention à mes desseins. – Ces prisonniers, vous les garderez.
HOTSPUR. – Oui, je les garderai, cela est positif. – Il a dit qu'il ne rachèterait pas Mortimer! Il a défendu à ma langue de nommer Mortimer! Mais je l'attraperai au moment où il sera endormi, et dans son oreille je crierai tout à coup: Mortimer! Quoi! j'aurai un oiseau qui sera instruit à ne dire que Mortimer, et je le lui donnerai, pour tenir sa colère toujours en mouvement.
WORCESTER. – Écoutez donc, cousin; un mot.
HOTSPUR. – Je fais ici le serment solennel de n'avoir d'autre étude que de chercher les moyens de vexer et de tourmenter sans cesse ce Bolingbroke. Et ce ferrailleur de tavernes, son prince de Galles… n'était que j'ai dans l'idée que son père ne l'aime pas et serait bien aise qu'il lui arrivât quelque malheur, je voudrais qu'il s'empoisonnât avec un pot de bière.
WORCESTER. – Adieu, cousin; je vous parlerai lorsque vous serez mieux disposé à m'écouter.
NORTHUMBERLAND. – Eh quoi, quelle mouche te pique et quel fou impatient es-tu donc de t'emporter ainsi dans des colères de femme, sans pouvoir prêter l'oreille à d'autres voix que la tienne?
HOTSPUR. – Tenez, voyez-vous, je suis fustigé, fouetté de verges, déchiré d'épines, piqué des fourmis quand j'entends parler de ce vil politique, de ce Bolingbroke. Du temps de Richard… Comment appelez-vous cet endroit?.. que le diable l'emporte!.. C'est dans le comté de Glocester… là, au château du duc, de son imbécile d'oncle, son oncle d'York… ce fut là que je fléchis pour la première fois le genou devant ce roi des sourires, ce Bolingbroke, au moment où vous reveniez avec lui de Ravenspurg.
NORTHUMBERLAND. – C'était au château de Berkley.
HOTSPUR. – Oui, c'est là même!.. Eh bien, quelle quantité de politesses sucrées me fit alors ce chien couchant! voyez… quand sa fortune, encore au berceau, aurait grandi. Et… mon aimable Henri Percy… et, cher cousin… Oh! que le diable emporte de pareils fourbes! – Dieu veuille me pardonner! Bon oncle, dites votre affaire, j'ai fini.
WORCESTER. – Non, si vous n'avez pas fini, continuez; nous attendrons votre loisir.
HOTSPUR. – J'ai fini, sur ma parole.
WORCESTER. – Allons, revenons encore une fois à vos prisonniers écossais. Rendez-leur la liberté sur-le-champ et sans rançon, et que le fils de Douglas soit votre seul agent pour lever une armée en Écosse. Ce qui, à raison de diverses causes que je vous expliquerai par cet écrit, sera, soyez-en certain, aisément accompli. (A Northumberland.) Vous, milord, tandis que votre fils sera employé, comme je viens de le dire, en Écosse, vous vous insinuerez adroitement dans le coeur de ce noble prélat, le meilleur de nos amis, l'archevêque.
NORTHUMBERLAND. – D'York, n'est-ce pas?
WORCESTER. – Lui-même, lui qui supporte avec peine la mort que son frère le lord Scroop a subie à Bristol. Je ne parle pas ici par conjectures; je ne dis pas ce que je pense qui pourrait être, mais ce que je sais qui est médité, conçu, déjà réduit en plan, et n'attend que les premiers regards de l'occasion propre à le faire éclore.
HOTSPUR. – Je pressens le tout. Sur ma vie, cela réussira.
NORTHUMBERLAND. – Toujours tu lâches la meute avant que la chasse soit ouverte.
HOTSPUR. – Quoi? Il n'est pas possible que ce plan ne soit excellent. Et ensuite l'armée d'Écosse et d'York!.. Ah! elles se joindront à Mortimer.
WORCESTER. – C'est ce qui arrivera.
HOTSPUR. – Sur ma foi, c'est un projet merveilleusement imaginé.
WORCESTER. – Et nous n'avons pas peu de raisons de nous hâter. Il s'agit de sauver nos têtes en nous mettant à la tête d'une armée 18; car nous aurions beau nous conduire aussi modestement que nous pourrions, le roi se croira toujours notre débiteur, et pensera que nous nous jugeons mal récompensés, jusqu'à ce qu'il ait trouvé moyen de nous payer complétement; et voyez déjà comme il commence à nous retrancher toute marque d'amitié.
Head, armée, corps de troupes.
HOTSPUR. – C'est un fait, c'est un fait. Nous serons vengés de lui.
WORCESTER. – Cousin, adieu. – N'avancez dans cette entreprise qu'autant que mes lettres vous indiqueront la route que vous avez à suivre. Quand l'occasion sera mûre, et elle va l'être incessamment, je me rendrai secrètement près de Glendower et du lord Mortimer; c'est là que vous et Douglas et toutes nos forces, d'après mes mesures, se trouveront
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