Observations grammaticales sur quelques articles du Dictionnaire du mauvais langage. Deplace Guy-Marie

Observations grammaticales sur quelques articles du Dictionnaire du mauvais langage - Deplace Guy-Marie


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latine de laquelle nous l'avons emprunté. Les citoyens de Rome étoient, comme l'on sait, divisés en diverses classes. Ceux de la première se nommoient exclusivement Classiques, cives classici. On donna dans la suite aux témoins recommandables par leur probité et leurs vertus morales l'épithète de classiques, testes classici. Enfin ce mot s'appliqua par extension aux auteurs dont l'excellence et le mérite étoient universellement reconnus, et c'est ainsi que l'on trouve dans Aulu-Gelle cette expression, auteurs classiques, scriptores classici. Ces citoyens, ces témoins, ces auteurs, chacun sous des rapports différens, faisoient autorité. L'opinion des premiers, les dépositions des seconds, le langage des troisièmes, servoient en quelque sorte de modèle et de règle. Peut-on douter que ce ne soit sur ces notions qu'est basée la définition de l'Académie françoise? Comment quelques Grammairiens n'ont-ils pas reconnu, aux termes dont elle se sert, qu'elle a voulu consacrer en quelque sorte le sens qu'indique une étymologie si glorieuse?3

      Les personnes qui parlent bien se conforment encore aujourd'hui à la décision de l'Académie. L'Encyclopédie, dans un long article consacré à développer le sens précis du mot classique, déclare «qu'on peut être applaudi, plaire, devenir célèbre parmi ses contemporains, et cependant n'être jamais un auteur classique; que ce droit n'appartient qu'aux meilleurs écrivains de la nation la plus éclairée et la plus polie, etc.»

      «Je voudrois, dit Boileau, que la France pût avoir ses auteurs classiques, aussi bien que l'Italie. Pour cela, il nous faudroit un certain nombre de livres qui fussent déclarés exempts de fautes quant au style. Quel est le tribunal qui aura droit de prononcer là-dessus, si ce n'est l'Académie?» Boileau propose ensuite un travail grammatical sur les bonnes traductions, parce que, dit-il, «les bonnes traductions avouées par l'Académie, en même temps qu'elles seroient comme des modèles pour bien écrire, serviroient aussi de modèles pour bien penser.»

      L'abbé d'Olivet juge l'idée de Boileau solide; mais il doute qu'il convienne de préférer des traductions, et appliquant à Racine et à Boileau lui-même ce que ce dernier dit des auteurs qui doivent servir de modèles, «Je suis, dit-il, persuadé avec toute la France, qu'ils mériteroient incontestablement tous les deux d'être mis à la tête de nos auteurs classiques, si l'on avoit marqué le très-petit nombre de fautes où ils sont tombés.»

      Que l'on ôte au mot classique la signification consacrée par l'Académie, ou qu'on en rende seulement le sens incertain en lui associant une acception nouvelle, et dès-lors ce que l'on vient de lire, comme ce que nos écrivains ont cru dire de plus juste et de plus précis pour caractériser les modèles qu'offre notre littérature, ne sera plus senti, et même ne pourra plus l'être. D'Olivet, l'Encyclopédie, l'Académie, hésitoient en quelque sorte à proclamer classiques nos plus beaux chefs-d'œuvre. Boileau vouloit que ce jugement fût réservé à un tribunal; et aujourd'hui on donnera ce nom à une méthode, à un vocabulaire, à une traduction interlinéaire, à un cours de thèmes, en un mot, au plus petit comme au moins important de tous les livres, pourvu qu'il soit en usage dans les classes! Cela ne fait-il pas pitié?

      On répondra sans doute que dans le cas dont je viens de parler, le mot classique n'a plus le même sens que lorsqu'il est question de nos grands écrivains. Il faut bien le supposer; autrement la sottise seroit trop forte. Mais alors, je le demande, à quel signe reconnoîtra-t-on ce second sens si différent du premier? Quel moyen d'éviter la confusion, lorsqu'il sera permis de dire également des œuvres de Racine et des rudimens de Bistac, que ce sont des classiques? Et à quelle fin dénaturer ainsi une expression dont tout le mérite consiste dans l'unité de l'idée qu'on y attache? Beaucoup de gens, je le sais, disent livres classiques, au lieu de livres de classe, parce qu'ils confondent les uns et les autres, ou parce qu'ils trouvent la première de ces locutions plus commode et plus rapide. Mais en voyant la multitude d'ouvrages sur l'éducation dont nous sommes inondés, décorés par leurs auteurs du nom de classiques, auroit-on bien tort de soupçonner que c'est la noblesse primitive du mot qui a flatté la vanité de cette foule d'écrivains médiocres par lesquels il est employé? Il n'y a pas, dans la langue françoise, de terme dont l'amour-propre littéraire doive être plus jaloux; et je sens combien il seroit doux de pouvoir, à l'aide d'une heureuse équivoque, se dire à soi-même: les œuvres de Racine, de Boileau, de Pascal, sont classiques, et les miennes aussi.

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      Cela a lieu sur-tout dans quelques pensions.

      On feroit un livre vraiment curieux si l'on recueilloit toutes les locutions vicieuses que certaines personnes substituent au bon langage avec l'intention de corriger celui qui est mauvais. Ici l'on dit qu'on va promener, là qu'on ne mouche pas; ailleurs, on recommande à une demoiselle de se tenir droit, etc. M. Molard condamne les deux premières de ces locutions; il autorise la troisième.

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      Art poétique, chant premier.

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      Les Dictionnaires italiens et espagnols définissent le mot

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Cela a lieu sur-tout dans quelques pensions.

On feroit un livre vraiment curieux si l'on recueilloit toutes les locutions vicieuses que certaines personnes substituent au bon langage avec l'intention de corriger celui qui est mauvais. Ici l'on dit qu'on va promener, là qu'on ne mouche pas; ailleurs, on recommande à une demoiselle de se tenir droit, etc. M. Molard condamne les deux premières de ces locutions; il autorise la troisième.

2

Art poétique, chant premier.

3

Les Dictionnaires italiens et espagnols définissent le mot classique d'une manière qui rappelle évidemment la même étymologie.


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